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Intervention de Pascal Brindeau

Réunion du 28 juin 2011 à 21h30
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Consultés le 24 janvier 2010 sur l'avenir de leur collectivité, les électeurs de Guyane et de Martinique se sont massivement prononcés en faveur de la transformation de leur département et de leur région en une collectivité unique régie par l'article 73 de notre Constitution.

À cet égard, le premier objet de la discussion qui s'ouvre à présent est bien de nous conformer au voeu de nos concitoyens guyanais et martiniquais, en fixant dans la loi les contours de cette nouvelle collectivité, et ce quelques mois à peine après avoir vu l'île de Mayotte devenir le cent et unième département français.

C'est la preuve, s'il en fallait, de la vitalité que revêtent outre-mer les adaptations institutionnelles, plus de soixante ans après la loi de 1946 qui avait érigé en départements ce qu'on appelait alors encore les quatre vieilles colonies – Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion.

Aussi, si le projet de loi ordinaire relatif aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique revêt bien une importance cruciale, il importe de conserver à l'esprit les raisons qui ont présidé, voici plus d'un an, à la tenue de ces consultations.

Chacun le sait, bien plus que quelques revendications ponctuelles, la violente crise sociale qui a embrasé, dans les premiers mois de l'année 2009, les départements français d'Amérique ainsi que la Réunion a été l'occasion de révéler les limites et les failles qui étaient, dans ces collectivités, celles de notre pacte républicain.

Par voie de conséquence, les états généraux de l'outre-mer, convoqués à l'issue de la crise pour répondre au profond malaise qui s'était fait jour, n'ont pas seulement eu à traiter de quelques problèmes ciblés, d'ailleurs régulièrement évoqués dans cet hémicycle, qu'il s'agisse du prix des carburants et plus largement de la vie chère, de la faiblesse des mécanismes censés garantir à nos concitoyens une continuité territoriale effective avec l'hexagone ou des difficultés à tracer les contours d'un modèle de développement endogène de ces territoires.

En réalité, la question à la laquelle se devaient de répondre les états généraux était bien plus large et touchait véritablement au projet de société que la République se devait de proposer à nos concitoyens ultramarins.

Dans l'ensemble des départements d'outre mer, ces états généraux se sont ainsi saisis du débat institutionnel et statutaire ouvert à l'initiative du Président de la République lors de son déplacement aux Antilles. Ce débat a bien eu lieu et, après de très riches développements, il a débouché sur des conclusions sensiblement variables d'un département à un autre.

Ainsi, si les habitants de la Martinique et de la Guyane ont exprimé la volonté d'une évolution institutionnelle, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, voire d'une évolution statutaire, c'est-à-dire appelant à un passage du champ de l'article 73 à celui de l'article 74, nos compatriotes guadeloupéens ont pour leur part souhaité se donner le temps d'une plus grande réflexion. À la Réunion, c'est la volonté du statu quo institutionnel qui l'a emporté, dans la droite ligne du sentiment qui avait prévalu lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Après avoir rejeté, tant en Martinique qu'en Guyane, la perspective d'une évolution statutaire, nos concitoyens ont ainsi fait le choix de la collectivité unique, partageant le constat dressé quelques semaines plus tôt par le comité Balladur pour la réforme des collectivités locales, lequel estimait que la superposition sur un même territoire d'un département et d'une région illustrait à l'extrême l'empilement des structures administratives dont souffraient nos territoires.

Une seule et même collectivité territoriale succédera donc prochainement, en Martinique comme en Guyane, au département et à la région. C'est, là encore, ce que préconisait in fine le comité Balladur.

La concertation a porté ses fruits : alors que la future collectivité territoriale de Guyane se verra dotée d'un schéma institutionnel proche de celui des régions, avec une assemblée et un président élu en son sein qui constituera l'exécutif de la collectivité, la Martinique sera quant à elle organisée sur un schéma plus original caractérisé par une séparation étanche des organes exécutifs et délibérants de la collectivité.

L'Assemblée de Martinique élira un président pour diriger ses travaux, mais elle élira également un conseil exécutif composé de neuf membres dont un président, lequel sera l'ordonnateur de la collectivité et le chef de son administration. Responsable devant l'Assemblée de la Martinique, ce conseil exécutif pourra être renversé par l'adoption, à la majorité des trois-cinquièmes, d'une motion de défiance à l'allemande, c'est-à-dire « constructive » car elle devra proposer une composition alternative du conseil exécutif.

Cependant, si les différents schémas institutionnels proposés semblent aujourd'hui faire consensus tant localement qu'au sein de notre assemblée, tel n'est pas le cas du nouveau pouvoir de substitution qui serait confié au préfet en cas de carence d'une collectivité régie par l'article 73. Proposée à la suite des travaux du conseil interministériel de l'outre-mer, cette procédure, loin de constituer ce « retour du gouverneur » décrit par certains, se justifie d'abord par l'impossibilité, pour des raisons géographiques évidentes, de recourir au soutien de collectivités voisines en cas de difficultés majeures. À cet égard, il s'agit bien, en l'espèce, d'une procédure exceptionnelle, d'une garantie pour l'État et pour les administrés de chacune de ces collectivités.

Je veux aussi saluer les modifications apportées à cette procédure tant par les sénateurs que par notre commission des lois, puisque finalement c'est sur un constat de carence certes, mais aussi sur le dialogue entre les élus locaux et le représentant de l'État que reposera cette procédure, en lieu et place de la mise en demeure initialement envisagée.

J'en viens au dernier point de ce débat. Il concerne l'assouplissement des conditions dans lesquelles une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution peut se voir habilitée à adapter pour son territoire certaines règles relevant du domaine de la loi ou de celui du règlement.

Cette faculté constituait, lors de la révision constitutionnelle de 2003, le corollaire de la réaffirmation du principe d'identité législative régissant les départements d'outre-mer. Elle avait, à l'époque, suscité beaucoup d'espoir. Mais force a été de constater que les conditions fixées pour cette procédure, ainsi que le contrôle d'opportunité exercé par le Gouvernement lorsque ces demandes d'habilitation portent sur une matière relevant du pouvoir réglementaire, ont eu pour effet d'en limiter largement la portée. En conséquence, le groupe Nouveau Centre soutiendra l'assouplissement proposé de la loi organique du 21 février 2007.

Plus largement, et en guise de conclusion, je voudrai souligner que si la création d'une collectivité unique procède d'abord et en priorité du souhait exprimé par les électeurs, elle constitue non pas une fin en soi, mais avant tout un outil au service du développement de ces territoires.

À cet égard donc, il appartiendra désormais à l'ensemble des acteurs locaux, et à l'État, de se saisir de ces possibilités nouvelles, au service de nos concitoyens guyanais et martiniquais, au service du développement économique et du progrès social de ces collectivités.

C'est bien là, mes chers collègues, tout le sens du lien qui nous unit, ultramarins et métropolitains, dans la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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