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Intervention de Michèle Merli

Réunion du 21 juin 2011 à 17h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière :

Le développement de la circulation des véhicules motorisés au xxe siècle s'est accompagné d'une forte augmentation de la mortalité jusqu'en 1972, année où 18 034 personnes ont perdu la vie sur les routes. On ne pouvait plus longtemps accepter de payer un tel prix humain et c'est de ce moment que datent les premières mesures contraignantes et des opérations de communication – parmi lesquelles le film « Mazamet, ville morte » – ainsi que la création de la délégation interministérielle à la sécurité routière (DISR), rattachée au Premier ministre.

Malgré ces actions, depuis 1972, de nombreux drames de la route ont continué d'endeuiller les familles de France : 380 000 vies perdues, 8 900 000 blessés, 300 000 handicapés à vie, des dizaines de milliers d'orphelins… Néanmoins, alors que, depuis cette date, le volume du trafic routier a été multiplié par 25, des progrès considérables ont été enregistrés : dans les trente premières années, le nombre de morts sur les routes a été divisé par deux, et de nouveau par deux au cours des dix dernières années. En 2010, pour la première fois, moins de 4 000 personnes – 3 992 très exactement – ont laissé leur vie sur la route. Ce nombre n'avait pas été aussi bas depuis 1948 !

Ces progrès sont d'abord dus à l'amélioration considérable du réseau routier : création de voies séparatives, construction d'autoroutes, amélioration de la qualité des revêtements, rectifications de virages, suppression d'obstacles latéraux et de passages à niveau, création de ronds-points et pose de rambardes. Désormais, les études portent sur la route « intelligente » et « communicante », en relation avec le véhicule de l'usager.

La sécurité du véhicule s'est aussi considérablement améliorée, aussi bien au profit du conducteur et des passagers que des autres usagers. L'impact des chocs entre les véhicules a été réduit. Des dispositifs de freinage ABS et de contrôle de trajectoire, des airbags, des limiteurs de vitesse et des détecteurs d'endormissement, etc. ont été installés. Ces améliorations ont aussi concerné les poids lourds – la dernière en date à cet égard est un rétroviseur couvrant mieux les angles morts – et les transports de personnes. En 2015, le parc de camions et d'autocars français sera sans doute le plus sûr d'Europe : les autocars français seront équipés d'un éthylotest antidémarrage et de ceintures de sécurité pour tous les passagers, et seront accessibles aux handicapés.

Avec l'apparition de nouveaux modes de propulsion et de locomotion, notamment de la propulsion électrique, il convient maintenant de se préoccuper de la coexistence entre véhicules de natures différentes. Certains seront très légers, d'autres très lourds. L'organisation de la sécurité routière en sera rendue encore plus complexe.

L'amélioration de cette sécurité est aussi largement due à celle de la chaîne des secours. L'alerte, l'intervention des forces de l'ordre, des pompiers, du SAMU et de l'hôpital, ainsi que les soins, ont connu des progrès considérables depuis 1972. Une meilleure articulation entre les intervenants et des techniques plus efficaces ont permis non seulement de diminuer la gravité des accidents mais aussi d'assurer à beaucoup de blessés – qui, auparavant, auraient pu décéder – le retour à une vie meilleure.

Les progrès ont aussi pour origine une meilleure adaptation des comportements des usagers de la route aux règles qui organisent l'usage collectif de la liberté constitutionnelle d'aller et venir. Alors que nous sommes de plus en plus nombreux à occuper l'espace public de mobilité, celui-ci ne croît que fort peu. Les règles instaurées visent à limiter les risques et à codifier droits et devoirs de façon que chacun puisse utiliser la rue et la route sans mettre en péril sa vie ni celle des autres.

Ces comportements se modifient sous l'effet d'une action publique multiforme : prévention sur le terrain, en liaison avec les associations ; campagnes de communication, dont certaines ont beaucoup marqué nos imaginaires et nos mémoires ; formation – aujourd'hui, avec 1,3 million d'épreuves annuelles, l'examen du permis de conduire est devenu le premier de France – ; la dissuasion, autrement dit la peur du gendarme, et enfin la sanction, lorsque celle-ci est nécessaire au respect de la règle. Tous ces leviers sont utilisés simultanément avec un unique objectif : moins de morts, de blessés et d'accidents.

L'histoire de la sécurité routière a été marquée par des décisions fortes : limitation des vitesses sur les routes – à 90, 110 ou 130 kilomètresheure selon les cas – en 1973 et 1974, limitation de la vitesse en ville à 50 kmh en 1990, obligation de porter la ceinture de sécurité à l'avant, hors agglomération en 1973 et en agglomération en 1979, puis à l'arrière en 1990. Et je n'aurai garde d'oublier les mesures de prévention de l'alcoolisme prises depuis 1970, en 1990 et 1995 notamment, puis tout récemment dans la LOPPSI, facteur d'avancées considérables : souvenons-nous qu'il y a seulement quinze ou vingt ans, en cas d'accident, l'alcoolisme était encore considéré comme un facteur atténuateur de la responsabilité.

À ces mesures s'ajoutent le permis à points, créé en 1989 et entré en vigueur en 1992, l'automatisation des contrôles et des sanctions en 2002 et 2003, la fin des indulgences et enfin la loi contre la violence routière, adoptée en 2003.

Toutes ces décisions ont été vécues comme des restrictions de la liberté individuelle, suscitant souvent des débats houleux. Elles n'ont parfois été que difficilement acceptées, même si une grande partie des conducteurs, soucieux de leur sécurité et du respect des règles, s'y sont pliés. Les progrès n'ont pas non plus été linéaires. Il y a eu des retours en arrière. Cependant, les gains en termes de vies sauvées ont été au rendez-vous.

