Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 27 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au début de ce débat d'orientation des finances publiques, convenons au moins de la méthode : définissons ou tentons de définir ce que sera le contexte, c'est-à-dire la croissance, et la nature autant que le volume des recettes pour les administrations publiques, avant d'examiner ensemble ce que pourraient être effectivement les dépenses que l'État devra consentir.

S'agissant du contexte, il est inutile de débattre plus avant sur la croissance elle-même. Initialement, les pouvoirs publics, en France, avaient jugé que la croissance, en 2012 et ultérieurement, serait de 2,5 %. Pour 2012, tant la Commission que le FMI ou l'OCDE parient sur une croissance de 1,9 %, 2 % ou 2,1 %. Dans un élan qui n'est pas vraiment révolutionnaire – je veux parler de l'habitude qui consiste à couper la poire en deux –, Mme Lagarde a estimé que la croissance ne serait ni de 2 % ni de 2,5 %, mais de 2,25 %. Restons-en à cette prédiction, en espérant qu'elle se réalise, même si beaucoup, ici ou là, doutent de son effectivité.

L'élasticité des recettes par rapport à la croissance est peut-être un sujet plus délicat qui mérite que nous allions plus avant. En effet, dans le document qui nous a été fourni, on n'envisage pas une élasticité de 1, ce qui est la tendance sur le long terme, mais une élasticité supérieure des recettes à la croissance, de 1,15 en particulier pour 2012 et 2013.

On peut mettre en doute cette élasticité, même si, objectivement, la chose peut se défendre, puisqu'en sortie de crise une forme de rebond pourrait se produire. Convenons toutefois que ce rebond semble tarder alors même que l'on nous a annoncé la sortie de crise, et l'on voit mal comment 2012 et les années ultérieures permettraient d'espérer des recettes bénéficiant d'une élasticité supérieure à celle constatée sur le très long terme. Il va donc falloir en rabattre sur ces recettes, c'est-à-dire sur le taux de prélèvements obligatoires, qui augmentera moins que celui annoncé, mais aussi sur le niveau des recettes espéré, c'est-à-dire sur les conditions de l'équilibre budgétaire et financier.

Au-delà de ce contexte, nous savons d'ores et déjà, puisque la loi fut votée, que 3 milliards de recettes supplémentaires sont nécessaires ; 2 milliards ont été définis ; reste à définir 1 milliard de recettes, étant entendu que 3 milliards de plus seront encore nécessaires, dont nous ignorons tout.

Bref, pour avoir quelque crédibilité, nous devons trouver pour notre trajectoire des finances publiques au moins 4 milliards de recettes dans les années qui viennent. Cette crédibilité est tout à fait indispensable. En effet, les objectifs ont été fixés pour la France au nom de ses autorités légitimes, à savoir 5,7 % de déficit public cette année, 4,6 % en 2012, 3 % l'année suivante et 2 % en 2014. On approuve ou non ces objectifs, mais c'est la parole de la France qui est engagée. L'année prochaine, il reviendra aux autorités que le peuple aura choisies de respecter ces objectifs, donc de ne pas se comporter comme les autorités françaises en 2007, lesquelles sont revenues sur la parole de la France. Je ne crois pas que ce soit de bonne méthode. Même si les décisions sont prises par des responsables ne pratiquant pas la politique que l'on peut espérer, c'est moins leur décision que celle de la France qu'il s'agirait alors de mettre en oeuvre.

Vous devez, au nom de cette crédibilité essentielle, monsieur le ministre, préciser ce que seront ces 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires. J'ai entendu tout à l'heure notre collègue Hervé Mariton expliquer qu'il ne voyait de salut que dans la maîtrise de la dépense publique, mais elle sera difficile à réaliser, du moins avec l'ampleur espérée par certains. En effet, la croissance de la dépense publique est de 2,3 % l'an depuis une dizaine d'années. On nous annonce désormais une croissance de 0,6 %. C'est donc un effort de 25 à 30 milliards d'euros qu'il s'agit de consentir, étant entendu que s'ajoute à cette maîtrise de la dépense l'augmentation inéluctable des taux d'intérêt, que l'on peut chiffrer entre 3 à 5 milliards d'euros l'an, naturellement à financer en sus des efforts que nous consentons déjà. Aucun document n'indique aujourd'hui ce que sera la maîtrise de la dépense permettant de parvenir à un tel volume d'économies, même si je constate que certains croient toujours cela possible, imaginant que les solutions seront données ultérieurement à la représentation nationale et plus généralement à nos concitoyens dans le débat électoral qui s'annonce. Attendons pour voir !

Je manifeste toutefois pour ma part le plus grand scepticisme quant à la réalité des économies qui pourraient ainsi être réalisées, des économies toutefois peut-être nécessaires, surtout si l'on prend conscience de l'ensemble des dépenses dans lesquelles notre pays s'est déjà engagé. Vous en avez évoqué une sur laquelle je reviendrai, monsieur Mariton. Il en est d'autres, tels les partenariats public-privé, qui coûteront beaucoup plus cher que ce qui avait été imaginé sans que l'on parvienne au demeurant, à chiffrer ce « beaucoup plus cher », seule une indication de tendance étant communiquée dans les documents officiels. Il est, par conséquent, impossible de savoir à combien s'élèvera ce « beaucoup plus cher », ce qui peut d'ailleurs sembler surprenant alors que nous examinons les intentions du Gouvernement en termes d'objectifs budgétaires et financiers.

Ma seconde inquiétude porte sur le schéma national des infrastructures terrestres. M. Mariton, rapporteur spécial, a produit sur ce sujet un rapport tout à fait intéressant et que personne n'a contesté. Dans les trente années qui viennent, il est donc prévu de dépenser 130 années de budget de l'AFIT. Sur ces 130 années, trente sont assurées. Il ne manque finalement qu'un siècle de recettes pour réaliser ce à quoi le Gouvernement s'est engagé. Les chiffres sont ronds, donc faciles à retenir, mais considérables. M. Mariton a précisé avec raison qu'il reste à financer un certain nombre de projets non pas en centaines de millions, mais en dizaines de milliards. D'ici à 2014, vous avez, me semble-t-il, chiffré, monsieur le rapporteur spécial, à 24 milliards d'euros ce qui restera à réaliser, car juridiquement engagé. J'imagine que cette dépense n'entre pas dans la norme de dépenses que nous a présentée M. le ministre, mais les chiffres sont néanmoins élevés.

Il faut y ajouter les dépenses du ministère de la défense, lesquelles sont gagées par des recettes dont on connaît la nature – la vente d'un patrimoine immobilier – à hauteur d'un peu moins de 3 milliards d'euros. Constatons que, depuis quelques années, le ministère de la défense nous annonce tous les ans pouvoir réaliser une partie de son patrimoine immobilier, ce qu'il ne fait pas, contraignant à des décrets d'avance et à des transferts de crédits pour maintenir notre effort en ce domaine. Nous savons que la France est engagée sur plusieurs théâtres extérieurs avec un coût pour l'État de plus en plus important chaque année – n'est-ce pas, cher collègue Bouvard ? – tout en étant de moins en moins prévu en tant que tel dans la loi de finances initiale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion