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Intervention de François de Rugy

Réunion du 27 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, après la loi de finances rectificative, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, la loi de règlement des comptes, et avant l'examen en deuxième lecture, demain, du projet de loi relatif à l'équilibre des finances publiques – la réforme de la Constitution que vous essayez de mener à bien –, nous débattons ce soir de l'orientation des finances publiques.

Nous arrivons au dernier débat d'orientation budgétaire et nous débattrons à l'automne du dernier projet de budget de cette législature. Le moment est donc venu de tirer un premier bilan et de se pencher sur les résultats de votre politique budgétaire et fiscale.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne reculez pas devant les formules d'autosatisfaction. Ainsi, en commission, monsieur le ministre, vous n'avez pas hésité à déclarer : « Le Gouvernement a fait les bons choix en matière de finances publiques. » Cela prêterait à sourire si la situation n'était pas aussi catastrophique, comme elle ne l'a jamais été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le déficit a culminé en 2010 à 148,8 milliards d'euros, soit 7,1 % du produit intérieur brut, contre 5,8 % dans la zone euro en dehors de la France et 3,3 % en Allemagne. Ces comparaisons montrent qu'il n'y a pas de fatalité ni de bouc émissaire tout trouvé avec la crise puisque nos partenaires européens ont connu la même situation. Le déficit structurel, c'est-à-dire non lié aux conséquences de la crise, est de plus de 100 milliards d'euros et imputable pour plus de 70 milliards aux allégements fiscaux successifs.

Ce que nous disons depuis quatre ans, depuis le débat sur le paquet fiscal de juillet 2007, adopté juste après les élections présidentielle et législatives, se vérifie malheureusement avec le recul de ces quatre ans de mandat : vos cadeaux fiscaux, ciblés de surcroît sur les plus hauts revenus et les plus gros patrimoines, ne sont pas financés. Votre politique budgétaire et fiscale réussit ce tour de force de combiner injustice fiscale, donc injustice sociale, et irresponsabilité budgétaire. En effet, vos cadeaux fiscaux, tels que le bouclier fiscal hier, l'allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune aujourd'hui, sont accordés à crédit, en faisant grimper le déficit et exploser la dette.

Du coup, ce qui devait arriver arrive : la charge de la dette devient un des premiers postes de dépenses de l'État et continue d'augmenter à un rythme beaucoup plus élevé que toutes les autres dépenses : plus 7,7 % en 2010, par exemple.

La dette, qui représentera près de 1 800 milliards en 2012, a non seulement dépassé tous les records mais atteint en plus la cote d'alerte. En commission des finances, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a insisté sur ce point, dans un consensus avec le président de la commission et le rapporteur général : la dette, en dépassant les 80 % du produit intérieur brut – elle sera sans doute à plus de 82 % en 2011 –, atteint un niveau insoutenable. Passés ces sommets, elle remet en cause notre souveraineté même et risque non seulement d'ôter toute marge de manoeuvre aux gouvernements futurs mais aussi d'étouffer notre économie. Ce n'est pas de la politique-fiction, c'est ce que subit le Japon, par exemple, depuis les années 1990 et l'explosion de sa dette.

Je note que le Gouvernement s'enorgueillit souvent, comme la majorité, d'obtenir, pour l'instant, une bonne appréciation des agences de notation. Or chacun sait que ces notations sont très fluctuantes. La situation de la Grèce, et plus encore celle de l'Irlande et de l'Espagne, montre à quel point tout cela est fragile : n'oublions pas qu'avant la crise, l'Irlande, l'Espagne ou même la Grande-Bretagne étaient citées en exemple par les responsables politiques de votre sensibilité.

Au-delà des agences de notation, tout le monde sait que le niveau des taux est aujourd'hui à un plancher. Il est très bas et c'est tant mieux, mais du coup il faut être réaliste et prévoyant : ces taux ne peuvent que remonter dans les années qui viennent.

La situation de la Grèce montre par ailleurs qu'en augmentant la dette, un pays se met dans les mains des marchés financiers. Et lorsque la situation devient trop critique, il ne reste plus comme choix que l'augmentation massive des impôts, qui étoufferait immédiatement le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises, ou alors la brusque baisse des dépenses, ce qui ne peut qu'entraîner des dégâts sociaux considérables et sans doute aussi une récession économique.

C'est pourquoi les écologistes plaident depuis toujours pour la limitation de la dette. S'il est logique que celle-ci augmente en période de crise, les périodes de reprise devraient servir au désendettement. Et surtout l'emprunt, donc la dette, ne devrait servir qu'à financer des investissements durables qui engendrent à leur tour des économies ou des recettes futures. Il faudrait donc passer les investissements de l'État au crible des critères de l'utilité sociale et de l'efficacité écologique. C'est en ce sens que nous avions plaidé pour la fusion du plan de relance et du Grenelle de l'environnement. Il faut cesser de financer par l'endettement des dépenses de fonctionnement, des investissements contraires aux objectifs de développement durable ou des cadeaux fiscaux, comme vous le faites depuis quatre ans.

Ce débat d'orientation des finances publiques devrait être l'occasion d'un débat sur les nécessaires réformes fiscales qui permettraient de remettre de la justice dans notre système fiscal complètement mité par les nombreux cadeaux fiscaux que vous avez faits aux plus riches et les niches fiscales que vous avez continué à développer, notamment avec la réforme de la taxe professionnelle et la baisse de la TVA sur la restauration.

Cependant, vous êtes littéralement incurables puisque, avec l'allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune, vous êtes encore en train de faire un cadeau fiscal. Nous en sommes donc naturellement conduits à penser qu'il faut attendre 2012 et une alternance pour que nous ayons enfin une politique budgétaire et fiscale qui soit responsable et durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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