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Intervention de François de Rugy

Réunion du 28 juin 2011 à 15h00
Équilibre des finances publiques — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

En tout cas, nous ne présentons pas un projet de révision constitutionnelle aussi inutile. Notre collègue René Dosière le qualifiait à juste titre en commission des lois « d'usine à gaz ». Nous avons un peu de respect pour la Constitution, et nous préférerions que l'on n'y touche pas de cette façon.

J'en viens à une deuxième objection qui s'adresse en particulier à M. le ministre des comptes publics, comme l'on dit maintenant. Pourquoi vouloir inscrire dans la Constitution exactement le contraire de ce que vous avez fait depuis quatre ans ? Quelle peut être votre crédibilité, celle du Gouvernement et de la majorité sur un tel projet ? Aucune : Nos finances publiques n'ont jamais été déséquilibrées.

Quelle est la crédibilité de votre démarche alors que l'on sait que le Congrès qui n'est toujours pas convoqué ne le sera pas ? Vous le savez comme moi, la date du 4 juillet avait été évoqué pour la réunion du Congrès à Versailles afin d'adopter ce projet de loi constitutionnelle. Or l'on sait d'ores et déjà qu'il n'aura pas lieu. Pourquoi ? Messieurs les ministres pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? si vous êtes sûrs que votre réforme est bonne, vous ne devriez pas hésiter ! Certes, vous pourriez toujours spéculer sur le résultat d'un vote à une majorité des trois cinquièmes, mais vous devriez prendre les Français à témoin en réunissant le Congrès. Ce n'est pas à l'ordre du jour, c'est pourquoi j'ai parlé tout à l'heure de mascarade et de texte virtuel.

Ma troisième objection concerne la judiciarisation de la politique. Nous sommes en désaccord profond avec cette tendance. Il est malheureusement fréquent d'assister à la judiciarisation de sujets qui sont d'abord et avant tout politiques. Notre opposition à ce projet de loi constitutionnelle est d'abord fondée sur cette idée que c'est la volonté politique, traduite en choix politiques décidés au Parlement, qui permettra d'atteindre l'équilibre des finances publiques ; ce n'est pas une modification de la Constitution.

En un mot, ce n'est pas en modifiant la Constitution que l'on parviendra à remplir les caisses de l'État et ce n'est pas en rendant le Conseil constitutionnel juge en dernier ressort de la constitutionnalité des budgets – ce qui est assez baroque du point de vue juridique – que l'on parviendra à l'équilibre budgétaire. Il s'agit, au mieux, d'une confusion des rôles, au pire, d'une illusion qui confine au mensonge. Cette tendance à vouloir tout judiciariser est, du reste, insupportable aux Français, qui y voient, à juste titre, une déresponsabilisation du politique, notamment du Président de la République, qui, après tant d'échecs en matière fiscale et budgétaire, souhaiterait, en fin de mandat, faire croire qu'ajouter de nombreux articles – au demeurant assez verbeux – à la Constitution lui permettra d'atteindre un objectif qu'il a manqué d'un point de vue politique.

Un précédent aurait dû vous inviter à la prudence, celui de l'article 40 de la Constitution. Je rappelle que cette disposition, qui figurait déjà dans la première version de notre Constitution, adoptée en 1958, vise à empêcher les parlementaires de déposer des amendements qui auraient pour conséquence d'alourdir les charges de l'État ou d'amoindrir ses recettes. Bien que cet article soit appliqué, de plus en plus durement d'ailleurs – Dieu sait si, en vertu de cette disposition, de nombreux amendements sont rejetés avant même d'être présentés en séance –, le Gouvernement a réussi par lui-même, au fil du temps et plus particulièrement ces quatre dernières années, à faire adopter des budgets en déséquilibre, alourdi les charges de l'État ou diminué ses recettes. On pourrait citer, à titre d'exemples, les divers cadeaux fiscaux de ces dernières années.

La quatrième objection tient au pouvoir d'appréciation que vous souhaitez conférer au Conseil constitutionnel. L'article 9, alinéa 5, de votre projet de loi constitutionnelle dispose en effet que « le Conseil constitutionnel examine conjointement, avant le 31 décembre de l'année au cours de laquelle elles ont été adoptées, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale fixant les ressources et les charges d'un exercice ». Cette disposition me paraît vraiment très grave. En effet, comment peut-on confier au Conseil constitutionnel – dont le rôle est de veiller à la constitutionnalité des lois – un pouvoir d'appréciation de l'équilibre des finances publiques ou de l'application de lois-cadres qui auront été votées une, deux ou trois années auparavant, en fonction d'objectifs économiques ? Mes chers collègues, vous qui savez que, lors de chaque examen d'un projet de loi de finances, nous débattons des hypothèses, ô combien incertaines, sur lesquelles est construit un budget – hypothèse de croissance, de rentrées fiscales –, comment pouvez-vous souhaiter confier au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation de ces critères ? C'est proprement incroyable et contraire à la conception que l'on se fait du juge constitutionnel. S'il fallait ne citer qu'un seul argument pour justifier le rejet de ce projet de loi constitutionnelle, ce serait celui-là.

J'en viens à ma cinquième objection : à force de présenter ce type de projets de loi constitutionnelle, le Gouvernement affaiblit la Constitution, car il la dénature en y mettant tout et n'importe quoi. Lors de nos débats en première lecture, M. Baroin m'a dit que c'était mon « côté gaulliste » qui m'amenait à défendre la Constitution de la Ve République. C'est un comble,…

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