Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, suite au rapport que j'ai remis au Président de la République sur le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs, vous comprendrez que mon intervention porte essentiellement sur les articles relatifs au jugement des mineurs. Mon collègue Michel Hunault traitera ultérieurement de la première partie.
S'il est, dans notre société, une institution qui doit faire l'objet de l'attention de tous les démocrates, c'est bien la justice. En tant que démocrates, nous n'avons pas le droit de laisser cette justice s'éloigner de la réalité vécue par nos concitoyens. En tant qu'élus de la République, nous avons le devoir de garantir cette autorité. Or, s'il est un domaine qui, aujourd'hui, ne va pas sans poser des questions à l'État, c'est bien celui de la justice des mineurs.
Les élus, notamment ceux du Sud de la France, de l'Île-de-France ou du Nord, ne me contrediront pas : les délinquants mineurs éprouvent un sentiment d'impunité, leurs victimes un sentiment d'abandon, les forces de l'ordre un sentiment d'impuissance.
Nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi l'État n'est pas à même de garantir la sécurité de leurs enfants quand ils vont à l'école ou se promènent dans la rue.
Alors, certains diront que nous jouons sur les peurs, que ces lois sont des lois de circonstance, ou encore une « rente politique ».
Mais, chers collègues, ouvrez les yeux, et ouvrez votre presse quotidienne régionale. Hier encore, dans le Sud de la France, une jeune fille de treize ans est décédée sous les coups d'un jeune de quatorze ans et onze mois devant son collège, pour une histoire de vengeance, de dépôt de plainte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation exige de nous : responsabilité et objectivité. Nous n'avons que trop tardé à redonner à l'État les moyens de son autorité. Et s'il est évident que parmi ces moyens, il y a des moyens financiers – ne le cachons pas – il est tout aussi évident qu'il doit exister des moyens juridiques, et des bonnes pratiques qui permettront à l'État de retrouver de la crédibilité dans le domaine de la justice des mineurs.
Au cours des nombreuses auditions que j'ai pu mener dans le cadre de la mission qui m'a été confiée par le Président de la République, j'ai pu identifier trois causes de cette perte de crédibilité qui font aujourd'hui consensus dans tous les corps de métier concernés. La justice des mineurs n'est pas assez rapide, elle n'est pas assez effective, et elle n'est pas assez lisible.
Nous avons tous été adolescents ; nous savons que les jeunes ont besoin d'une réponse claire, et que lorsqu'elle est apportée plus de six mois après les faits, ces jeunes ne savent plus de quoi on leur parle. Ils sont en situation d'échec scolaire ou d'absentéisme, ou totalement déscolarisés. Ils n'ont pas commis un ou deux délits supplémentaires pendant ce laps de temps, mais des dizaines ! Tout cela parce que nous n'avons pas pu ou pas su apporter la réponse adéquate dès le premier acte.
Dans les centres, combien de jeunes mineurs délinquants m'ont dit : « Si on nous l'avait dit avant, nous n'en serions pas là aujourd'hui ! Si, le jour où on a volé notre première voiture, on nous avait mis ici, nous n'aurions pas volé la deuxième ! » Monsieur le ministre, je sais que vous avez très bien compris ces enjeux et votre projet de loi va dans la bonne direction.
J'ai rencontré à la Protection judiciaire de la jeunesse, contrairement à ce que l'on peut dire ou penser, des hommes et des femmes qui travaillent avec un sérieux remarquable. Ils ont une conscience professionnelle hors du commun. Ils font aujourd'hui appel à nous, législateurs, pour qu'on leur donne les moyens d'éduquer les jeunes de ce pays.
J'ai également pu comprendre en quoi les centres éducatifs fermés constituent une réponse efficace pour un grand nombre de jeunes aujourd'hui.
Un an après leur sortie, les taux de récidive sont en effet très satisfaisants, au contraire de la prison, qui est autant un échec pour le jeune que pour la société.
Le recours plus facile aux centres éducatifs fermés que permet ce texte me semble donc nécessaire à l'établissement d'une justice des mineurs plus efficace dans sa mission éducative.
Plus efficace, parce que la réponse sera plus rapide, et nous approuvons, avec un certain nombre de dispositions relatives à la procédure pénale que je soutiens, la généralisation du Dossier unique de personnalité. L'expérimentation a démontré que cela fonctionnait.
Pour avoir pu constater à l'étranger, aux États-Unis notamment, l'efficacité de ce type de dispositif et la coordination qu'il permet entre différents acteurs de l'État, je souhaite que son ouverture puisse être beaucoup plus étendue, et contrairement à ce que prévoit ce texte, étendue même aux services de police et de gendarmerie spécialisés qui auront à prendre en charge les mineurs délinquants.
Comme le disait le professeur Jamet, pédopsychiatre, les enfants, pour comprendre la parole de l'adulte qui vit dans un monde dont la logique est différente de la leur, ont besoin d'une parole claire et univoque. Cela vaut pour ses parents, comme pour l'État. Tel est l'intérêt majeur du DUP.
De la même manière, il faut associer étroitement les parents à la justice. Il faudrait aussi les impliquer davantage dans les délits mineurs, afin, justement, de les aider à apporter la réponse à leurs enfants avant que l'État n'ait à le faire lui-même.
Cela permettra aussi de conserver la solennité que doit revêtir la sentence de la justice. C'était une des préconisations de mon rapport remis au Président de la République. Je soutiens donc la création des tribunaux correctionnels pour mineurs, qui permettra aux jeunes de comprendre l'importance du verdict mieux que dans le cadre d'une simple décision en Chambre du conseil.
Rapide, lisible, la réponse devra aussi être effective. Le rapport de notre collègue Zumkeller sur les bureaux d'exécution des peines pour mineurs est éloquent. Si le DUP permettra de mieux appréhender l'ensemble du parcours du jeune, il faudra également s'assurer que les décisions prises dans ce cadre seront respectées. Il est impératif qu'un mineur qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire et d'une mesure éducative lui interdisant de quitter son domicile de dix-huit heures à huit heures du matin ne soit pas dans la rue à trois heures du matin. Dans le cadre de son contrôle judiciaire, le bracelet électronique pourra permettre à la justice de vérifier qu'il est chez lui, et non dans la rue. Nous ne pouvons plus accepter de prendre une mesure de contrôle judiciaire, sans la contrôler. C'est à nous législateurs de prendre des dispositions. Nous avons besoin de remettre ces jeunes dans le droit chemin. S'ils ne sont pas sanctionnés, tous leurs camarades se mettront à les imiter.
Enfin, les difficultés ne se posent pas partout avec la même acuité.
Sans déroger au principe constitutionnel qui veut que chacun soit jugé de manière uniforme dans tout le pays, le principe de l'expérimentation me paraît nécessaire à la définition empirique des procédures et structures pénales les plus appropriées. Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, les députés du Nouveau Centre approuvent cette mesure pragmatique et souple.
Ce projet de loi, qui garantit la spécialisation de la justice des mineurs et la primauté de l'éducatif sur le répressif, est équilibré.