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Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 28 juin 2011 à 21h30
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Madame la ministre, je suis partagé entre une grande satisfaction et une légère déception. Les hommes ont quelquefois tendance à croire que l'histoire commence avec eux ou avec leur génération. Pour ma part, je crois que nous sommes tous amenés à prendre le train en marche et que c'est avec humilité et reconnaissance qu'il faut apprécier le travail fait avant nous. Surtout, nous devons utiliser ce travail pour exprimer nos ambitions et circonscrire nos limites. Je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte pour rétablir l'histoire.

C'est le 2 mars 1982 qu'Aimé Césaire a défendu dans cette assemblée, sur proposition de la majorité socialiste de l'époque et en concertation avec le ministre Henri Emmanuelli, la loi n° 82-213 instaurant une assemblée et un exécutif unique. Ce projet de loi avait été voté à une large majorité. Mais, sur la base d'un rapport de Louis Virapoullé, ce même texte a été déféré devant le Conseil constitutionnel pour non-respect de la représentation des composantes territoriales des départements d'outre-mer. Et le Conseil constitutionnel, par décision du 2 décembre 1982, a censuré le texte. Cela fait vingt-neuf ans !

Vingt-neuf ans après, les faits sont têtus, les réalités imprescriptibles, l'aspiration de nos pays à plus de responsabilité est inéluctable et notre besoin de protéger notre personnalité collective est inaliénable.

Je veux ici rendre hommage à l'éveilleur de conscience et au visionnaire que fut Aimé Césaire qui, toute sa vie, a lutté pour l'émancipation des peuples d'outre-mer et plus spécifiquement du peuple martiniquais. Il s'agit pour moi non pas de défendre une paternité éphémère, mais de rappeler une phase de l'histoire qu'il faut voir comme un ancrage de notre détermination dans cette longue route pour l'émancipation. C'est pour cela que je considère que ce texte n'est pas seulement une fusion administrative de deux collectivités ; c'est un processus historique lancé depuis très longtemps.

Après le rapport Lise-Tamaya, après la déclaration de Basse-Terre, après le discours de Jacques Chirac à Madiana et à Champ fleuri à la Réunion en 2000, après la tentative d'instauration d'une collectivité unique en 2003, qui a échoué de très peu, il faut le dire, un changement progressif des mentalités s'est opéré, tant en France qu'en outre-mer, lent mais inéluctable. On reconnaît par les faits et par l'histoire qu'on peut difficilement traiter de manière identique des situations différentes. On reconnaît progressivement que le droit à l'égalité n'est en aucune manière incompatible avec le droit à la différence.

Plus que la diversité des statuts, c'est la diversité des trajectoires statutaires et institutionnelles qui s'impose. Les voies sont multiples. « L'heure des statuts uniformes est passée » a dit Nicolas Sarkozy. C'est reconnaître que la départementalisation a été une forme de décolonisation qui a montré ses limites. Si la départementalisation a ouvert à nos pays une République porteuse d'égalité sociale, juridique, économique, dans ses lois et règlements, cette même République ne peut ignorer dans ses fondements essentiels ce qu'Aimé Césaire a prophétisé de manière remarquable avant tout le monde : le droit à la différence, le droit à la singularité. Il a plaidé pour la prise en compte de la diversité des peuples, de leur intelligence, de leur personnalité dans une République où il faut protéger les personnalités, les cultures et les richesses propres. En 1956, il disait : « Il y a deux manières de se perdre : par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans l'universel. »

L'étape d'aujourd'hui est essentielle, elle constitue une évolution vers l'expression de ce droit à la différence qui est, en fait, un droit permanent et qui doit rester ouvert.

J'en viens aux textes, concrétisation du choix des peuples martiniquais et guyanais les 10 et 24 janvier 2010. Après trente ans, les deux textes qui nous sont proposés constituent deux avancées majeures dans le cadre de la clarification institutionnelle. Mais s'il faut collectivement saluer cette avancée ici, il faut aussi reconnaître que ces textes présentent des carences perfectibles. Nous avons donc déposé cette motion de renvoi en commission sur le projet de loi relatif aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, pour nous permettre de travailler sur quelques articles, notamment l'article 9.

