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Intervention de François de Rugy

Réunion du 21 juin 2011 à 22h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Aujourd'hui, vous venez pourtant défendre devant nous l'addition d'une nouvelle couche. Je renouvelle donc ma question : quel est le sens de ce double projet de loi ? Je le disais tout à l'heure : l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est révisée tous les ans, ou presque. Ce texte a été soumis, au fil du temps, à des modifications incessantes, au point que personne – sinon les spécialistes – ne sait réellement ce qu'il contient. Le législateur aurait-il ainsi oublié que le droit, et peut-être plus encore le droit pénal, ne saurait être sans cesse remanié, et qu'il nécessite une certaine stabilité – serait-ce désormais un gros mot en la matière que celui de « stabilité » ? – pour être compris par nos concitoyens et appliqué efficacement par les magistrats ?

« Nul n'est censé ignorer la loi. » Cette maxime est censée être le soubassement du pacte républicain, c'est ce que l'on dit à tout le monde, dès le plus jeune âge. Pourtant, en la matière, même les professionnels du droit ont le plus grand mal à connaître la loi au fur et à mesure de ses modifications.

Le Gouvernement, et le Président de la République, répètent à toute occasion que les mineurs d'aujourd'hui ne sont plus ceux de 1945. C'est une lapalissade comme tant d'autres, car on pourrait dire la même chose des majeurs. Comment justifier alors que l'ordonnance ait été révisée chaque année depuis 2007 ? En quoi un mineur de 2011 différerait tant d'un mineur de 2007 ou de 2008 ? Il faut se méfier des fausses évidences !

Pour notre part, nous pensons que les mineurs, terme générique désignant les enfants et les adolescents, restent par nature différents des adultes. Que l'on soit en 1945, en 2007 ou en 2011 ne change rien à cette idée à laquelle nous tenons fortement.

Comment pouvez-vous être à ce point infidèle à l'esprit de l'ordonnance de 1945, prise, je le rappelle, sous l'autorité du général de Gaulle, dont vous aimez par ailleurs vous réclamer ? Sans parler des engagements internationaux plus récents de la France ! Comment peut-on les ignorer à ce point ?

La société que vous imaginez et que vous essayez d'organiser par bricolages législatifs successifs, bien loin d'offrir sa protection à tous les enfants – alors que c'est ce que l'on devrait faire avant tout – semble ne songer qu'à se protéger elle-même, comme si nos enfants étaient, par avance, considérés comme une menace et, en priorité, disons-le, les moins favorisés d'entre eux, tenus pour des sujets dangereux, voire irrécupérables. Dans un rapport rédigé voici quelques années, un parlementaire de la majorité considérait que l'on pouvait détecter, dès l'âge de deux ans, ceux qui étaient récupérables et ceux qui ne l'étaient pas. On se souvient du Président de la République qui avait tenu, alors qu'il était candidat, des discours pour le moins étranges sur la génétique. Il considérait alors que certains aspects de la criminalité, tels que la pédophilie, relevaient de la génétique, ce qui est tout de même particulièrement grave. Telle n'est pas notre conception du droit et de la justice. Nous tenons à le rappeler à cette occasion. C'est d'ailleurs un des points les plus flagrants de votre texte, lequel ne contient pas une seule fois, alors même qu'il traite du statut des mineurs, le mot « enfant ». Or notre débat devrait pourtant porter sur les enfants, car c'est bien d'eux qu'il est question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Lorsqu'il s'agit de juger des enfants, la première préoccupation, tout en formulant la sanction, est de préparer le retour au respect de la loi. Nous ne considérons pas, pour notre part, qu'un enfant de onze, douze, voire treize ans, ou un adolescent est irrécupérable pour la vie…

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