En 2002 a commencé une nouvelle étape. La sécurité routière a été proclamée « grande cause nationale » par le Président de la République. Aussitôt, les ministres chargés de l'intérieur et des transports ont mis en oeuvre la fin des indulgences, lancé le programme de déploiement des radars et fait voter la loi contre la violence routière.

En 2007, non seulement la sécurité routière a été confirmée comme grande cause nationale, mais le Président de la République a fixé pour objectif de ramener en 2012 à moins de 3 000 le nombre annuel des morts de la route, notamment en combattant l'alcool au volant et en réduisant la surmortalité des jeunes ainsi que la « sur-accidentalité » des usagers des deux-roues motorisés.

En vue d'atteindre ces objectifs, quatre réunions du comité interministériel de la sécurité routière (CISR) ont suivi le conseil restreint présidé par le Président de la République fin 2007. Les trois premières, tenues en février 2008, janvier 2009 et février 2010, ont abouti à 103 mesures, dont 101 sont déjà en application. La dernière s'est tenue le 11 mai dernier et ses décisions seront mises en oeuvre avant le mois de septembre pour l'essentiel, et avant la fin de l'année pour le reste.

Grâce à l'action menée, la baisse de la mortalité routière a été continue de 2002 à 2010, même si elle a marqué des paliers en 2007, puis en 2009, année où une diminution de 103 décès pour les usagers de véhicules autres que les deux-roues a été contrariée par une augmentation de 101 décès d'usagers de deux-roues motorisés.

En 2010, nous avons renoué avec les progrès, le nombre des tués baissant de 6,6 %, celui des accidents de 7 %, celui des blessés de 7,1 % et celui des personnes hospitalisées de 8,8 %.

Cependant, à partir de janvier 2011, et pendant quatre mois consécutifs, la courbe s'est inversée. Une augmentation de 13 % des décès – 144 de plus que pendant les quatre mêmes mois de 2010 – a laissé présager, en cas de confirmation de la tendance, une mortalité de 4 500 personnes à la fin de l'année.

Les causes de cette dégradation ne pourront être comprises qu'avec le recul. Il est cependant possible d'effectuer une observation et de proposer quelques hypothèses.

D'abord, pour la première fois depuis 2007, les chiffres du premier trimestre ont été mauvais dans l'ensemble de l'Europe. Selon la Commission européenne, ils seraient en augmentation de 4 %. Les quelques améliorations auraient en effet été compensées par des aggravations de 10 % en France, mais de 16 % en Allemagne, de 19 % en Finlande et de 29 % en Suède.

Si nous ne disposons pas encore d'explications de nos collègues de ces pays, nous pouvons supposer que la météorologie extrêmement défavorable à la circulation au début de 2010 avait entraîné une forte diminution du trafic, des vitesses et de la circulation des deux-roues motorisées. Au contraire, du fait de la reprise économique, le début de l'année 2011 a connu une augmentation du trafic, notamment des camions. À cela se sont ajoutées de meilleures conditions météorologiques, qui ont favorisé les départs en week-end et entraîné une reprise de l'utilisation des deux-roues motorisés un mois et demi plus tôt que l'année précédente. Enfin, ont joué une diminution de l'effet dissuasif des radars et le développement d'attitudes de contournement de certains usagers, ainsi que l'annonce de mesures liées à la LOPPSI : chaque fois que les automobilistes ont pu penser que la sévérité pourrait s'atténuer, on a assisté à une détérioration momentanée de la sécurité routière.

Cette détérioration a paru suffisamment alarmante au Gouvernement pour justifier une rapide réaction de sa part, d'autant que le 11 mai, jour où devait se réunir le CISR, était aussi celui du lancement à l'ONU de la décennie mondiale de la sécurité routière – l'insécurité routière tue chaque année dans le monde 1,3 million de personnes et en blesse 50 millions. Pour autant, le comité a pu s'appuyer sur nombre d'éléments : sur l'analyse des données de sécurité routière, qui vous sera présentée par l'Observatoire national interministériel de sécurité routière, sur les résultats des travaux et études réalisés dans les années passées par le réseau scientifique et technique, sur les concertations engagées sous l'égide de la Sécurité routière ou en liaison avec elle – notamment sur un « code de la rue », sur les deux-roues motorisés et sur l'aptitude à la conduite –, sur les observations remontant du terrain via les préfets, et sur les discussions avec les partenaires de la route : sociétés d'autoroute, assureurs, constructeurs et associations de victimes. À ce dernier propos, j'ai communiqué à la Mission, en avant-première, un guide d'aide aux familles des victimes de la route, qui vient d'être élaboré en collaboration avec les ministères de l'intérieur, de la justice et de la santé et qui est préfacé par le ministre de l'intérieur. Mais, pour accompagner toutes nos actions, nous menons une plus large politique de communication. Ainsi, depuis ce matin, une nouvelle campagne a été lancée à la télévision à l'attention de ceux qui, souvent raisonnables dans la vie courante, changent profondément d'attitude une fois au volant et transgressent les règles. Nous venons aussi d'achever deux campagnes, l'une sur l'usage du téléphone et l'autre pour expliquer les risques routiers ; dans ce contexte, avec les émissions C'est pas sorcier et Auto-moto, nous avons monté un film décortiquant, chaque fois en une minute, 91 risques pour mieux faire comprendre et respecter les règles qui permettent d'y parer.

1 commentaire :

Le 11/10/2011 à 21:28, Burriff a dit :

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Il est important de noter que la progression du nombre de vies sauvées sur les routes a chuté de 70% entre 2003 et 2009.

La tendance décroissante du progrès aurait-du alerter les pouvoirs publics bien avant 2011.

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