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Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 27 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Carcenac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un entretien qu'il a accordéle 18 mai dernier au journal Le Monde, l'économiste Jeffrey David Sachs, qui dirige l'Institut de la Terre de l'Université de Columbia, à New York, et qui est par ailleurs consultant spécial du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, déclare : « Il faut expressément considérer les impôts comme le prix à payer pour développer la “civilisation”. Aux États-Unis, on préfère réduire les dépenses plutôt que demander à chaque citoyen un effort pour construire une société civilisée, instruite et juste. […] Couper dans les budgets militaires, augmenter les impôts des sociétés et des riches, éliminer les paradis fiscaux, c'est la voie pour construire une société juste et productive. »

Monsieur le ministre, le Gouvernement que vous représentez s'est éloigné de ces orientations et ne pense qu'à abaisser les impôts et à diminuer les dépenses publiques. Le groupe SRC vous a indiqué qu'une autre voie était possible. Pierre-Alain Muet l'a excellemment démontré. Je vais, au travers de deux observations, attirer l'attention sur les conséquences de vos choix, pour le pays et pour nos concitoyens. La première concernera le non-remplacement indifférencié d'un départ à la retraite sur deux ; la seconde la situation des collectivités locales, notamment celle des départements.

J'ai l'honneur d'être rapporteur spécial de deux programmes, l'un concernant la DGFIP et l'autre les droits indirects et les douanes, et j'ai pu constater que, malgré une excellente présentation, les écarts sont de plus en plus grands entre prévision et exécution en ce qui concerne les crédits des rémunérations. La sous-budgétisation par rapport aux prévisions atteint cette année 90 millions d'euros, contre 26 millions d'euros en 2009. Les augmentations de rémunération portent sur la catégorie A+, que la DGFIP sait anticiper en la dotant largement. Par ailleurs, le dérapage n'est pas dû seulement au nouvel espace statutaire de la catégorie B, qui est d'un coût de 19 millions d'euros en 2010 pour quatre mois. Ainsi, pour la DGFIP, pour payer les fonctionnaires, il a fallu faire appel aux provisions pour dépenses accidentelles et imprévisibles aux côtés des enveloppes 2010 des séismes d'Haïti, de la tempête Xynthia et des inondations du Var.

Pour les douanes, alors que les engagements en matière de réduction des effectifs sont plus que tenus – les efforts de réduction du plafond autorisé d'emplois à la fin 2011, prévus dans le contrat pluriannuel de performances 2009-2011, sont déjà réalisés à la fin de 2010 –, l'augmentation des besoins a été supérieure au double de la réserve de précaution. Dès lors, ce sont les crédits d'intervention ou d'investissement qui en pâtissent. Pour les douanes, les opérations d'investissement prévues dans le domaine naval connaissent du retard : livraison des quatre vedettes de surveillance rapprochée. Mais qu'en est-il du programme de renouvellement des deux vedettes garde-côtes ? Nous suivons de plus en plus difficilement les reports, abandons d'investissements informatiques des grands projets transversaux, tels le programme Copernic, considéré comme terminé, mais non abouti dans sa totalité.

Dans ses rapports, la Cour des comptes note une insuffisance du contrôle interne de gestion sur les actions de gestion des ressources humaines : elle se caractérise par des insuffisances récurrentes, pourtant identifiées très tôt dans l'année budgétaire. J'ai déjà contesté les conséquences des choix qui ont été faits sur une administration de services. Je note cependant une inflexion concernant le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, qu'il convient toutefois de conforter encore et d'amplifier. Une administration qui ne se contenterait que d'indicateurs de délais pour le traitement de restitution de la TVA, par exemple, ne remplirait pas correctement sa mission de contrôle, surtout lorsque le non-remplacement d'un agent sur deux s'effectue dans les services des impôts des entreprises.

Les remboursements de TVA sont de 43 milliards d'euros pour 127 milliards d'euros de TVA nette. Un contrôle de la dépense s'impose, tout aussi important que la suppression de certaines niches fiscales ou que le contrôle de la fraude sociale. Dès lors, le coût du non-remplacement d'un agent sur deux peut coûter très cher s'il se poursuit au niveau de ces services extérieurs.

J'évoquerai à présent la situation des collectivités locales, notamment des départements. La situation des comptes des administrations publiques locales s'est améliorée. Cela a été noté tant par vous-même que par la Cour des comptes. Cependant, le gel des dotations de l'État et la réforme de la fiscalité locale ont des conséquences, notamment sur les départements. Il est à noter que ceux-ci maîtrisent leurs charges alors que les dépenses liées à l'action sociale sont encore en forte hausse, puisqu'elles représentent 65 % des dépenses de fonctionnement et ont augmenté de 4,7 % en 2010.

Depuis 2008, les dépenses sociales ont crû de 17 %, alors que les compensations de l'État n'ont été que de 7 %. La compensation par l'État du coût des trois prestations nationales de solidarité – le RSA diminue de 66 % en 2008 à 61 % en 2010, on n'atteint plus que 29 % pour l'allocation personnalisée d'autonomie et 46 % pour la PCH –, n'est rendue possible en 2010 que par l'augmentation des droits de mutation à titre onéreux. La Cour des comptes note que cette situation est « étroitement corrélée à une ressource conjoncturelle et volatile ». C'est sur les départements que pèse la contrainte des tendances lourdes et non maîtrisables à leur niveau dans le cadre législatif actuel.

La loi de finances rectificative pour 2010 prévoit 75 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour le fonds de soutien aux départements en difficulté financière. Ces crédits ont été transférés à l'Agence de services et de paiement pour en assurer la gestion. Peut-on connaître l'état d'avancement de la mission d'appui qui doit assurer une expertise des situations des départements les plus fragilisés ? La Cour des comptes fait état de trois départements concernés en 2010. Peut-on connaître les montants attribués pour chacun d'eux et le nombre de départements concernés ? Peut-on savoir quand les subventions, qui ne sont que circonstancielles, seront attribuées ?

Nous constatons une inadéquation des modes de financement de la dépendance par les départements, ainsi que des autres prestations nationales universelles de solidarité, lesquelles sont soumises à de lourdes tendances haussières. Dès lors que, compte tenu du gel des dotations, la péréquation verticale par la DGF est inexistante, l'étude quinquennale évaluant l'efficacité des dotations en termes de réduction des inégalités dans le rapport annuel de performances « Relations avec les collectivités territoriales » précise que la cible n'est pas atteinte, et l'étude de l'été 2007 sur la période 2001-2006 n'a pu être actualisée pour 2010 à cause de raisons techniques.

Comment comptez-vous respecter l'objectif, constitutionnel depuis 2003, de péréquation par la loi permettant de favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ? Faute de réponse, la perte d'autonomie fiscale ne fait qu'inciter à la prudence dans les engagements d'investissement.

Nous revenons dès lors à la problématique de la relance économique et des investissements réalisés par les collectivités territoriales. Les collectivités territoriales ne sont pas seules à avoir du mal à trouver de quoi financer les emprunts : on risque de constater, en 2012, que l'État est lui-même impécunieux et a quelques difficultés à assumer le versement des fonds de concours. Ainsi, les programmes de modernisation des infrastructures, les contrats de programmes pluriannuels entre l'État et les régions portant sur l'université, le financement des grands travaux de la LGV seront des plus difficiles. Une évaluation de ces programmes serait la bienvenue.

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, pourquoi le groupe SRC ne peut approuver votre loi de règlement, compte tenu des incertitudes que vous faites peser sur l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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