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Intervention de Frédéric Péchenard

Réunion du 22 juin 2011 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale :

Nous avons procédé à la création de services communs à la police et à la gendarmerie, en particulier la direction de la coopération internationale – DCI – et également le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure – STSISI. Il ne semble pas souhaitable de créer de nouvelles structures communes, compte tenu de l'intérêt de conserver deux forces de sécurité distinctes. Par ailleurs, nous continuons de procéder à des achats communs pour les véhicules ou pour les pistolets automatiques SIG Sauer, par exemple.

Nous avons fait un choix différent quant aux réductions d'effectifs dans les unités de maintien de l'ordre. Les compagnies de CRS n'ont pas subi de suppression organique. Il demeure onze compagnies constituées maintenant de quatre sections au lieu de six, ce qui correspond à une diminution d'effectifs équivalant à 5,5 compagnies. Chaque compagnie comprend 140 ETPT au lieu de 150, ce qui permet de disposer de 85 CRS en opérations. Je considère que la conservation des unités constituées de CRS est une réussite.

Je suis pleinement d'accord avec M. Diefenbacher sur l'intérêt de la police technique et scientifique – PTS. Un audit complet a été diligenté dans le cadre d'une mission qui continue ses activités. L'amélioration des deux fichiers de PTS, le fichier automatisé des empreintes digitales – FAED – et le fichier national d'analyse des empreintes génétiques – FNAEG –, ne suffit pas. Le déplacement systématique de fonctionnaires spécialistes ou polyvalents est indispensable sur les scènes d'infractions pour assurer le recueil des indices. Les premiers réussissent à prélever environ 30 % de plus de traces exploitables que les polyvalents, qui bénéficient de stages de formation. Il faut améliorer la PTS et l'on se dirige vers la création d'un troisième fichier de reconnaissance faciale, qui pourrait servir à l'exploitation des données de vidéo surveillance.

Par ailleurs, on développe la mise en oeuvre de logiciels de rapprochements judiciaires, comme, à partir de janvier 2012, un instrument permettant de mettre en commun les fichiers d'antécédents de la police et de la gendarmerie. On ne peut que se féliciter de la très forte diminution des homicides volontaires en France, qui est l'un des résultats obtenus par le développement de la PTS : 1 500 homicides en 1990 et 670 en 2010. Entre ces deux dates, le taux d'élucidation a progressé de 70 % à 90 % environ.

La réforme de la garde à vue m'a causé un motif de satisfaction et un sujet d'inquiétude. Ce véritable tsunami procédural, résultant de décisions de la Cour de cassation d'application immédiate, exigeant la présence d'un avocat en garde à vue, a suscité la réaction très positive des fonctionnaires de police. Cependant, l'inquiétude demeure car les agents de police judiciaire continuent leur travail dans un cadre juridique non sécurisé.

Général Jacques Mignaux. Les départs à la retraite ont été plus importants que prévu dans la gendarmerie en 2010, alors que traditionnellement, les deux tiers des gendarmes partent avant la limite d'âge et un tiers à la limite d'âge. On peut penser que le débat sur la réforme des retraites en 2010 a pu peser sur la décision des personnels concernés. En 2011, le flux de retraités est un peu plus élevé que prévu, mais il est prématuré d'en tirer des conclusions sur l'ensemble de l'année. Je déplore dans ces départs une perte d'expérience et de maturité professionnelle qui est préjudiciable au fonctionnement de l'arme. Ces écarts par rapport aux prévisions posent quelques problèmes pour l'organisation des recrutements, en particulier pour les officiers.

Les opérations de partenariats public privé – PPP –, conduites à partir de 2002, ont donné d'excellents résultats. Elles ont permis la construction rapide de casernes, plus rapide que les trois ou quatre ans qui étaient nécessaires lorsqu'il s'agissait de suivre une procédure habituelle. Cela étant, on peut estimer un surcoût de loyers d'environ 30 % en cas de bail emphytéotique administratif – BEA. Les PPP présentent également l'inconvénient de cristalliser les crédits de fonctionnement et de nous faire perdre nos marges de manoeuvre budgétaires. Alors que nous avons environ 3 400 casernes à construire et entretenir, les loyers de la gendarmerie connaissent également une augmentation supérieure à celle de l'inflation.

Le travail de réorganisation de nos forces et les redéploiements police gendarmerie constituent une tâche de grande ampleur. Les résultats sont au rendez-vous, qu'il s'agisse de la baisse de la délinquance ou de l'amélioration des taux d'élucidation. Il s'y ajoute l'amélioration des méthodes, le développement des groupes d'intervention régionaux – GIR –, et la forte croissance de l'utilisation des grands fichiers de police technique et scientifique – FAED et FNAEG.

Nous poursuivons, policiers et gendarmes, le travail en commun sans sacrifier à quelque dogme de mutualisation à tout crin. Ainsi, nous refusons d'envisager la mise en place d'un commandement départemental commun, car des problèmes d'autorité pourraient survenir.

Les redéploiements géographiques font l'objet d'une enquête de la Cour des comptes, à votre demande. Cette démarche a du sens, mais la réorganisation des compétences territoriales génère des surcoûts dans un premier temps, qu'il s'agisse de la gestion des personnels ou d'accompagnement social de leurs familles. La démarche sera poursuivie finement par des ajustements équilibrés. Nous avons mis en place également un dispositif de coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires – CORAT. Ce nouveau cadre de coopération, l'habitude que nous avons de nous prêter main-forte en cas d'urgence, illustrent, s'il en était besoin, les bonnes pratiques qui unissent la police et la gendarmerie.

Depuis une dizaine d'années, le seuil de 20 000 habitants sert à délimiter le partage des compétences entre la gendarmerie et la police. Oui, il faut se poser la question de l'évolution de ce critère lorsque l'on est en présence de petites agglomérations, qui peuvent comprendre plus de 20 000 habitants, mais qui devraient cependant logiquement être transférées à la gendarmerie nationale. Il faut agir au cas par cas avec souplesse.

La création du service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure – STSISI – répond à la nécessité d'une bonne gouvernance du ministère de l'Intérieur en matière de systèmes d'information. Il convenait de rationaliser la recherche-développement dans ce domaine.

La gendarmerie participe également au développement de la PTS de proximité et dispose de 5 000 techniciens d'identification criminelle de proximité.

La réforme de la garde à vue génère des surcoûts : les brigades de gendarmerie peuvent disposer de locaux de garde à vue mais il convient d'améliorer la confidentialité des entretiens. Nous avons fait l'acquisition de détecteurs de métaux afin d'améliorer la dignité des personnes interrogées, de kits d'hygiène, et de 450 équipements de visio conférence permettant la liaison à distance de l'officier de police judiciaire avec le procureur de la République lorsque la garde à vue doit être prolongée au-delà de 24 heures.

Le chiffrage des besoins qu'exige la réforme n'est pas encore certain même si les moyens dont nous disposons ne suffisent pas tout à fait. La mise en oeuvre de la réforme est préoccupante, on peut craindre la prolifération des questions préalables de constitutionnalité et des interventions de l'avocat qui pourtant devrait rester « taisant ». Si un même avocat assiste simultanément plusieurs gardés à vue sur une même affaire, il est évident que l'efficacité des entretiens en sera diminuée.

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