Il faut définir les moyens à donner à ces collectivités et surtout faire des évaluations correctes, notamment pour leur permettre d'évoluer sereinement en matière de gouvernance nouvelle. Quant aux découpages, vous avez indiqué qu'ils se feraient par décret, mais il est essentiel de dire clairement qu'ils relèvent de la loi et que certains Guyanais et nous-mêmes n'en sommes pas très satisfaits.

Les peuples guyanais et martiniquais ont fait le choix du mouvement et non celui de l'immobilisme, et surtout pas celui de l'effacement que traduit l'article 9. Si nous adhérons à cette avancée institutionnelle, nous devons être aussi conscients d'une chose : ce n'est qu'un cadre, si beau soit-il, un instrument. Si, en face, il n'existe pas une organisation qui permette de construire un développement local, social et culturel tenant compte des réalités, nous risquons d'échouer.

Il faut un acte II pour l'avenir, une nouvelle loi-programme pour enrayer le mal-développement de ces régions. Le rapporteur a rappelé les limites de la LODEOM.

La Guyane et la Martinique ont chacune leur trajectoire historique, elles ne se trouvent pas dans la même région géographique. Il est légitime qu'il y ait des différences importantes entre les deux pays, non seulement en matière de gouvernance, d'évolution du nombre d'élus, sachant que la démographie guyanaise évolue très rapidement, mais également en matière de conseils consultatifs – on connaît l'organisation des peuples guyanais. Leurs réalités naturelles, culturelles et économiques doivent servir de fondements à l'éclosion d'une alternative économique suffisamment crédible et durable pour assumer le nécessaire développement endogène capable de réduire le fléau du chômage, de passer d'une économie de consommation, voire de comptoir, à une économie de production. Cela vaut pour la Martinique comme pour la Guyane.

Concernant l'évolution des compétences, madame la ministre, si le choix des peuples doit être respecté, notamment le vote du 24 janvier 2010, personne ne doit laisser croire qu'aucune compétence nouvelle n'est possible. L'amendement que j'ai proposé et qui a été accepté par la commission des lois ouvre des perspectives de discussion sur l'évolution des compétences en Martinique.

Chers collègues, je le disais tout à l'heure, ce texte comporte des avancées non négligeables. Je salue l'évolution des habilitations législatives et le passage de deux ans à six ans. Le fait que les compétences d'habilitation réglementaire soient données par la loi n'avait aucun sens. Vous avez trouvé une très bonne solution. Je trouve également satisfaisante la possibilité d'avoir des transferts de compétences accessoires, c'est-à-dire les compétences législatives – s'il y a des compétences réglementaires on peut y aller –, comme je trouve bonne la transition entre mandatures dans le cadre des habilitations, sur une durée qui n'est pas limitée, qui peut atteindre six ans, la durée du mandat.

Il reste un débat essentiel, c'est la signification que vous donnez, madame la ministre, au troisième alinéa de l'article 73 concernant le nombre limité de matières. La Constitution ne définit pas le nombre limité de matières. Qu'est-ce qu'une matière ? L'énergie est-elle une matière en soi ? L'écologie est-elle une matière en soi ? Le social est-il une matière en soi ? L'énergie renouvelable est-elle une matière dans le domaine de l'énergie ? Vous devriez nous aider à travailler sur des concepts beaucoup plus larges tels que nous les avons définis dans le cadre du Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire la question du développement durable. On y gagnerait. Cela ne sert à rien de donner des parcelles d'habilitation à une institution ou à une collectivité qui n'agirait que sur l'énergie renouvelable et pas sur l'énergie d'une manière globale. Cela n'a pas de sens.

Je le disais tout à l'heure, si cette loi comporte des éléments extrêmement positifs, elle exprime cependant une conception rétrograde et inacceptable de la décentralisation.

Le texte rétablit le retour au temps les plus éculés de la centralisation ; il stigmatise les élus de l'outre-mer : c'est le retour du gouverneur. Je veux parler de l'article 9, qui donne au préfet un pouvoir de substitution exorbitant.

