Monsieur le président, mes chers collègues, hors collègues de l'UMP, sauf à parler de ceux qui nous regardent à la télévision dans leur bureau, en entendant tout à l'heure M. le ministre présenter à nouveau ce projet de loi constitutionnelle destiné à confier au Conseil constitutionnel la gestion des finances publiques, en entendant décrire par vous-même, monsieur le ministre, et, il y a quelques jours, devant nos commissions des finances et des affaires sociales, par le Premier président de la Cour des comptes, également par nos rapporteurs de la majorité Carrez et Bur, l'état calamiteux desdites finances publiques de la France et la taille abyssale de nos déficits, en entendant les uns et les autres, à droite, prodiguer leurs conseils et prendre de bonnes résolutions, voire des engagements, sans cesse renouvelés, sans cesse reportés, des engagements revolving en quelque sorte, en vous entendant donc, je me posais une question : mais qui donc gouverne la France depuis neuf ans ? Quelle politique économique, budgétaire, sociale, financière a bien pu conduire à cette situation terrible ? Comment se fait-il que des hommes et des femmes, aussi lucides, aussi compétents, aussi intelligents, comme M. de Courson, n'aient rien fait, depuis si longtemps, pour redresser une telle situation ?
En réalité, en présentant cette révision constitutionnelle, vous cherchez à vous protéger de vous-mêmes. Après des années d'abus de substances interdites dommageables pour votre santé et, surtout, pour celle de la France, vous avez décidé d'arrêter. Pour cela, vous voulez confier les clés de la cave au Conseil constitutionnel. Ne serait-il pas plus simple d'agir concrètement ?
Si vous voulez enfin adopter un mode de gestion responsable des finances publiques, commencez par revenir sur vos erreurs passées, et veillez à ne pas en commettre de nouvelles. Au chapitre des erreurs passées, je n'en mentionnerai qu'une : la défiscalisation et exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires, que tous les économistes sérieux, notamment ceux du Conseil d'analyse économique, dans une note très récente, ainsi que le Conseil des prélèvements obligatoires, critiquent vigoureusement et vous demandent de supprimer. Quand même, subventionner, avec un coût pour les finances publiques de plus de 4,5 milliards d'euros, plus de 700 millions d'heures supplémentaires déjà effectuées, et qui le seraient de toute façon, les subventionner avec les effets néfastes sur le taux de chômage que l'on sait, avant la crise, pendant la crise et en sortie du crise, alors même que l'heure supplémentaire est, par nature, la plus rentable pour l'entreprise, et financer cette mesure par la dette… vous faites très fort ! Si la Grèce, dont on parle beaucoup, avait fait cela il y a quatre ou cinq ans, je n'ose imaginer les sarcasmes que l'on entendrait aujourd'hui à son égard, dans votre bouche, monsieur le ministre, ou dans celle de M. Sarkozy.
Il y a mieux, ou pire. En lisant votre projet de révision constitutionnelle, on peut se dire : « Ils ont enfin compris ! » Eh bien, non ! Le premier texte que vous nous avez présenté à la suite de celui-ci, c'est le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2011, dont l'objet principal est d'instituer la prime Sarkozy dite – improprement – « mille euros ». Vous savez, c'est cette loterie où personne ne gagne.
Or que nous annonce ce projet de loi, première traduction du monopole dont vous parlez ? Tout d'abord, il apporte une confirmation : en dehors de la branche vieillesse, dont les déficits, après dilapidation du Fonds de réserve des retraites, ont été transférés par anticipation à la Caisse d'amortissement de la dette sociale – bonjour, les générations futures ! –, les déficits cumulés des trois autres branches, dont, essentiellement, la maladie et la famille, atteindront 45 milliards d'euros à la fin de l'année 2014. Vous ne dites rien du financement de ce solde, qui n'est d'ailleurs que provisoire, puisque vos prévisions n'annoncent aucune perspective de retour à l'équilibre des régimes sociaux, jamais. Re-bonjour, la dette ! Re-bonjour les générations futures !
Ce même PLFRSS, dans son exposé des motifs, confirme votre volonté affichée de réduire les niches sociales. Soit. Mais que fait-il concrètement ? Il en crée une nouvelle ! Dans les entreprises ayant versé des dividendes en augmentation sur les deux derniers exercices, une négociation sociale pourra aboutir au versement d'une prime exceptionnelle, dont le montant n'est pas garanti, mais dont une caractéristique est sûre : elle sera exonérée de cotisations sociales et assujettie seulement à la CSG, à la CRDS et au forfait social : le manque à gagner est garanti pour les finances publiques !
Il est vrai que la seule obligation pour les entreprises concernées est la conduite d'une négociation qui peut ne pas aboutir. Il y a longtemps que les salariés ont perdu leurs illusions, eux qui savent que leur pouvoir d'achat dépend de leur salaire, non d'un hypothétique pourboire.
Au bout du compte, à travers cette illustration de votre politique, votre projet de révision constitutionnelle apparaît pour ce qu'il est : de la poudre aux yeux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)