Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de réforme constitutionnelle que nous examinons à nouveau aujourd'hui doit permettre de fixer un cadre budgétaire pluriannuel et encourager les majorités successives à s'y conformer rigoureusement. Quand on connaît la situation dégradée des finances publiques, dont il était encore question hier soir dans cet hémicycle au sujet des perspectives pour 2012, on sait qu'il est urgent que nous nous dotions d'une règle budgétaire contraignante.
Notre groupe votera en faveur de ce projet de loi constitutionnelle, car non seulement il marque un vrai tournant dans notre vie budgétaire et parlementaire, mais les centristes en revendiquent la paternité. Il y a dix ans, à l'occasion de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, le groupe UDF avait en effet proposé d'inscrire la règle d'or dans un texte à valeur constitutionnelle, mais il n'avait pas été suivi. Dès le début de la présente législature, en janvier 2008, le groupe Nouveau Centre a déposé une proposition de loi constitutionnelle relative au retour à l'équilibre des finances publiques : elle n'a pas été adoptée. Enfin, le texte d'aujourd'hui est la traduction législative d'une promesse figurant dans la plateforme électorale de la majorité présidentielle lors des élections législatives de 2007. Je cite ce texte, rédigé à la demande des centristes : « Il nous sera alors possible d'inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la “règle d'or” selon laquelle le déficit des finances publiques n'est autorisé que pour financer des dépenses d'investissement. » On pourrait dire, symétriquement, qu'il faut un équilibre de fonctionnement.
Il faut tendre vers un fédéralisme européen en matière budgétaire, et c'est ce que propose ce texte. L'intervention du Parlement dans la procédure dite du « semestre européen » est une avancée importante, car elle confirme l'idée que l'on ne fera pas progresser la construction européenne sans y associer l'ensemble des acteurs, au premier rang desquels figurent les Parlements nationaux. En la matière, nous ne pouvons être une vulgaire chambre d'enregistrement balançant entre les décisions du Gouvernement et les réponses de Bruxelles.
Désormais, à l'initiative du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, le projet de programme de stabilité fera l'objet d'un débat et d'un vote en séance publique. En clair, il s'agit de systématiser la procédure prévue à l'article 50-1 de la Constitution. Pour le groupe Nouveau Centre, qui avait déposé un amendement en ce sens en première lecture, il s'agit d'un progrès incontestable.
Cependant, monsieur le ministre, certaines dispositions sont à préciser. En effet, l'objectif, souhaité par les centristes, d'un équilibre de fonctionnement pour le budget de l'État, pour celui de la sécurité sociale et pour celui des collectivités territoriales, correspond à un déficit très faible, de l'ordre de moins de 1 %. Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, nous sommes en avance sur les Länder allemands, puisque l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales dispose d'ores et déjà que « le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre ». Du reste, le déficit des collectivités territoriales est très faible, puisqu'il représente à peine 0,2 % du produit intérieur brut.
Quant au budget de la sécurité sociale, l'équilibre de fonctionnement doit être total, puisque l'ensemble des dépenses sont des dépenses de fonctionnement.
Pour le budget de l'État, l'application du principe que nous défendons – pas de déficit de fonctionnement – fait qu'il ne reste que 20 milliards d'investissements, en comptant large, c'est-à-dire en comptant les subventions d'investissement.
Si vous faites la somme de ces trois éléments – zéro pour la sécurité sociale, 3 à 4 milliards d'euros pour les collectivités territoriales et 20 milliards d'investissement de l'État –, vous obtenez 25 milliards, soit 1 ou 1,2 % du produit intérieur brut. Pour le budget de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, ce niveau est encore nettement supérieur à celui fixé dans la Constitution allemande, puisqu'il est de 0,35 %.
La question du monopole des lois financières reste en suspens. En première lecture, à l'Assemblée nationale, a été trouvé un compromis qui consiste à renforcer le mécanisme de contrôle de l'article 41 de la Constitution relatif à la protection du domaine réglementaire pour faire respecter le monopole conféré aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires. Le Gouvernement ou le président de l'assemblée concernée aurait la possibilité, à tout moment de la procédure législative, de soulever l'irrecevabilité pour méconnaissance du domaine des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. En cas de désaccord entre ces deux autorités, le Conseil constitutionnel serait saisi pour trancher le différend.
Ce compromis était raisonnable. La solution entérinée par le Sénat, à savoir un système de ratification des dispositions fiscales, est intenable. Comment voulez-vous qu'une assemblée annule dans une loi de financement de la sécurité sociale ou une loi de finances initiale, des dispositions votées par elle-même quelques mois plus tôt dans un texte qui n'était ni une loi de finances initiale ni une loi de financement de la sécurité sociale ? Nous préconisons, pour notre part, de revenir au texte du compromis de l'Assemblée nationale.
Enfin, il faut convoquer le Congrès. Étant donné l'urgence où nous sommes de nous doter d'une règle opposable inscrite dans la Constitution, le groupe Nouveau Centre souhaite que le Président de la République soumette la réforme au Parlement réuni en Congrès à Versailles en vertu de l'article 89 de la Constitution. Car, ne nous y trompons pas, cette réforme concerne l'ensemble des formations politiques appelées à gouverner de façon responsable.
Aussi, j'en appelle à la lucidité de nos collègues de l'opposition – ou en tout cas d'une minorité d'entre eux –, car chacun sait que nous ne disposons pas des trois cinquièmes des suffrages : nous en sommes à 57 ou à 58 %, et il nous manquerait une vingtaine de voix. Il n'est pas exclu qu'un certain nombre de nos collègues sérieux et responsables de l'opposition se joignent à nous, et nous nous honorerions en votant très largement une telle réforme constitutionnelle. Il en va de notre crédibilité à l'égard de nos partenaires européens. Il en va aussi de la pérennité de la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)