La démarche du Gouvernement est sur ce plan inacceptable. La formule atténuée proposée par le Sénat, qui organise un dispositif de constatation de « l'état de carence », est pire encore. En effet, ce dispositif ne s'applique qu'aux seules collectivités de l'article 73, et pas uniquement à la Martinique et à la Guyane. C'est un couvre-feu politique qui est décrété en outre-mer ! Un couvre-feu pour incurie personnalisée d'élus locaux en outre-mer. Et c'est sans complexe que l'on tombe dans le ridicule quand on sait le caractère inopérant de ce dispositif. Comment en effet l'État s'accommodera-t-il des contraintes financières ? J'évoquais tout à l'heure les risques majeurs et sismiques, c'est un bon exemple. La cour régionale des comptes dit qu'il faut cinq milliards d'euros si l'on veut répondre correctement aux enjeux des risques majeurs sismiques et cycloniques, dans les départements et régions d'outre-mer. Or vous connaissez les montants engagés dans le plan « Séisme outre-mer » : ils en sont très éloignés. Qui doit donc assumer les carences en ce domaine ? L'État ou la collectivité territoriale ?

Madame la ministre, aucun élu de l'outre-mer ou d'ailleurs ne peut accepter une telle humiliation, une telle dérive de la démocratie locale. Au demeurant, ce n'est pas seulement une question de démocratie, c'est une question d'éthique. Je vous mets en garde avec amitié : vous porterez toute votre vie politique la responsabilité d'avoir transformé un ciel d'espérance en un ciel de défaite.

Mon objectif n'est pas de vous fustiger ; il est de vous sensibiliser et d'éviter que vous ne commettiez une telle erreur. Je ne doute pas que vous obéissiez à la discipline gouvernementale, mais vous véhiculez ici une conception de l'outre-mer qui n'est pas exempte d'ineffaçables relents colonialistes – et je m'excuse de le dire aussi directement. C'est ce type de pensée qui a fait resurgir l'idée qu'il y avait des aspects positifs à la colonisation. C'est ce type de pensée qui a guidé la plume du désastreux discours de Dakar et c'est encore ce type de pensée qui peut raviver un complexe tout aussi désastreux : le complexe d'infériorité, qu'aucun Panthéon ne pourra réparer.

Pour vous éclairer, j'emprunte à Mahmoud Darwich, le grand poète palestinien, une formulation qui me semble convenir à la circonstance : « Il n'y a pas d'autres soleils sous le soleil que la lumière de ce coeur qui perce l'ombre. » C'est de l'homme qu'il parle, donc de vous, de nous, dans notre dignité, dans notre essence…

Et ne me faites pas croire qu'il s'agit d'un simple artifice technique ; ce n'est pas vrai ! Il s'agit bien d'une tutelle, d'une tutelle de l'ombre, de l'autoritarisme, d'une tutelle d'effacement, sans concertation. Je ne parle pas seulement à la ministre, mais aussi à l'élue locale que vous êtes. C'est pour cela que je vous invite à la sagesse, au moment de l'examen de notre amendement de suppression de l'article 9.

Que faut-il entendre quand vous parlez du « respect des engagements internationaux ou européens de la France » ? En quoi ces collectivités sont elles spécifiquement concernées par de tels engagements ? Vous avez dû être mal renseignée. En quoi la pratique dénoncée est-elle à ce point caractéristique de l'outre-mer ?

La France et le respect des engagements communautaires, c'est une vieille histoire ! Je peux citer, depuis 1991, l'insuffisance de production d'eau de consommation en Bretagne, la directive nitrates d'origine agricole, le déversement annuel de 100 000 tonnes d'azote d'origine agricole dans la Manche : on est loin de l'outre-mer !

La directive des eaux urbaines résiduaires de 2001 a conduit la France à des contentieux extrêmement graves pour non-respect des normes européennes. Où ? À Arles, à Bordeaux, à Lyon, autant de villes qui ne sont pas en outre-mer ! Pour ces eaux urbaines résiduaires non traitées, la France a dû faire face, au titre des articles 226 et 228 du traité, pour non-respect de la directive 91271 du 21 mai 1991, à des actions en justice sur son territoire hexagonal.

Combien de textes semblable à celui que vous nous proposez ici avez-vous pris contre ces villes et ces régions situées en France hexagonale ? Aucun ! Aujourd'hui, en 2011, 83 stations d'épuration sont jugées non conformes, et les dépenses nécessaires au traitement des eaux résiduaires sont estimées entre 300 et 400 millions d'euros.

