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Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 22 juin 2011 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP :

C'est pour moi un grand honneur, en ma qualité de responsable d'une grande entreprise publique, de rendre compte de l'activité de cette dernière devant votre Commission. Depuis ma précédente présentation ici même le 4 novembre 2009, l'entreprise et son contexte ont beaucoup évolué du fait de deux textes législatifs majeurs : la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires – dite loi ORTF – du 8 décembre 2009, et la loi relative au Grand paris du 3 juin 2010.

La RATP, qui compte aujourd'hui 56 000 salariés, a reçu en septembre 2009 de son actionnaire, l'État, une feuille de route sous la forme d'une lettre de mission de M. le Président de la République, axée autour de cinq actions principales.

D'abord, être un acteur majeur de la mise en oeuvre des projets de développement des transports publics à l'occasion du Grand Paris.

Ensuite, renforcer les positions de l'entreprise sur le territoire national et sur le marché international, sachant qu'elle est aujourd'hui le cinquième acteur dans sa spécialité du transport urbain. En termes économiques, il lui faut donc non seulement assumer ses savoir-faire dans le monde, ce qui est un enjeu de développement pour notre pays lui-même, mais aussi se préparer, conformément au règlement européen relatif à la concurrence dans les transports publics, à l'ouverture à la concurrence du marché francilien de transport. Sachant – ainsi que l'expérience dans les secteurs des télécommunications, du gaz et de l'électricité l'a montré –, que la défense de notre place sur notre marché historique sera forcément compliquée, il m'appartient de préparer l'entreprise à cette phase d'ouverture afin qu'elle n'en soit pas bouleversée.

La troisième action consiste à améliorer la performance économique de l'entreprise et à moderniser son fonctionnement. La productivité très significative que nous avons dégagée ces dernières années – entre 1,5 % et 2 % par an – a permis de restituer au Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), notre autorité organisatrice, l'équivalent de 100 millions d'euros tout au long du contrat qui expire en décembre prochain – premier contrat décentralisé conclu, en application de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, entre une entreprise nationale et une région, représentée en l'occurrence par le STIF.

L'entreprise a fortement augmenté ses résultats, lesquels se situent aujourd'hui entre 180 et 200 millions d'euros par an, contre moins de 40 millions à mon arrivée, voilà cinq ans – l'ensemble étant réinvesti au profit du service public et du développement du transport urbain en Île-de-France. Alors qu'elle dépensait à l'époque en investissement – « en cash » et non virtuellement comme avec des autorisations de programme – de l'ordre de 400 à 500 millions d'euros par an en moyenne, nous allons, après avoir progressivement atteint le milliard, parvenir cette année à 1,5 milliard d'euros. Nous avons ainsi joué un rôle majeur de soutien de la filière économique des bus et du ferroviaire dans la période de crise économique que nous avons traversée. Par l'augmentation de nos capacités d'investissement, c'est l'activité industrielle nationale que nous avons soutenue dans une période où elle était très fragilisée. Nous en sommes fiers, d'autant que cela a été rendu possible sans aggraver l'endettement de l'entreprise. C'est par notre productivité et par l'intelligence des hommes et de femmes qui travaillent à la RATP que nous avons réussi à augmenter notre autofinancement de manière très significative, ce qui permet aujourd'hui d'envisager, pour la première fois dans l'histoire de la RATP, une stabilisation à terme de la dette.

La quatrième action, c'est de demeurer une entreprise leader dans le domaine de la qualité et de l'innovation de services. La RATP a toujours été une entreprise à la pointe des défis techniques du transport urbain puisqu'elle gère tous les modes – métro, train urbain ou RER, tramways, bus. Cette maîtrise de la chaîne de transport, ainsi qu'une intégration verticale très forte qui va de l'ingénierie et de la conception des réseaux jusqu'à la maintenance industrielle – secteur qui, avec ses 10 000 salariés, fait de nous l'un des principaux manufacturiers de la région Île-de-France –, nous donne une compréhension globale du domaine des transports qui est unique au monde. Le réseau francilien est le troisième réseau urbain intégré après celui de Tokyo et de New York. C'est ce qui explique que la RATP, créée après la guerre, se soit progressivement approprié toutes les innovations techniques en matière de transport, de billettique, de sécurité ou de système d'exploitation. Cette force, nous voulons la préserver et la développer pour mettre toutes ces techniques à la disposition de nos clients.

