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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 27 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire, le dernier de la législature, intervient dans un environnement européen singulièrement différent de celui de l'année dernière. Tout le monde a bien compris maintenant, à commencer par les Français, que l'excès de déficit pouvait durablement menacer le niveau de vie et entraîner des drames économiques. On est loin de l'ironie qu'affichaient certains quand le Premier ministre, au début de la législature, attirait l'attention sur les risques de l'excès d'endettement. Il est donc de notre responsabilité, de la responsabilité du Gouvernement, de tout mettre en oeuvre pour réduire les déficits, pour préserver la notation de notre pays, non pas pour faire plaisir aux agences de notation mais pour éviter que ne s'envole le coût de la dette, pour préserver la souveraineté monétaire et pour éviter que ne pèse une charge écrasante sur les générations futures.

Comment réduire le déficit alors que le coût de la dette s'accroît de 4 à 5 milliards en 2011 et que la remontée inéluctable des taux d'intérêt, quelles que soient les améliorations apportées à la gestion de la dette par l'agence France Trésor, les fera peser davantage dans les années à venir ? J'examinerai trois domaines où il me semble souhaitable de soutenir des mesures prioritaires.

D'abord, la masse salariale, qui est un enjeu fondamental. Durant vingt-cinq ans, aucune conséquence en termes de personnels n'a été tirée de la décentralisation, les effectifs de l'État continuant de croître alors même qu'il transférait des pans entiers de ses compétences. Selon l'Observatoire de la fonction publique, les effectifs de l'État ont connu un accroissement de 14 % de 1980 à 2007, suivi d'une stabilisation, mais pas encore de réduction assez sensible pour avoir un effet sur l'accroissement de la masse salariale. En conséquence, en 2010, la masse salariale de l'État atteignait 82,1 milliards, soit 31 % des dépenses hors pensions et intérêts de la dette, et 22 % de ses dépenses totales. À cette problématique s'ajoute celle des pensions dont la progression, extrêmement dynamique, s'explique essentiellement par l'envolée des pensions civiles et par l'accroissement des flux de retraités. Le nombre des pensionnés civils a ainsi augmenté de près de 25 % en dix ans. Parallèlement, le montant des pensions versées est passé de 35,4 milliards en 2005 à 48,3 milliards en 2011, soit une augmentation de près de 33 % et 13,10 % de l'ensemble des dépenses. Encore ce dernier montant aurait-il été plus élevé sans la prise en compte des effets de la réforme des retraites.

Ces chiffres illustrent bien la nécessité impérieuse de la poursuite et de l'accentuation, par des réformes structurelles, de nos efforts de maîtrise des effectifs. Sans cela, nous serions tenus de rogner plus encore sur ce qu'il reste des dépenses d'investissement, qui sont les seules vraies dépenses d'avenir. Je ne peux donc que souscrire à l'objectif de 30 400 emplois non renouvelés annoncé pour 2012. Encore faut-il que les conditions qui les accompagnent n'en annulent pas le bénéfice pour l'État, ce qu'ont montré les rapports successifs de la Cour des comptes et du rapporteur général. Il semblerait qu'en 2012, enfin, ces mesures, conjuguées au gel du point d'indice, permettent une réduction de 250 millions de la masse salariale de l'État, ce qui constituerait une première historique depuis trente ans. Cela doit nous inciter à être particulièrement vigilants sur la gestion par chaque ministère des clauses de restitution et des éventuels transferts d'emplois en direction des opérateurs.

Parallèlement, mais je ne les développerai pas, les réformes structurelles entamées ces dernières années doivent, bien entendu, être maintenues et prolongées. Dès l'an prochain, la réforme des retraites devrait porter ses premiers fruits budgétaires. De son côté, la révision générale des politiques publiques doit être poursuivie, en améliorant autant que faire se peut la coordination avec les autres réformes de l'État, ce qui n'a pas toujours été le cas, et sans toutefois annihiler la responsabilité des gestionnaires de programmes telle que l'a souhaitée la loi organique sur les lois de finances.

Si les dépenses doivent être tenues, les recettes doivent être maintenues. Cela suppose, comme nous y incite depuis des années le rapporteur général, de mettre fin au mitage des recettes. Les orientations qui nous ont été présentées maintiennent l'effort en ce sens de maîtrise et de réduction des dépenses fiscales. Elles devraient décroître en 2012 de l'ordre de 6 milliards – 3 milliards par la montée en puissance des réductions décidées l'an dernier, 3 milliards par des mesures nouvelles.

