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Intervention de Louis-Joseph Manscour

Réunion du 28 juin 2011 à 21h30
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis-Joseph Manscour :

Après la censure par le Conseil constitutionnel de la loi instituant l'assemblée unique en 1982, la nouvelle étape législative que nous vivons est l'aboutissement direct d'une volonté constante de faire évoluer nos institutions.

En 2000, le mécanisme prévu par la LOOM sur les perspectives d'une évolution institutionnelle des DOM en atteste avec la mise en place du congrès des élus départementaux et régionaux.

La conversion de la droite sur ces questions d'évolution institutionnelle est singulièrement récente. La révision constitutionnelle de mars 2003 offre aux départements et régions d'outre-mer la possibilité de regrouper des collectivités ou de créer une assemblée unique, sous réserve du consentement des populations.

C'est le Président de la République de l'époque, Jacques Chirac, qui a voulu nous accompagner dans cette démarche. En 2000, à Madiana, il déclarait que les collectivités d'outre-mer devaient évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte sur mesure. Il paraissait normal que le Président de la République actuel suive la voie tracée, et il faut reconnaître qu'il eut le mérite de répondre aux sollicitations des élus de la Martinique et de la Guyane, leur laissant le choix de l'évolution institutionnelle de leur territoire sans sortir du régime de l'identité législative si chère à nos populations.

Serge Letchimy l'a rappelé, vingt-neuf ans après, nous vivons un moment historique de l'évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane vers plus de responsabilités. En effet, le 12 mai dernier, le Sénat adoptait deux projets de loi : le premier, organique, vise à assouplir les conditions dans lesquelles les collectivités régies par l'article 73 pourront adopter les lois et les règlements nationaux ; l'autre, ordinaire, instaure une collectivité territoriale unique en lieu et place du département et de la région actuels.

Que de chemin parcouru, pourrait-on dire ! Un petit pas peut effectivement être considéré par certains comme un pas de géant.

Il est vrai que ces textes traduisent la volonté des électeurs concernés, qui avaient rejeté, le 10 janvier 2010, tout statut régi par l'article 74, pour approuver quinze jours plus tard un statut régi par l'article 73. Rappelons que cet article permet d'obtenir des dérogations tout en restant dans le droit commun. À l'issue de ces deux consultations, les populations avaient besoin d'être rassurées. C'est pour cela que les textes doivent être dépourvus de toute ambiguïté.

Mes chers collègues, nonobstant quelques interrogations, il faut le reconnaître, les deux projets de lois qui nous sont présentés aujourd'hui comportent quelques avancées.

Prenons le cas du régime des habilitations. Cette procédure, reconnue depuis 2003, s'est révélée lourde et complexe, notamment pour des sujets importants tels que l'environnement et le transport. Afin d'y remédier et de permettre à ces collectivités de se saisir de cet outil, ce projet de loi organique tend à alléger la procédure d'habilitation des collectivités territoriales par l'État. La durée d'habilitation accordée par la loi, aujourd'hui limitée à deux ans, serait prolongée jusqu'à la fin de la mandature de l'assemblée qui l'a demandé.

Le maintien du congrès des élus départementaux et régionaux, dont l'effectif est augmenté de l'ensemble des maires et parlementaires, est aussi une avancée positive. J'ai cependant déposé un amendement à ce sujet. En effet, l'intégration des maires au congrès rend nécessaire la révision de ses compétences qui ne sauraient être limitées aux seuls avis sur l'évolution institutionnelle. Le congrès devrait aussi pouvoir émettre des avis dans des domaines tels que le social, l'aménagement du territoire et la fiscalité locale.

La mise en place de cette nouvelle collectivité devrait permettre une plus grande visibilité et efficacité dans la gestion des finances publiques et assurer une meilleure cohérence de l'action publique.

Ce serait cependant faire preuve d'un optimisme béat que de croire que cette nouvelle collectivité suffirait à elle seule à résoudre les problèmes dont souffrent nos territoires tant ils sont multiples et complexes.