Enfin, la cinquième action tient à notre responsabilité particulière en matière de développement durable puisqu'elle consiste à intégrer tous les objectifs du Grenelle de l'environnement dans nos missions.

S'agissant du Grand Paris, la situation a profondément changé puisque la loi a créé, pour la première fois en Île-de-France, une autorité distincte de la RATP – l'établissement public industriel et commercial de la Société du Grand Paris (SGP) –,en charge des choix budgétaires, techniques et opérationnels du projet. Pour nous, il s'agit d'une perte puisque, par tradition, notre entreprise faisait tout. Avant l'arrivée du STIF, elle était elle-même une autorité organisatrice comme la Metropolitan transportation authority (MTA) de New York. Pour autant, si nous ne sommes plus le décideur pour les projets du Grand Paris, nous en serons un acteur essentiel en tant que fournisseur de prestations dans le cadre des appels d'offres qui seront lancés. L'ingénierie étant mise en concurrence, la RATP doit se positionner sur ce marché avec les meilleures offres possibles sur le plan tant technique – je n'ai aucun doute sur ce point – qu'économique. À cet égard, la réorganisation de notre ingénierie nous mettra en position de remporter la plus grande part des marchés du Grand Paris.

L'accord historique intervenu le 26 janvier dernier entre l'État et la Région – en l'occurrence Maurice Leroy, ministre de la ville, et Jean-Paul Huchon, président de Région – est donc un événement capital pour nous, d'autant que je m'étais battu pour le développement d'un nouveau réseau de transport en Île-de-France.

La France a un message industriel à délivrer car la RATP – je le sais pour voyager beaucoup dans le monde – est un acteur unanimement respecté. J'en ai encore eu la confirmation ce matin de la part du patron du groupe nord-américain Bombardier qui tenait à me rencontrer à l'occasion de sa visite au Salon du Bourget, et, la semaine dernière, à New York, où j'ai été reçu par l'Autorité de transport, qui tenait à me remercier du travail d'ingénierie effectué par notre filiale Systra.

Si notre entreprise a un message à délivrer technique, industriel et économique, encore faut-il que nous soyons en phase avec les exigences du marché, sachant que nous serons confrontés à une concurrence dure. C'est ce qui explique notre évolution interne, laquelle doit nous permettre de relever les défis du projet du Grand Paris, l'accord du 26 janvier ayant donné à la région Île-de-France une nouvelle dimension dans les domaines de la gestion et de la mobilité.

Au-delà du périphérique, la part du transport public est plus faible en Île-de-France que dans la plupart des grandes villes de province. Il était anormal que près de 8 millions d'habitants se trouvent ainsi en situation de quasi-exclusion en matière de transport public. Alors que partout – en Asie, en Amérique du Nord –, les villes évoluaient, la région parisienne accusait un grave retard en matière de transport.

Même si cela ressort de l'intérêt particulier de la RATP, il est de l'intérêt général d'investir massivement et rapidement dans des moyens de transport modernes dits lourds, c'est-à-dire de type ferroviaire. Aussi ne puis-je que m'inquiéter pour la réalisation de ce projet essentiel pour le pays lorsque je vois le sujet du financement un peu laissé de côté ou que l'on envisage d'étaler les recettes et d'en redistribuer une partie en faveur de la rénovation urbaine !

Si la RATP a des valeurs solides nées de l'après-guerre – celles du service public dont chacun est fier au sein d'une entreprise nationale –, il nous faut aussi favoriser l'esprit d'entreprise. C'est ainsi qu'au-delà d'un corpus de valeurs très partagé sur lequel nous nous appuyons, nous avons progressivement introduit des obligations économiques à toutes les équipes, afin de les rendre les plus efficaces possible dans l'utilisation des moyens de production. Si la RATP avait toutes les qualités en termes de fiabilité, de sécurité ferroviaire et de compétence technique, elle avait besoin de s'approprier la dimension économique, qui est un enjeu majeur pour son avenir.

