…lorsqu'il était lui-même rapporteur spécial, mais également ce qu'écrit la Cour des comptes dans ses notes sur l'exécution du budget.
L'absence d'évaluation de l'efficacité des dépenses fiscales est d'autant plus difficilement compréhensible que la réforme de l'administration centrale du ministère de l'outre-mer a permis la création, au sein de la délégation générale à l'outre-mer, d'un service chargé d'évaluer l'efficacité des politiques publiques. Il ressort de la récente audition de Mme Penchard que les seuls travaux conduits sur le sujet ont consisté en une trentaine de contrôles a posteriori des investissements réalisés avec l'aide de la défiscalisation, sur laquelle je reviendrai plus loin. Parler d'évaluation serait, vous en conviendrez, monsieur le ministre, légèrement excessif !
Difficilement chiffrables, jamais évaluées, les dépenses fiscales demeurent pourtant le principal outil du financement de la politique de l'État outre-mer.
Non content de tenter vainement de piloter les mesures existantes, le Gouvernement a même cru bon d'en créer de nouvelles. Je vous en donnerai un seul exemple, emblématique de ce que j'ai appelé la préférence pour la dépense fiscale.
Ainsi, jusqu'au vote de la loi pour le développement économique des outre-mer, voilà un peu plus de deux ans, le logement social était financé par des subventions de l'État au moyen de la ligne budgétaire unique. À l'initiative du Gouvernement, la LODEOM a créé, sur le modèle de la défiscalisation des investissements productifs, un dispositif de défiscalisation du logement social dont le législateur a précisé qu'il avait vocation à compléter la ligne budgétaire unique et non à s'y substituer. En préparant le rapport d'application de la LODEOM, Gaël Yanno et moi-même nous sommes aperçus que l'intention du législateur n'était pas, sur ce point, pleinement respectée. Or il faut savoir que le financement du logement social par la dépense fiscale est en moyenne 30 % plus cher que par la dépense budgétaire. En effet, en plus de l'effort consenti directement au profit du logement social, il faut rémunérer le contribuable qui défiscalise, contribuable qui verse lui-même une commission au cabinet de défiscalisation en charge du montage.
Plus coûteux que le financement budgétaire, le financement fiscal est infiniment plus complexe. Avant la LODEOM, les bailleurs sociaux se contentaient d'adresser aux administrations déconcentrées une demande de subvention, accordée après étude du dossier. Désormais, vous le savez bien, monsieur le ministre, en raison de vos responsabilités successives, afin de bénéficier du financement créé par la LODEOM, ces bailleurs doivent se rapprocher des cabinets de défiscalisation, qui créent des sociétés en nom collectif constituées de contribuables désireux de réduire leur impôt sur le revenu ; une fois créée, la SNC achète ou construit un ensemble de logements sociaux, les associés pouvant réduire leur impôt sur le revenu à hauteur de 50 % de l'investissement ainsi réalisé ; ces contribuables conservent pendant cinq ans les parts de la SNC, qui loue les logements aux bailleurs sociaux à un loyer bonifié par rétrocession d'une fraction de l'avantage fiscal. Bien que très simplifiée, la description que je viens de faire est quasiment incompréhensible. Plus coûteux pour le budget de l'État que le financement budgétaire, le financement fiscal est en l'espèce bien plus complexe. Il n'est même pas plus rapide puisque la défiscalisation doit faire l'objet d'un agrément qui nécessite l'intervention, monsieur le ministre, des services pointus de votre administration.
Malgré ses lourds défauts, la défiscalisation du logement social a-t-elle permis de mieux satisfaire les besoins, très importants outre-mer ? Il faut croire que non : initialement estimée à 110 millions d'euros pour 2010, la dépense fiscale a finalement été de... 20 millions d'euros ! Lors de sa récente audition, la ministre de l'outre-mer a indiqué que, sur les 6 500 logements construits l'année dernière, la moitié l'ont été avec l'apport de la défiscalisation, qui aurait donc eu un effet levier. Mais je me suis livré à un simple calcul : si 20 millions d'euros ont contribué au financement de 3 250 logements, cela fait un apport moyen, au titre de la défiscalisation, de 6 150 euros environ par logement. Vous l'aurez compris, mes chers collègues : le levier est bien faible.
L'État pourrait, pour un coût identique, soutenir davantage l'outre-mer en substituant à certaines dépenses fiscales des dépenses budgétaires. La commission des finances l'affirme depuis son rapport de 2008 sur les niches fiscales. Bien conscient qu'un tel changement ne doit pas s'opérer à la légère, j'ai déposé, avec le président de la commission des finances et le rapporteur général, un amendement au projet de loi de finances pour 2011 demandant au Gouvernement la remise d'un rapport étudiant la possibilité de transformer en dotations budgétaires certaines des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission « Outre-mer ».