Toutefois, une question se pose. Pour les premières élections à l'assemblée de Guyane, le conseil général et le conseil régional seront saisis pour avis. Mais, s'ils sont en désaccord, selon quels critères allez-vous choisir, madame la ministre ? Par ailleurs, en raison de notre croissance démographique et donc de l'augmentation du nombre d'élus à l'Assemblée de Guyane, nous aurons à réviser la carte électorale à court terme. Quelle sera alors la décision de l'autorité réglementaire ? Face à ces incertitudes, il me semble plus judicieux que, comme l'a proposé notre rapporteur, ces questions sensibles puissent faire l'objet d'un débat au Parlement et soient tranchées dans la loi afin d'éviter d'éventuels choix arbitraires.
Pour conclure ce chapitre sur l'organisation institutionnelle, je dirai qu'il s'agit ni plus ni moins que de revenir, avec trente ans de retard, à l'option d'une assemblée unique dans les DOM, votée en 1982, lors de la loi créant les collectivités régionales. À l'époque, le Conseil constitutionnel s'y était opposé, car elle sortait du cadre du droit commun ; nous avons connu l'invention d'une région monodépartementale, qui a montré ses limites. Oui, la fin de cette invention est une avancée. La collectivité territoriale devra permettre la rationalisation de l'action publique. Mais je regrette profondément le manque d'audace et de courage politique du Gouvernement qui ne manifeste aucune ambition pour l'avenir de la Guyane, s'abritant derrière un discours sur le droit commun.
Puisque le droit commun prévaut, madame la ministre, je vous invite à mettre un terme aux nombreuses dispositions dérogatoires qui pénalisent les ressources de nos collectivités locales : la dotation globale de fonctionnement est plafonnée dans sa partie superficiaire, ce qui nous a fait perdre 16 millions d'euros en 2009 ; le foncier domanial non concédé et non exploité de l'État n'est pas évalué, ce qui lui permet d'échapper à la taxe sur le foncier non bâti sur l'ensemble de son domaine privé ; 27 millions d'euros sont prélevés sur les recettes d'octroi de mer des communes au profit du conseil général, dont la dotation globale de fonctionnement est inférieure à la moyenne des départements à démographie comparable.
Toujours au nom du droit commun, je vous invite également à supprimer l'article 9 du texte, qui renforce le pouvoir de substitution du préfet. Pourquoi prendre cette mesure alors que le droit commun accorde déjà au préfet un pouvoir de substitution dans différents cas de défaillance ou de manquement d'une collectivité dans l'exercice de ses compétences ? Le renforcement du dispositif uniquement pour les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution est une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et une stigmatisation des élus locaux d'outre-mer. Il est donc inacceptable. J'ai d'ailleurs déposé un amendement de repli, par lequel je propose, dans l'hypothèse où ce dispositif serait maintenu, qu'il soit étendu aux collectivités régies par l'article 72 de la Constitution. Par ailleurs, les carences des collectivités locales, avancées comme justification, ont souvent des raisons financières liées à leurs difficultés structurelles. Les pouvoirs renforcés du préfet n'y pourront rien.
Pour terminer, j'évoquerai le nouveau dispositif relatif aux habilitations, qui s'appliquera dès le vote du projet de loi organique à l'ensemble des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. La souplesse de la procédure et l'allongement de la durée des habilitations doteront la collectivité d'un nouvel outil de gestion qui permettra d'adapter les politiques publiques à notre réalité, et de ce fait, de renforcer leur efficacité. En allant au terme des possibilités offertes par l'article 73 dans ce domaine, la Guyane pourra décliner la vision qu'elle a pour son territoire et s'engager dans les politiques concourant au socle de son développement économique, social et culturel. Riche de cette expérience, elle verra s'élargir, à terme, le champ des possibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)