Peut-être cet effort devrait-il être accru, comme le propose le rapporteur général. Mais son efficacité fiscale et économique dépendra des conditions dans lesquelles il est mené. L'an dernier, le Gouvernement a opté pour la méthode empirique du rabot, mais il paraît évident qu'elle ne pourra être reconduite sous peine de nuire gravement à l'efficacité de plusieurs des dispositifs de défiscalisation. Une analyse plus fine, poste par poste, est nécessaire. Nous savons que l'inspection générale des finances a été diligentée pour auditer les différentes dépenses fiscales, et vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, des arbitrages pour la mi-septembre. Nous souhaiterions, je le dis encore une fois, que le Parlement soit associé à ce travail d'évaluation. S'il faut fermer des niches fiscales, encore faut-il définir lesquelles et s'intéresser à l'incidence économique ou sociale que pourrait avoir ce type de mesure. On connaît, en effet, l'élasticité très forte de certains secteurs fiscaux, qu'a illustrée l'effondrement de la construction des résidences avec services – EHPAD et autres – après que le dispositif Scellier eut été adopté sans que des mesures spécifiques soient prises pour ce secteur. Pourriez-vous, par ailleurs, nous indiquer comment l'inspection des finances travaille et si son rapport sera mis à la disposition des parlementaires, notamment des rapporteurs spéciaux, pour que nous puissions formuler nous-mêmes des propositions ?

Vous nous avez dit votre volonté de ne pas augmenter les impôts. Je la comprends parfaitement et peux la partager. Je pense néanmoins que nous ne devons pas, lors de l'examen de la loi de finances, faire l'économie du débat sur la tranche marginale de l'impôt sur le revenu. De même, il me semblerait souhaitable que soit évoquée la problématique de l'impôt sur les sociétés. Nous ne pouvons pas constater, comme l'a fait Christine Lagarde, les différences très fortes existant entre le taux général de l'impôt sur les sociétés et celui qui est réellement appliqué aux entreprises selon leur dimension : PME, entreprises intermédiaires ou grands groupes, sans en tirer un certain nombre d'enseignements.

D'autant que lorsqu'on évoque l'impôt sur les sociétés, il faut aussi parler des niches fiscales qui lui sont liées. Je pense notamment au bénéfice mondial, dont la Cour des comptes a souligné l'effet d'aubaine qu'il procurait à certains grands groupes sans aucune justification économique et sans risque avéré de délocalisation.

Le dernier point que j'évoquerai concerne les opérateurs. L'effort de maîtrise des dépenses doit toucher tous les segments et démembrements de l'État, ce qui veut dire que les initiatives prises vis-à-vis des autorités indépendantes sont les bienvenues. Cette démarche est engagée depuis 2010. La circulaire du 26 mars du Premier ministre a imposé aux opérateurs les mêmes efforts que ceux que l'État s'impose à lui-même : 1,5 % de gains de productivité, 10 % de réduction des coûts de fonctionnement. Parallèlement, l'État a exigé d'eux la signature de contrats d'objectifs et de performance. Pouvez-vous nous indiquer si, à l'occasion de la loi de finances pour 2012, l'ensemble des opérateurs de l'État auront souscrit un contrat d'objectifs et de performance avec le Gouvernement ? Cet effort est en effet nécessaire et doit être poursuivi, d'autant que, dans de nombreux cas, les marges sont importantes.

Tout à l'heure, il a été question des dettes hors bilan. Je ne reviendrai pas sur la dette des opérateurs puisqu'il leur est désormais interdit de s'endetter ; je m'en tiendrai aux garanties d'emprunt que, de manière curieuse, certains d'entre eux peuvent accorder, alors que leur solvabilité ne tient qu'à leur adossement à l'État. Je pense par exemple à Réseau ferré de France.

Monsieur le ministre, vous avez, bien évidemment, notre soutien pour tout ce qui pourra être fait afin de réduire la dépense et maîtriser l'endettement. Cela suppose, comme l'a rappelé le Premier ministre, que notre pays ne marque pas de pause dans les réformes, y compris à l'approche des échéances électorales. Nous ne pouvons nous payer ce luxe au moment où les observateurs étrangers nous regardent et où les taux d'intérêt nous menacent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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