Vous prenez pour prétexte les carences guadeloupéennes et guyanaises dans le domaine de l'assainissement et des ordures ménagères, en ignorant les enjeux financiers qui concernent tant l'État que ses collectivités. Vous faites un choix politique qui stigmatise tous les élus de l'outre-mer, les maires, les conseillers généraux, les conseillers régionaux et la future collectivité territoriale, revenant à une forme de tutelle qui rompt avec la logique de décentralisation et de responsabilisation que le projet de loi en discussion est censé porter.

La mesure retenue dans la nouvelle rédaction adoptée par amendement est tout aussi inopérante que la précédente. Monsieur le rapporteur, ce n'est pas en mettant en place une procédure de carence que l'on réglera le problème ; on ne fera au contraire que l'aggraver. Ce n'est pas non plus parce que ce n'est plus le Premier ministre, mais le ministre responsable qui prendra le décret que les choses s'arrangeront. C'est encore pire !

Vous ôtez aux collectivités territoriales toute possibilité d'assumer directement leurs responsabilités en matière de santé publique et d'environnement. Quant aux engagements internationaux de la France, leur respect dépend d'une concertation et certainement pas de ces mesures autoritaires.

Je souhaite donc la suppression de l'article 9, et vous demande pour quelle raison de telles mesures n'ont-elles pas été prises à l'encontre des communes qui ne respectent pas la loi SRU et le quota de 20 % de logements sociaux. Regardez donc cette réalité en face ! Nous sommes ici au coeur d'un débat politique.

Dès lors que cet article 9 aura été supprimé, on pourra féliciter le Gouvernement du dialogue qui a permis d'aboutir à ce texte, et la lumière reviendra. Vous avez donné, madame la ministre, un outil de gouvernance original à la Martinique et à la Guyane ; il domicilie une responsabilité de gestion et implique indifféremment les élus dans leur réalité endogène. Vous avez aussi donné à la Guyane, ce beau et grand pays d'Amazonie, doté d'un patrimoine humain et naturel exceptionnel, des moyens de gouvernance inédits. Dans l'un et l'autre cas, les choix sont différents ; je les respecte. Pour ces deux pays, il s'agit de statuts particuliers, qui procèdent d'une application ouverte de l'article 73.

Vous avez permis une évolution potentielle des compétences, grâce à un amendement adopté en commission des lois. Vous permettez également une amélioration – encore insuffisante – des relations en matière de coopération. Il faut cependant aller plus loin et permettre à ces régions de siéger de manière permanente dans des instances régionales qui leur sont propres.

Vous ouvrez également des perspectives en matière de gouvernance multiniveaux, notamment pour les régions ultrapériphériques, afin de parvenir à une gouvernance maritime locale. Il est facile en effet d'affirmer que les régions ultrapériphériques françaises constituent 97 % de notre surface maritime et 70 % de la surface maritime européenne sans leur donner la possibilité de pouvoir coopérer avec le Brésil, par exemple, si l'on parle des Caraïbes.

Vous accordez enfin à la Martinique une habilitation à légiférer dans le domaine de l'énergie. Cela mérite d'être salué. Vous l'avez déjà fait à deux reprises pour la Guadeloupe, et je pense que la prochaine demande guyanaise en ce sens devrait être satisfaite.

Vous apportez également une réponse claire concernant la mise en place, en 2014, de la collectivité unique. Je ne partage pas néanmoins votre argument sur la cohérence entre les échéances nationales et locales. Il s'agit davantage, selon moi, d'éviter que cette collectivité ne soit mise en place dans des conditions qui ne soient pas acceptables, faute de préparation suffisante.

Au-delà de ces avancées majeures, le recours aux ordonnances n'est pas fondé. Il pouvait se comprendre dès lors qu'il fallait accélérer le processus et organiser la consultation en 2012. Dès lors que l'échéance est repoussée à 2014, les ordonnances ne sont plus justifiées pour opérer la fusion du personnel ou organiser les nomenclatures comptables. Cela peut se faire par voie législative. Il y a le temps pour une consultation locale, d'autant que le texte qui nous a été soumis prévoyait à l'origine que ce soit le préfet qui coordonne cette organisation en s'appuyant sur la concertation. Cette disposition qui n'avait aucun sens a été supprimée, et il me semble que la loi est un meilleur outil ici que les ordonnances.

