Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de nos débats, nous retenons, pour notre part, que ce projet de loi d'affichage est inutile, dangereux et impropre à résoudre les difficultés de notre système judiciaire. Bref, c'est un mauvais texte, qui intervient à un mauvais moment, la magistrature française n'ayant jamais connu pareil malaise.
Inutile, cette réforme, que personne dans le monde judiciaire ne réclamait, ne réglera rien, la question centrale des moyens réels dont dispose la justice n'étant pas au coeur du projet de loi. Ce sont en réalité des considérations électoralistes qui, à moins d'un an de la présidentielle, expliquent la présentation en urgence d'un texte élaboré à la hâte et sans aucune concertation, un texte imprégné à la fois de cette défiance maintenant constante de l'exécutif à l'égard des magistrats et de la volonté de lutter contre le laxisme supposé des juges.
Dangereux, ce projet de loi instaure une justice à deux vitesses en correctionnelle : celle comportant des citoyens assesseurs pour les délits qui émeuvent l'opinion et celle constituée des seuls magistrats, chargés de juger, entre autres, les délits économiques et financiers qui, selon le Gouvernement, ne troubleraient pas « la tranquillité des Français ». Les délits seront ainsi jugés par des formations différentes, en fonction de la nature des faits et non du quantum de la peine encourue, ce qui pose assurément la question du respect du principe d'égalité des citoyens devant la loi.
Les modalités retenues pour la mise en place de ces citoyens assesseurs entraîneront immanquablement une procédure plus lourde et plus lente, qui risque tout simplement de faire exploser le système judiciaire.
Si la création d'une cour d'assises simplifiée a heureusement été abandonnée, le paradoxe reste flagrant entre l'objectif affiché d'une plus grande participation des citoyens et la réduction du nombre de jurés des cours d'assises, un nouveau dispositif qui ne permettra en aucune manière de résoudre le problème de la correctionnalisation qui, faute de moyens, résulte de l'encombrement des tribunaux.
Dangereux encore, car, malgré les dénégations affables de M. le garde des sceaux, ce texte ouvre une brèche gravissime au regard de la spécificité constitutionnelle et conventionnelle de la justice des mineurs en achevant la déconstruction de l'ordonnance de 1945.
La création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, véritable juridiction d'exception pour les seize - dix-huit ans, est une nouvelle tentative d'aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs et de parvenir à un abaissement déguisé de la majorité pénale.
La procédure de comparution, sans saisine préalable du juge des enfants, le recours accru au placement en centre éducatif fermé des délinquants de moins de seize ans, l'assignation à résidence sous surveillance électronique mobile des mineurs de treize ans, l'instauration d'un dossier unique de personnalité sous le contrôle du parquet sont autant de mesures inspirées de l'idéologie sécuritaire, alors que l'essentiel est ailleurs.
Comme tous les professionnels, dans leur diversité, l'ont dit haut et fort, en particulier jeudi dernier lors du rassemblement organisé devant notre assemblée, ce n'est pas d'une énième réforme dont ils ont besoin, mais de moyens en personnels, en temps, en places disponibles dans des structures, en possibilités d'insertion professionnelle. Là est l'urgence et ce texte n'y répond pas non plus.
C'est pour toutes ces raisons que les députés du groupe GDR sont résolument opposés à ce projet de loi. C'est pour ces raisons qu'ils invitent l'Assemblée à le rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et certains bancs du groupe SRC.)