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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 27 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques remarques générales, avant d'évoquer notre stratégie économique, puisque, au fond, un débat d'orientation budgétaire est l'occasion de confronter des stratégies pour réduire les déficits et retrouver la croissance.

S'agissant de la croissance, vous avez finalement choisi, entre la prévision de 2 % de la Commission et votre hypothèse initiale de 2,5 %, un juste milieu. La Cour des comptes souligne que la prudence voudrait que vous en restiez à la croissance potentielle, à moyen terme, alors même que vous avez toujours affiché 2,5 % de croissance. Après tout, on peut faire une croissance supérieure à la croissance potentielle. On peut même le faire pendant plusieurs années. La preuve en est que nous, nous l'avons fait.

Mais cela suppose une politique spécifique. Et je trouve que l'histoire ne plaide guère en votre faveur. Car j'ai vainement recherché quand la droite avait fait une croissance de 2,5 % au cours des vingt dernières années. Cela n'est jamais arrivé. Peut-être le fera-t-elle un jour.

Quoi qu'il en soit, il faudra expliquer comment on peut faire 2,5 % de croissance alors que les prévisions de la plupart des instituts, y compris les institutions internationales, tournent en moyenne autour de 1,9 % à moyen terme. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Ma deuxième remarque concerne le déficit. La réduction des déficits en 2011 repose très largement sur des mesures ponctuelles et non reconductibles. Autrement dit, on est loin, en termes structurels, de la réduction affichée dans la programmation pluriannuelle. Cela augure mal de la situation que trouvera le gouvernement qui sera nommé en 2012, et ce même s'il est probable que le déficit de 2011 ne sera pas trop éloigné des prévisions. Vous pourrez toujours, monsieur le ministre, vous vanter d'une réduction historique en termes budgétaires, puisque vous avez inclus dans le déficit de 2010 les 34 milliards du grand emprunt, qui ne sont pas un vrai déficit. En effet, il n'y a qu'un milliard de dépenses correspondantes. Ainsi, même si vous ne réduisez pas le déficit, en termes budgétaires, il se réduira de ce montant, du fait de la disparition de cette dépense, déjà comptabilisée dans l'année 2010.

Mais la suite est beaucoup plus difficile. Comme nous le rappelle la Cour des comptes, si l'on conserve une élasticité des recettes à la croissance égale à un, ce qui est raisonnable une fois de retour à une situation économique normale, le déficit en 2013 sera réduit non à 3 % mais à 3,5 % du PIB. C'est dire que si, pour le plus grand malheur des Français, vous restiez au pouvoir, il n'est pas évident que votre politique permette d'atteindre les 3 % en 2013 comme vous l'affichez.

Ma troisième remarque concerne les propos du Président de la République ce matin. Je l'ai entendu dire : ceux qui auront l'idée de revenir sur le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de revenir sur la réforme des retraites ou de refuser une règle d'or obligeant tous les gouvernements à prévoir un budget en équilibre, ceux-là provoqueront à terme l'explosion de la dette et l'explosion des déficits.

Excusez-moi, mes chers collègues, mais l'explosion de la dette et l'explosion des déficits, c'est vous ! C'est vous depuis dix ans, et surtout depuis cinq ans. Il faut un sacré culot au président qui a laissé exploser la dette et les déficits dans une proportion jamais connue depuis 1945 pour s'exprimer ainsi. Et vous savez très bien qu'autant pour les déficits que pour la dette, la crise n'y est pas pour grand-chose. En 2010, sur 140 milliards d'euros de déficit, 100 milliards sont dus au déficit structurel, et seulement 40 à la crise.

La dette a doublé en dix ans, de 2002 à 2012, passant de 900 à 1 800 milliards d'euros. Cette augmentation de 900 milliards est survenue à hauteur de 360 milliards sous la présidence de Jacques Chirac et de 560 milliards sous celle de Nicolas Sarkozy. Même si l'on retire 100 milliards d'euros dus à la crise, chiffre qui résulte du cumul du déficit de crise tel qu'il est mesuré par la plupart des institutions sur les trois années durant lesquelles nous nous sommes éloignés de la croissance potentielle, même en retirant ces 100 milliards, les années Sarkozy resteront celles d'une augmentation historique de la dette.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu évoquer l'objectif de 2 % de déficit en 2014. Nous sommes là encore dans l'incantation car, en trente ans, depuis le gouvernement de Raymond Barre qui avait des finances à l'équilibre, jamais un gouvernement de droite n'est parvenu à faire passer le déficit au-dessous de 2 %. Cela est arrivé plusieurs années mais ce n'était pas vous qui étiez au pouvoir, c'était nous. Il faut parfois rappeler les vérités statistiques, elles ne s'effacent pas.

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