En ce qui concerne l'assemblée de Martinique, vous êtes passés de 86 à 51 élus, tout comme vous attribuez – et c'est louable – 51 élus à la Guyane, chiffre susceptible de progresser selon la démographie. Je ne serai pas celui qui comparera la Martinique à la Guyane – je suis autant guyanais que martiniquais –, mais attribuer 51 élus à la Martinique ne me semble pas à la hauteur des enjeux de son développement. Vous savez pertinemment en effet qu'il faut beaucoup plus d'élus que cela pour participer à l'ensemble des commissions. Je souhaite donc que vous augmentiez le nombre des élus.

Concernant le nombre de sections, le rapporteur explique que les choses se feront par décret mais sans rien changer. Non ! Si vous passez par décret, il faut avoir le courage, si vous consultez les élus locaux, de changer lorsque c'est nécessaire.

Nous considérons que la proximité entre les élus et la population est fondamentale et, si dans un premier temps nous avions accepté quatre circonscriptions, j'ai clairement dit que nous revenions sur cette position, pour des raisons politiques locales. Je propose un découpage en huit sections, pour permettre une meilleure représentation du nord de la Martinique et compenser, en termes de proximité, la perte des cantons.

Concernant le congrès, la direction que vous prenez tend à le dénaturer. Le congrès, mis en place selon les préconisations du rapport Lise-Tamaya, a représenté une avancée considérable. Il existait auparavant deux collectivités sur le même territoire et il s'agissait de rassembler ces deux collectivités pour faire des propositions en matière d'évolution institutionnelle.

Or vous donnez aux maires la possibilité de voter et vous créer un bicaméralisme, bicaméralisme que nous avons précisément voulu supprimer en créant la collectivité unique. De mon point de vue, les maires n'assument pas les mêmes missions. Il ne s'agit pas de dire qu'ils ne doivent pas voter, mais l'important est de consacrer l'évolution institutionnelle vers plus de responsabilité et plus d'autonomie. Je ne comprends donc pas pourquoi vous créez une seconde instance, aux côtés de la collectivité unique.

Enfin, concernant les rapports entre le président de l'exécutif et le président de l'Assemblée, nous avons corrigé une erreur essentielle, car il ne doit pas y avoir d'opposition radicale entre le président de la collectivité et le président de l'exécutif. Il faut notamment faire attention à l'ordre du jour, et je remercie le rapporteur d'avoir accepté un amendement qui spécifie bien que c'est le président de l'assemblée qui décide de l'ordre du jour, sur la base des priorités du président de l'exécutif.

Les Martiniquais et les Guyanais attendent beaucoup de ce nouvel outil, de ces nouvelles institutions. Ne les décevez pas. Ce moment est une étape essentielle, et nous devons être conscients des manquements, notamment sur le lien à opérer entre évolution institutionnelle, gouvernance, développement et responsabilités.

Je dirais à l'instar d'Aimé Césaire, en 1981, qu' « il s'agit de faire accéder nos populations à la pleine personnalité collective et d'ouvrir à leur initiative tout le champ du possible ».

Tous les statuts ont leurs avantages et leurs inconvénients. Moi, je me situe au confluent de toutes les énergies pour éviter de demeurer « dans les marécages stagnants de l'aliénation – dont les dangers existent toujours –, les blandices de l'assistance….et les délices de la société de consommation sans production ». Nous devons aussi faire en sorte que cette gouvernance soit au service d'une nouvelle politique de développement de façon à ce que nous puissions nous attaquer de la manière la plus ferme qui soit aux grandes difficultés de ces pays – 25 % de chômage, de nombreuses personnes en recherche de logement, des politiques de développement qui nient la croissance endogène, une incapacité à trouver le rythme nécessaire à une croissance partagée localement.

C'est pour cela que nous ne bouderons pas notre histoire en même temps que le progrès. Nous voterons ce texte parce qu'il le faut, mais dans l'immédiat, en raison des insuffisances que j'ai évoquées, je vous demande de voter le renvoi en commission. Au-delà du statut, c'est aussi d'un appel à nous-mêmes qu'il est question, de notre capacité à organiser un nouveau développement, à puiser dans notre créativité, notre imagination, à travers des initiatives de dépassement, pour faire face aux nouveaux défis du monde. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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