C'est vrai, quand on le complimente, le Gouvernement n'écoute pas ! Venons-en donc tout de suite aux exercices plus délicats ! (Sourires.)
Ensuite, il y a le grand emprunt d'avenir. En mobilisant environ 35 milliards d'euros, la première loi de finances rectificative en 2010 a lancé un programme d'investissements sur cinq secteurs stratégiques : l'enseignement supérieur et la formation, la recherche, l'industrie et les PME, l'économie numérique et le développement durable. Il faut souligner que la totalité de ces 35 milliards a été déléguée, en 2010, aux différents opérateurs et à la Caisse des dépôts, sans être pour autant utilisée. À cet égard, monsieur le président de la commission, les rapporteurs spéciaux vont devoir être extrêmement vigilants sur le suivi de ces dépenses puisque c'est, d'une certaine manière, de la débudgétisation.
Enfin, le plan d'aide à la Grèce constitue un autre poste de dépenses exceptionnelles. J'appelle votre attention sur le fait que nous avons ouvert sur un compte spécial plus de 16 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et un peu plus de 5 milliards en crédits de paiement, dont 4 milliards seulement sont utilisés. Ce sont des hypothèques très lourdes pour nos finances publiques, qu'il convient de ne pas négliger. À cet égard, notre commission auditionne demain le directeur général du Trésor ainsi que le patron de l'agence France Trésor pour leur demander où l'on en est.
Les recettes ont été perturbées par des opérations inhabituelles. Du fait de la suppression d'une partie du plan de relance qui avait joué en 2009, on a un rétablissement de recettes en 2010. Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle a créé, en 2010, une bosse inférieure à ce qui était prévu, de l'ordre de 9 milliards d'euros. Je n'y reviens pas car nous en avons abondamment discuté.
Je tiens à insister sur les quelques leçons qu'appelle l'exécution de 2010 pour la gestion en cours de l'année 2011 et la préparation du projet de loi de finances pour 2012, qui sera l'objet du débat d'orientation budgétaire tout à l'heure.
Le dépassement du coût de la réforme de la taxe professionnelle en régime de croisière est de l'ordre de 1,2 à 1,5 milliard, d'où un coût, après impôt sur les sociétés, de 5,8 à 6 milliards d'euros en régime de croisière, contre une prévision initiale établie par Mme Lagarde à 4,5 milliards d'euros.
Cela doit nous conduire, monsieur le ministre, à être on ne peut plus rigoureux s'agissant des réformes fiscales. Après-demain se tiendra la commission mixte paritaire sur la réforme de la fiscalité du patrimoine. En ce qui me concerne, je compte tout faire pour en sécuriser le financement. Je sais que c'est également votre souci, et vous pouvez compter sur les députés et les sénateurs pour que cet exercice ne réserve pas de mauvaises surprises pour l'avenir.
Les dépenses du budget de l'État ont tenu dans la norme du « zéro volume », comme vous venez de le dire. Le respect de cette norme a pu être obtenu grâce à des économies conjoncturelles qui ne sont pas renouvelables. Ainsi, 2,5 milliards d'économies ont été réalisées sur les intérêts de la dette – le niveau prévu était de 42,5 milliards, l'exécution étant de 40 milliards –, alors que, dans le même temps, l'encours de dette augmentait. Mais chacun sait bien que ce phénomène, que l'on avait déjà constaté en 2009, n'existera pas en 2011 et encore moins les années suivantes.
Nous avons enregistré également des économies sur les prélèvements sur recettes. Mais tant du côté de l'Union européenne que des collectivités locales, nous ne retrouverons pas de tels phénomènes à l'avenir.
En revanche, grâce à ces 3,5 milliards d'économies, nous avons pu financer des dépassements de crédits en exécution qui ont une nature profondément structurelle puisqu'ils concernent toujours les mêmes missions. Ainsi, la mission « Immigration, asile et intégration » et la mission « Travail et emploi » ont-elles connu chacune une dépense supérieure à la prévision de 21 %. Les missions « Agriculture, pêche, alimentation, forêts et affaires », « Action extérieure de l'État » et « Ville et logement » ont connu respectivement une dépense supérieure à la prévision de 20 %, 5 % et 6,4 %. On voit bien que l'on aura beaucoup de mal, en 2011, à rester dans l'épure des crédits votés. Mais dès lors que nous n'aurons pas d'économies sur la dette, comment financerons-nous ces dépassements tout en restant dans l'enveloppe globale, laquelle ne progresse pas ?
Plus préoccupante est l'augmentation de 680 millions d'euros de la masse salariale, même si ce chiffre est à rapporter à un total de 83 milliards d'euros. La mise en oeuvre de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a représenté une économie brute de 800 millions d'euros. Toutefois, l'économie nette n'est que de 260 millions d'euros, compte tenu du poids très important des mesures catégorielles. Je crois que nous aurons à peu près les mêmes chiffres en 2011.
On voit donc bien que les marges de manoeuvre sont faibles. Il faudrait que le rapporteur spécial se penche sur le sujet, car il y a une corrélation assez faible entre le poids des mesures catégorielles par ministère et l'effort de productivité requis.
Monsieur le ministre, je vous le dis puisque vous êtes également en charge de la fonction publique, j'ai le sentiment qu'en la matière il y a parfois deux poids, deux mesures et que tous les ministères ne sont pas logés à la même enseigne s'agissant de l'effort de productivité demandé par rapport au retour catégoriel.
Une fois traités tous ces éléments exceptionnels, on a constaté, en 2010, que le solde structurel s'était dégradé. Les recettes spontanées liées à la croissance n'augmentent que de 10 milliards d'euros. Avec une croissance de 1,5 %, on aurait pu espérer mieux. En 2006, par exemple, avec une croissance de 1,9 %, on avait atteint un chiffre de 18 milliards d'euros. On voit donc qu'il y a un effritement du rendement de nos impôts.
Comment ce surplus de recettes a-t-il été distribué ? Un peu plus de 4 milliards ont servi au financement de la dérivée des dépenses liée à l'inflation dans le cadre du « zéro volume », 9 milliards ont été consacrés à la réforme de la taxe professionnelle et 3,2 milliards à des mesures de baisses d'impôts pérennes. À cet égard, je vous rappelle que Didier Migaud indiquait, dans un rapport très intéressant à méditer, que la baisse de la TVA sur la restauration représentait huit années de rendement budgétaire de la mesure de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Résultat : là où on avait 10 milliards, on en a distribué 17.