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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 27 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

…que la situation budgétaire ne soit pas meilleure, quelle que soit votre popularité personnelle ?

Il y a tout de même un paradoxe. En 2010, la rigueur était partout, sauf dans les comptes publics. La vérité est simple : les efforts demandés aux Français sont immédiatement annulés par des réductions d'impôts non financées. Comme l'a indiqué la Cour des comptes, l'abaissement de la TVA sur la restauration à 5,5 % équivaut à huit années de remplacement d'un fonctionnaire sur deux. La seule réforme de l'ISF coûte plus au budget de l'État que le gel du point d'indice de la fonction publique ne lui rapporte. Et je ne parle pas des réformes encore plus coûteuses et moins financées, comme celle de la taxe professionnelle ou la réduction d'impôt sur les heures supplémentaires.

De fait, aujourd'hui, la dette croît deux fois plus vite qu'à l'époque où le Premier ministre s'estimait à la tête d'un État en faillite.

Le Gouvernement a réussi, comme le souligne la Cour des comptes, à dissimuler une partie de cette hausse par des mesures de trésorerie. Néanmoins, la dette devrait poursuivre sa marche et flirter dangereusement avec les 90 % du PIB, alors même que la France, contrairement à ses partenaires européens, notamment l'Allemagne, n'a pas été obligée de recourir à l'emprunt pour renflouer les banques.

Cette situation n'est donc pas soutenable. Pour stabiliser notre dette dans les années à venir, il faudrait que le déficit structurel soit réduit de 3,8 points de PIB, ce qui fait près de 80 milliards d'euros. En outre, ce fardeau de la dette constitue une véritable épée de Damoclès. Du fait du coût annuel du service de la dette, toute dégradation de la situation de l'un de nos partenaires européens, toute hausse des taux d'intérêt augmenterait immanquablement le poids du service de la dette, qui représente déjà plus de 15 % des dépenses inscrites au budget de l'État. Que ferons-nous donc si, au cours de l'année prochaine, du fait d'une hausse des taux, nos charges d'intérêts s'accroissent de plusieurs milliards d'euros ?

Il est de la responsabilité du Gouvernement de mettre en oeuvre une politique qui place la France à l'abri de ce risque. Personne, ni à droite, ni à gauche, ne peut se satisfaire de cette situation qui, si elle n'est pas maîtrisée, appellera évidemment des ajustements dont souffriront tous les Français.

Malheureusement, la politique que vous proposez n'est pas à la hauteur de ces enjeux. Monsieur le ministre, vous vous engagez, dans la stratégie pluriannuelle des finances publique, à réduire le déficit à 5,5 % fin 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013. Mais, pas plus que les années précédentes, cette trajectoire de nos finances publiques ne sera atteinte. En effet, les perspectives que vous proposez sont fragiles parce qu'elles reposent sur des perspectives de croissance assez irréalistes : d'excellentes rentrées fiscales et une élasticité supérieure à un, ce qui serait inédit. Elles supposent aussi que nous conservions des taux d'intérêt bas, ce qui apparaît de moins en moins réaliste à l'heure de la fragilisation de l'ensemble de la zone euro et à l'heure où la Commission et le FMI s'inquiètent de la situation de la France.

Ces perspectives sont fragiles également parce qu'aucun des paramètres qui permettraient de réduire le déficit structurel ne correspond à une politique à la hauteur des enjeux. En effet, tous les gouvernements européens qui ont été confrontés au même problème ont mis en place des politiques reposant sur le même triptyque : la réduction des dépenses publiques, la hausse des prélèvements et l'augmentation du niveau de la croissance potentielle.

La seule politique de réduction des dépenses publiques que vous mettez en avant concerne la suppression de 30 000 postes de fonctionnaires. Il n'y a aucune gloire à appliquer cette politique de cost killing qui atteint aujourd'hui ses limites, en particulier à l'éducation nationale, où la situation est si critique que le Président de la République lui-même s'est cru obligé de déclarer la semaine dernière - nous aimerions croire à ses promesses - que les suppressions de postes seraient suspendues en 2012.

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