Le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire a mis en place un groupe de travail chargé d'examiner comment concilier « transparence et secrets ». Ce groupe de travail a été élargi à des associations extérieures et à des personnalités telles que des hauts fonctionnaires de la défense.
Ce problème de la conciliation entre transparence et secret s'est posé au Haut Comité très rapidement, en 2008, à l'occasion des auditions qu'il réalisait sur un transport de plutonium entre la France et le Royaume-Uni : nombre de ses questions n'ont pas obtenu de réponse au motif que cela était couvert par le secret de la défense nationale ou par le secret commercial. Notre groupe de travail a donc formulé des constats puis énoncé six préconisations tendant à améliorer la transparence des informations tout en préservant la légitime confidentialité de certaines informations sensibles.
Le Haut Comité a constaté que la loi TSN du 13 juin 2006 constitue un indéniable progrès quant à l'accès à l'information et la transparence en matière nucléaire. L'accès à certaines informations couvertes par le secret industriel et commercial avait pu être géré, par le passé, via la mise en place de conventions, moyennant un engagement de confidentialité. Le Haut Comité prend acte qu'il ne peut en être de même pour les informations couvertes par le secret de la défense nationale.
Sans remettre en doute la légitimité de la classification de certaines informations en matière nucléaire, il recommande de veiller à ce que la diffusion de ces informations ne puisse en aucun cas mettre en péril ou amoindrir la résistance du dispositif répondant aux impératifs de sûreté et de sécurité. Il considère donc que le véritable enjeu se situe au moment de la décision de classification, pour distinguer ce qui relève du secret, de ce qui ne devrait pas en relever.
Le Haut Comité attire l'attention des autorités et experts sur l'importance d'une utilisation parcimonieuse et à bon escient des informations protégées afin de ne pas rendre certains documents, rapports, expertises ou audits, non communicables alors même que leur contenu principal ne relèverait pas du secret.
Il considère que la rédaction d'un guide, semblable à celui élaboré en Grande-Bretagne et formalisant la nature des documents susceptibles d'être classifiés et les raisons de cette classification, est complexe et prématurée en l'état des discussions actuelles entre parties prenantes.
Le Haut Comité prend acte des difficultés que comportent la rédaction et la construction des rapports de sûreté mis à disposition du public dans le cadre d'une procédure d'autorisation d'une installation nucléaire : ils doivent être à la fois accessibles au public et permettre une instruction technique, tout en occultant les éléments dont la divulgation porterait atteinte aux intérêts protégés. Si la loi permet à l'exploitant de rédiger un dossier séparé qui regroupe de tels éléments, le Haut Comité préconise cependant l'élaboration d'un seul document en adoptant une démarche d'identification des informations occultées des rapports. Il recommande d'améliorer la transparence par la mise en place d'un « tiers garant ».
Le Haut Comité appelle à rationaliser l'information nucléaire et à veiller à ce qu'elle soit davantage hiérarchisée ou mise en perspective.
Enfin, nous pensons nécessaire d'engager une réflexion approfondie sur la transparence dans le secteur médical et la qualité des informations apportées au patient : information préalable au traitement, information sur la dosimétrie ou en cas d'incident.
A partir de ces constats, notre rapport énonce six recommandations. D'abord, les modalités de recours en cas de refus d'information sont peu connues. D'où notre première recommandation : promouvoir les possibilités de saisine de la CADA et, lorsqu'elles existent, promouvoir le rôle des PRADA (personnes responsables de l'accès aux documents administratifs).
La deuxième recommandation concerne les informations touchant à la défense nationale. Une procédure judiciaire est nécessaire pour obtenir l'avis de la CCSDN sur l'opportunité de déclassifier certains documents. Nous recommandons de modifier la loi pour permettre de saisir cette Commission consultative en dehors des seules procédures judiciaires. Cependant, vu la nécessité d'encadrer ces saisines, le Haut Comité propose d'être une entité nouvelle autorisée à saisir le Comité consultatif sur l'opportunité d'une déclassification pour les informations en matière nucléaire. C'est donc une modification législative que nous demandons.
Troisième recommandation, nous proposons de mettre en place des procédures permettant de mandater un tiers garant pour examiner les informations couvertes par le secret industriel et commercial, lorsqu'il est difficile de concilier information et défense des intérêts protégés. Un tiers garant est une personne, un groupe de personnes ou une entité, reconnus et missionnés par tous les acteurs concernés en vue de se faire une opinion sur les documents dans leur version complète, excepté les informations couvertes par le secret de la défense nationale, et de rendre compte à ceux qui l'auront missionné. Cette formule a déjà été expérimentée, nous proposons de l'étendre, puis, au vu des résultats obtenus, de la généraliser. Cette solution ne peut être mise en oeuvre dans le cas du secret de la défense nationale.
Quatrième recommandation : nous demandons au législateur de mieux préciser la définition légale du secret industriel et commercial. Nous avons rencontré la mission interministérielle qui prépare un projet de loi sur le secret des affaires. Nous lui avons dit que ce texte ne pourrait en aucun cas contredire les dispositions de la loi TSN, ni remettre en cause les principes du droit à l'information (directive européenne ; articles 124-1 et 124-8 du Code de l'environnement), ou du droit environnemental.
Cinquième recommandation : reconnaissant qu'il peut y avoir contradiction entre la protection, au titre du secret médical, des informations dosimétriques, et le suivi et la maîtrise de l'exposition individuelle des travailleurs, le Haut Comité recommande qu'une instance de concertation existante ou un groupe de travail pluraliste impliquant toutes les parties prenantes, puisse se saisir de ce débat et proposer des solutions conciliant les différents impératifs.
Sixième recommandation, il faudrait modifier les dispositions règlementaires du Code de la défense afin de mettre en place des commissions d'information, semblables à celles des installations nucléaires de base secrète, autour des sites et installations d'expérimentations nucléaires intéressant la défense (SIENID), qui en sont dépourvues.