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Intervention de Philippe Deslandes

Réunion du 16 juin 2011 à 14h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public :

– Le droit d'information des citoyens sur leur environnement, le droit pour eux de participer aux décisions publiques qui ont des conséquences sur leur environnement, ont été posés par la déclaration de Rio et transcrits en droit français dans la loi du 2 février 1995, dite loi Barnier. Ils ont été renforcés par la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 et consacrés dans la Constitution en 2005, lorsque la charte de l'environnement a été annexée à la loi fondamentale. La transparence n'est donc plus souhaitable, mais obligatoire.

La loi sur le débat public de 1995 met en oeuvre le principe de participation. La liste des équipements concernés, fixée par décret comme il se doit dans un pays de droit écrit, inclut les installations nucléaires. La Commission nationale du débat public a organisé trois débats en ce domaine, deux sur des EPR et un sur la politique en matière de déchets nucléaires. Un débat est plus simple sur un équipement que sur une politique : les participants, à Flamanville ou Penly, se sentaient très concernés ! Les débats se sont bien passés, il est vrai que les projets d'EPR se situaient dans des sites qui accueillaient déjà des installations nucléaires. Je ne sais pas quel tour aurait pris un débat aujourd'hui, sur un nouvel EPR, dans un site vierge…

Les débats ont porté sur « Flamanville comme tête de série » ou sur le statut des employés sous-traitants à Penly. Il faut dire que les sous-traitants se sont invités dans les réunions ; après ces échanges, le conseil d'administration d'EDF a pris une délibération – rendue publique – pour s'engager à traiter enfin la question de façon beaucoup plus stricte.

Sur les déchets nucléaires, il y avait eu avant la loi de 2006 des réunions et des auditions publiques sans recevoir une grande publicité. La Commission nationale du débat public tient beaucoup aux réunions publiques, lors desquelles le maître d'ouvrage est directement confronté au public et doit répondre à ses questions – il n'y a pas d'échappatoire ! Les animateurs, neutres et indépendants, et qui ne sont pas des spécialistes des questions traitées, veillent à la sincérité et au sérieux des réponses. Ils s'assurent ensuite que les actes du porteur de projet sont conformes aux réponses données.

Le débat porte sur l'opportunité – les équipements sont-ils nécessaires ? – ainsi que sur les objectifs, les caractéristiques principales du projet. Et, depuis le Grenelle de l'environnement, sur les modalités de la concertation. Ainsi, l'utilité de Penly avait été mise en cause par une association. La Commission particulière avait demandé une expertise indépendante d'EDF, afin d'établir des prévisions stables de besoins. L'expertise a montré qu'il y avait matière à débat. En 2002, l'EPR n'était pas forcément nécessaire…, mais il l'était pour qu'une nouvelle filière nucléaire française exporte ses équipements ! La liberté de parole, l'expertise plurielle et contradictoire, sont des éléments précieux. Le Grenelle de l'environnement a souligné l'importance de l'expertise contradictoire ; mais ni le Grenelle I ni le Grenelle II n'en ont traité. Le problème reste entier.

Aujourd'hui, ce n'est pas parce que l'on est expert que l'on est cru sur parole. Trop d'incidents ont entamé la crédibilité des sachants. Jeune fonctionnaire au moment de Tchernobyl, j'ai assisté à Matignon à une réunion où tout n'était que mensonge organisé. Or si la confiance se construit lentement, la défiance émerge et envahit tout en un instant.

Dans les réunions publiques, la Commission nationale du débat public applique plusieurs principes : transparence, c'est-à-dire information complète, compréhensible, sincère ; équivalence, car tous les participants sont égaux, ce que les élus ont parfois du mal à comprendre ; argumentation, car seuls sont pris en compte les arguments, non les proclamations. La force du débat, c'est sa publicité : réunions, cahiers du débat, verbatim, films, comptes rendus des réunions animées par chaque commission particulière du débat, bilan établi par la Commission nationale. Le porteur de projet doit finalement dire, après les échanges, s'il décide de poursuivre son entreprise, s'il a intégré les enseignements et compris les arguments développés.

Le cas des EPR est spécial car les décisions avaient été prises avant le débat, mais dans huit cas sur dix, la confrontation entre maître d'ouvrage et habitants du territoire a modifié le projet initial. Si le débat public n'existait pas en France, il faudrait l'inventer.

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