S'agissant de la date de la mise en place de la collectivité unique, je note avec satisfaction que le Président de la République a retenu l'année 2014 et non l'année 2012 qu'il avait lui-même évoquée. La complexité de la fusion rendait difficile le maintien de cette échéance.

Certains ont voulu faire des comparaisons, mais il faut comparer ce qui est comparable, et il est certain que fusionner deux collectivités de cette importance, aux problématiques différentes, n'est pas une chose facile. Cette complexité rend donc nécessaire un soutien financier aux collectivités qui fusionnent. Nous regrettons, madame la ministre, que le Gouvernement n'ait pas prévu, dans le projet de loi, une dotation spécifique pour la réalisation de la fusion du département et de la région afin d'accompagner cette lourde réforme. En effet, la préparation de cette collectivité unique nécessite d'importantes études préalables telles que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l'inventaire exhaustif des patrimoines des collectivités, département et région, l'installation des nouveaux services reformatés. Ces charges liées à la fusion ne doivent pas grever les budgets déjà tendus de ces collectivités.

Madame la ministre, malgré ces avancées, votre texte m'inspire quelques interrogations. Je vous en donne quelques exemples.

Le mode de scrutin proposé, la proportionnelle, sur la base de quatre circonscriptions législatives, ne répond pas à l'exigence de la représentation des territoires pour compenser la disparition des cantons. Son analyse approfondie montre son inadaptation. Il est d'ailleurs loin de faire consensus.

Par ailleurs, le pouvoir de substitution donné au préfet est totalement contraire à l'esprit de la décentralisation. Tous mes collègues ont eu l'occasion de le dire ; je le répète.

Votre projet de loi organise effectivement un pouvoir parallèle du préfet face à l'exécutif des collectivités uniques de Martinique et de Guyane. Il est prévu que le représentant de l'État se substitue quasi automatiquement aux collectivités dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité. Pour ma part, je trouve cela inadmissible : pourquoi propose-t-on, en l'occurrence, cette disposition que l'on n'a pas envisagée pour les collectivités de la métropole ? Considère-t-on que nous ne sommes pas capables de gérer convenablement ? Peut-être souffrez-vous du syndrome de la Polynésie française, qui vous fait vous méfier aujourd'hui des ultramarins, singulièrement des élus de Martinique et de Guyane.

Madame la ministre, comme je l'ai dit au début de mon propos, les Martiniquais ont souhaité une évolution institutionnelle maîtrisée, dans le cadre de la République française et dans l'Europe. Ils ont toujours prôné une meilleure efficacité de la gestion des affaires martiniquaises. Ils se sont d'ailleurs toujours interrogés sur la pertinence de l'existence, sur un petit territoire, de deux collectivités qui exercent des compétences souvent semblables dans la réalité, un pourcentage élevé d'élus siégeant dans les deux assemblées.

Ne soyons pas dupes, mes chers collègues. Nous savons pertinemment que la mise en place de la collectivité unique – je l'ai déjà dit et je le répète – ne réglera pas tous les problèmes auxquels se trouvent confrontés nos compatriotes, et nous ne voulons pas qu'elle serve d'alibi à l'État pour ne pas assumer ses responsabilités. Si le Gouvernement ne nous donne pas envie de croire en l'État-providence, nous n'avons cependant pas envie d'en arriver à croire en « l'État-négligence ».

Dans la lutte pour l'émancipation de nos peuples, nous devons d'abord – je le sais – compter sur nous-mêmes. Ceux qui pensent que l'évolution du statut institutionnel va régler tous les problèmes se trompent. Le statut, ce n'est simplement qu'un instrument, mais je pense que les moyens nous seront donnés pour que nous puissions travailler à l'édification d'une Martinique – je ne parle pas de la Guyane, Mme Taubira s'en est chargée – nouvelle et prospère, au sein de laquelle chaque Martiniquais aura bien le sentiment de ne pas avoir été oublié. Cela doit nous permettre d'assurer un jour un meilleur développement économique, social et culturel à notre pays martiniquais. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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