Les réformes législatives sont venues clarifier le modèle économique de la RATP. C'est ainsi que nous préparons, pour le 1er janvier prochain, la séparation comptable entre l'activité de gestionnaire de l'infrastructure et celle d'opérateur de transport. Nous allons créer une sorte de RFF interne à la RATP, en rendant distinct le volet gestion des voies, de l'énergie et des tunnels, de la partie fourniture de services de transport et maintenance. Une telle séparation de deux branches à l'intérieur d'un même EPIC est une excellente chose, car une seule organisation économique et juridique intégrée doit continuer de contrôler les deux activités afin de résoudre les problèmes d'arbitrage qui se posent sans cesse entre les moyens à attribuer à l'infrastructure et ceux requis par le fonctionnement du service. Les exemples abondent de situations où les arbitrages à effectuer non pas à l'intérieur d'une même entreprise – comme cela sera de ma responsabilité –, mais d'une entreprise à une autre sont compliqués à rendre. À cet égard, il ne faut jamais sacrifier le long terme au détriment de la viabilité et de la soutenabilité du réseau. Certes, ne pas investir dans l'infrastructure permet d'améliorer le « cash », de réduire la dette et de présenter de beaux bilans, mais, comme cela a été le cas à Londres par exemple, le prix à payer ensuite en termes d'investissement correctif est énorme ! Prenons garde de ne jamais nous placer dans une telle situation.

Je souhaite que la RATP conserve longtemps la forme unitaire d'EPIC de l'État, avec un conseil d'administration composé pour un tiers de représentants des salariés et pour un tiers de représentants de l'État actionnaire, le troisième tiers étant constitué de personnalités qualifiées de premier plan. Une telle organisation unitaire, qui permet de piloter non seulement les deux branches – infrastructure et transport –, mais aussi toutes les activités de développement externe, est excellente pour faire évoluer les esprits au même rythme et pour les faire adhérer à un projet et à un modèle partagés. Si le dialogue social, qui est ma première préoccupation depuis que je suis président de la RATP, fonctionne bien, c'est parce que nos salariés appréhendent les enjeux de l'avenir en plaine connaissance de cause.

À cet égard, les lois que vous avez votées nous ont, je le répète, beaucoup aidés puisqu'elles permettent de bâtir l'entreprise sur un modèle clarifié. J'en donne un exemple. L'un des problèmes majeurs de la RATP est de pouvoir se financer, sur le marché financier et donc d'être suffisamment crédible pour pouvoir emprunter de l'argent aux meilleures conditions. Or, notre dette est de type dette souveraine, c'est-à-dire que nous empruntons, en nous appuyant sur l'État actionnaire et sur notre note « AAA », pour rembourser le principal, ce qui n'est pas un schéma habituel d'entreprise. C'est ce que l'on appelle une dette perpétuelle. Cependant, dès lors que le règlement européen limite dans le temps nos droits d'exploitation et qu'en 2024 un tiers du chiffre d'affaires de l'EPIC sera mis en concurrence avec le réseau de bus de Paris qui est l'un des plus gros du monde – avec 1 milliard de passagers par an –, il faut expliquer au marché financier comment nous ferions pour payer notre dette si nous perdions une partie de notre chiffre d'affaires.

Il convient à cet égard de bien distinguer la gestion de l'infrastructure et les services de transport.

S'agissant de la première, qui est une mission pérenne de l'entreprise dévolue par l'État – la propriété juridique de l'infrastructure nous ayant été donnée par votre vote –, nos financements en la matière sont sécurisés puisqu'il s'agit d'une dette perpétuelle. En effet, nous n'avons pas besoin de rembourser le capital dans la mesure où nous sommes suffisamment crédibles pour pouvoir emprunter. S'agissant des services de transport, nous sommes tenus d'expliquer comment nous aurons remboursé toute la dette afférente en 2039, pour ce qui concerne le métro et le RER.

La séparation comptable donne ainsi au marché les clés du fonctionnement financier de la RATP, ce qui est extrêmement rassurant, tant pour le marché que pour nos possibilités d'investissement futur.

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