Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, avec le retour du projet de loi à l'Assemblée nationale après la lecture au Sénat, les choses n'ont pas beaucoup avancé. On pourrait même dire qu'elles sont devenues plus difficiles pour le Gouvernement. L'absence du rapporteur général du budget, Gilles Carrez, est un indice significatif, d'autant que le président de la commission des finances, notre collègue Jérôme Cahuzac, lui, est bien présent.
Les doutes et les interrogations subsistent et, au Sénat comme ici, en première lecture, des voix se sont fait entendre – bien au-delà de la gauche – pour souligner le risque de mettre en cause les droits du Parlement. Les membres du Gouvernement ont glissé dans leurs réponses qu'il s'agissait « d'impliquer pleinement le législateur dans la maîtrise des finances publiques. »
Dans les débats, on a beaucoup parlé de la Constitution, et notamment des articles 34, 40, et 41. Ce qui a fait dire au garde des sceaux, à la tribune du Sénat, que cette réforme constitutionnelle était d'un « style très particulier »
Toujours au Sénat, le rapporteur de la commission des lois a pris soin de préciser que l'encadrement budgétaire ne visait pas les collectivités locales, mais plutôt le Gouvernement. Il fallait que cela fût dit.
Est-il bien réaliste en effet de chercher le secours du droit pour surmonter votre impuissance à juguler l'emballement de la dette ? Monsieur le ministre du budget, vous nous avez dit qu'il fallait graver dans le marbre la stabilité budgétaire. Mais l'équilibre des finances publiques est déjà un objectif constitutionnel selon l'article 34 originel. Alors, ce n'est pas en instaurant une nouvelle hiérarchie des lois financières que l'on trouvera le remède aux graves déséquilibres qui affectent nos comptes publics.
Cette discipline exigeante et même exorbitante dont vous vous faites les défenseurs semble contenir aussi des assouplissements très discrets puisque, dès la première lecture, on a évoqué la possibilité de tenir compte des « variations de la conjoncture ».
Cette multiplication des normes masque mal l'incapacité du Gouvernement à concilier pouvoir fiscal et devoir d'équilibre budgétaire. La Constitution ne peut pas se substituer à la volonté politique ni comporter des règles techniques d'équilibre. Même abritées par la loi suprême, ces règles sont-elles intangibles dans le temps ? Les verrous institutionnels les plus implacables peuvent sauter : pensons simplement à l'allongement de la durée de vie de la CADES…
Les larges convergences observées par notre collègue Warsmann, rapporteur du texte, sont plus apparentes que réelles. Entre la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée nationale, on devine un hiatus et même une vraie divergence. Faut-il en conclure que, pour les parlementaires de la majorité des deux chambres, la vérité se situe en deçà du boulevard Raspail et l'erreur au-delà, ou l'inverse ? La question est posée. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)