Le propos n'est pas neuf. Déjà en 2008, dans son discours de Toulon, Nicolas Sarkozy expliquait : « Quand on veut dire la vérité aux Français, il faut la leur dire jusqu'au bout, et la vérité c'est que l'État ne peut pas indéfiniment financer ses dépenses courantes et ses dépenses de solidarité par l'emprunt. Il faut bien un jour payer ses dettes. »
François Fillon avait lui aussi donné le ton un an plus tôt en affirmant : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier. Je suis à la tête d'un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique. Je suis à la tête d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Cela ne peut pas durer. »
Derrière leur apparent bon sens, ces formules ne visaient en réalité qu'à préparer l'opinion publique à la politique d'austérité actuellement à l'oeuvre dans la plupart des pays de l'Union.
Pour le reste en effet, force est de constater que l'actuel Gouvernement n'a jamais respecté ses engagements en termes de réduction des déficits. Ceux-ci n'ont cessé au contraire de s'aggraver, fruit de votre gestion calamiteuse des deniers publics depuis 2002.
Le Gouvernement et sa majorité – UMP et Nouveau Centre – ne cessent pourtant de nous expliquer que le principal problème serait le niveau trop élevé des dépenses publiques en France, lequel est supérieur de sept points à la moyenne des pays de l'OCDE.
Mais quel est à cet égard le bilan du Gouvernement ? La croisade idéologique contre l'État et les services publics conduite au travers de la révision générale des politiques publiques et la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite n'a pas eu d'effets majeurs en termes d'économie : sept milliards d'euros d'économies en cinq ans représentent un montant dérisoire au regard des cadeaux fiscaux faramineux consentis au cours de la même période.
Mais cette politique a considérablement dégradé la vie de nos concitoyens. Le Premier président de la Cour des comptes nous en fournissait un exemple la semaine dernière : la réduction de la TVA dans la restauration représente un coût annuel pour les finances publiques équivalant à huit ans de politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.
Premier problème dont souffre notre pays : le nombre et le poids colossal des cadeaux fiscaux ; les niches fiscales représentent au bas mot un manque à gagner annuel de 75 milliards d'euros pour les recettes de l'État. S'y ajoutent les déséquilibres et l'injustice de son système fiscal, que vous avez tordu dans le sens de la dégressivité au bénéfice des plus favorisés ou des plus grandes entreprises.
Il n'est pas acceptable que les PME soient plus taxées que les grandes entreprises, que les plus fortunés acquittent un taux moyen d'imposition réel de 33 %, par le jeu des niches fiscales, alors que ce taux est de 47 % pour la majorité de nos concitoyens.
Vos largesses fiscales sans pertinence économique ont plombé les comptes publics. Voilà la réalité. L'État a perdu 100 à 120 milliards d'euros de recettes en dix ans. Les baisses d'impôts en sont responsables pour les deux tiers.
Vous ne nous proposez rien d'autre que de persister dans la voie de la multiplication de ces cadeaux à fonds perdus. Nous en avons l'illustration avec la décision récente de réduire l'ISF de moitié pour un coût global de deux milliards d'euros.
En dix ans de politique de droite, votre politique, le montant de la dette publique a été multiplié par deux, passant de 900 milliards d'euros à 1 800 milliards d'euros et probablement encore davantage fin 2012. Le déficit structurel, c'est-à-dire exception faite de la conjoncture et de la crise, a suivi la même trajectoire, passant de 2 % en 2002 à 5 % en 2010.
À chaque nouveau gaspillage d'argent public dans les cadeaux fiscaux, vous en appelez à de nouvelles économies du côté des dépenses, au risque d'entraîner notre pays dans une spirale de récession. Car, en réduisant le montant des dépenses publiques, ce sont nos services publics, l'investissement public, nos équipements, notre réseau de transport, notre système éducatif que vous mettez en péril.
Votre stratégie est en réalité d'appauvrir toujours plus l'État et désormais les collectivités locales, de réduire le périmètre de l'action publique et de la protection sociale, au nom de la sacro-sainte course à la compétitivité. Cette course folle n'a d'autre but que la création de valeur pour l'actionnaire et la spéculation et qui n'a que mépris pour l'intérêt général ou le respect des principes démocratiques fondamentaux.
Votre projet de loi constitutionnelle n'a d'autre finalité que de mettre en conformité notre politique budgétaire avec les critères de convergence définis par Bruxelles. Il prend place dans une stratégie d'ensemble, celle définie dans le cadre du « Pacte pour l'euro plus », signé en mars dernier. Ce pacte vise à faire la promotion à l'échelle européenne d'un ensemble de mesures inspirées par l'ordolibéralisme allemand.
C'est ainsi que ce pacte prévoit un contrôle préalable de la Commission européenne sur les lois de finances, avant leur examen par les parlements nationaux, et des pénalités financières pour les États qui ne respecteraient pas les critères de convergence. C'est ainsi que sont, en outre, prévus un encadrement drastique des salaires et des négociations salariales, le développement de la flexisécurité pour accroître la productivité, la réduction des charges fiscales sur les entreprises, l'adaptation de l'âge de départ en retraite à l'espérance de vie, l'encadrement des dépenses de soins et de protection sociale en fonction de la démographie et du niveau d'endettement.
Ce n'est pas l'assainissement de nos finances publiques qui est au coeur de votre projet mais la mise sous tutelle de nos finances publiques et de nos comptes sociaux, au mépris de la souveraineté du peuple.
Les pouvoirs exorbitants que votre texte confère au Conseil constitutionnel, érigé en garant de l'orthodoxie budgétaire, comme l'organisation du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, qui va priver en pratique les parlementaires du peu de pouvoir d'initiative qui leur reste, sont symptomatiques de la volonté de passer outre l'expression de la volonté populaire. De la même manière, vous refusez d'ailleurs de soumettre le présent texte à référendum.
Selon l'heureuse formule de notre collègue Thierry Foucaud au Sénat, vous voulez faire des parlementaires les « enfants de choeur de la grand-messe de l'austérité » et de nos concitoyens les spectateurs impuissants de la soumission du débat parlementaire et des choix budgétaires aux calculs technocratiques des partisans de la fuite en avant dans la concurrence fiscale et sociale.
Nous estimons pour notre part que l'assainissement nécessaire de nos finances publiques, si nous voulons en particulier prévenir tout emballement de la dette publique, passe en priorité par une refonte globale de la fiscalité. Aujourd'hui, l'urgence nous paraît être de rétablir la progressivité de l'impôt, d'opérer une refonte de l'impôt sur le revenu, qui a perdu la moitié de son rendement en vingt ans, de rétablir l'ISF en en élargissant l'assiette et en en augmentant le taux afin de lui faire jouer pleinement son rôle redistributif, de taxer le capital au même taux que les revenus du travail, de moduler l'imposition des entreprises et les cotisations patronales en fonction de l'orientation des bénéfices réalisés, selon que l'entreprise privilégie le versement de dividendes ou l'emploi stable, les salaires, l'investissement et la formation. Ces réformes permettraient d'engranger des dizaines de milliards d'euros et de favoriser une nouvelle répartition des richesses entre le capital et le travail.
La réduction du déficit public doit résulter d'une volonté politique, mais, en enfermant la discussion budgétaire dans un carcan, votre texte a vocation à la bâillonner, et c'est pourquoi nous confirmons notre hostilité de principe et de fond à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)