Il est important pour moi de venir m'expliquer devant la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) dans la mesure où la lutte contre la fraude sociale me tient à coeur depuis longtemps. Depuis que je suis entré au Gouvernement – en tant que secrétaire d'État à l'assurance maladie –, je n'ai jamais cessé, dans les différentes fonctions ministérielles que j'ai assumées, de me préoccuper de ce sujet, qui n'est pas mineur, même s'il a longtemps été minoré et parfois ignoré. Au nom de la valeur travail, à laquelle je crois profondément, la lutte contre la fraude est un impératif.
D'ailleurs, ce problème alimente un sentiment d'injustice chez nos concitoyens, parce que la fraude à la protection sociale constitue un vol de la protection sociale. Hier encore, j'avais l'occasion de discuter avec un certain nombre d'observateurs qui se demandaient si elle ne pouvait pas s'expliquer, voire s'excuser : pour moi, la réponse est clairement non ! Les fraudeurs sont des voleurs et la fraude n'est pas un système « D » ou une façon de se débrouiller ! Au-delà du sentiment d'injustice, la fraude a un impact financier. La faire reculer est donc avant tout une exigence de justice sociale, mais aussi un impératif de bonne gestion.
Le fait que votre mission rédige un rapport sur le sujet montre bien une prise de conscience collective et un changement complet d'approche à cet égard, même si certains d'entre vous – je pense notamment à M. Pierre Morange et à M. Dominique Tian – n'ont pas attendu cela pour se mobiliser. Cet engagement global a du sens et nous donne davantage de chances d'être efficaces.
Si l'on ne veut pas ajouter une injustice au sentiment d'injustice, il faut que la lutte contre la fraude concerne chacun, quel que soit son statut, sa situation ou sa position sociale. Elle doit s'en prendre au chef d'entreprise qui use et abuse du travail clandestin avant l'assuré social. De même, en matière d'arrêts de travail abusifs, il convient de contrôler le médecin qui « surprescrit » – seule façon légitime de mettre en cause l'assuré social qui en bénéficie. Conçue de cette manière, la lutte contre la fraude ne devrait pas encourir de reproche.
Au-delà de nos travaux, chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale permet de revenir régulièrement et de façon légitime sur le sujet.
L'action contre la fraude s'est d'ailleurs accrue depuis 2004, notamment au temps où M. Éric Woerth occupait des fonctions ministérielles. Je tiens à lui rendre hommage : il s'est toujours mobilisé sur le sujet, qu'il s'agisse de la fraude fiscale ou d'autres types de fraudes – je me souviens notamment des premiers comités nationaux de lutte contre la fraude que nous avons présidés ensemble et de la détermination farouche dont il a toujours fait preuve dans ce domaine.
Depuis 2007, nous sommes passés à la vitesse supérieure, avec la mise en place de nouveaux outils. Les acteurs de contrôle ont besoin de se les approprier : il est donc utile que nous les examinions ensemble au cours de cette audition.
Le regroupement, au sein de mon ministère, des secteurs du travail, de l'emploi et de la santé constitue un gage de cohérence et d'efficacité. Pour lutter contre la fraude sociale, un décloisonnement et une vision d'ensemble sont en effet indispensables. Les fraudeurs ont d'ailleurs généralement une approche décloisonnée de ce à quoi ils peuvent avoir droit en fraudant ; or, l'action des pouvoirs publics a souvent été trop morcelée et cloisonnée.
Un grand nombre de fraudes sont au croisement des problématiques de l'emploi et de la santé – je pense notamment aux arrêts de travail, qui concernent à la fois l'assurance maladie et le travail. Quant à la lutte contre le travail clandestin, elle exige l'action conjointe de l'assurance maladie et des employeurs ; elle concerne aussi l'inspection du travail et a un impact sur les comptes sociaux.
Notre méthode d'action est d'agir au plus près du terrain. Voter des lois, c'est bien, mais encore faut-il qu'elles soient suivies d'effet et que les nouveaux outils soient utilisés par les acteurs de terrain. Faute de quoi nous passerons à côté de très nombreux cas de fraude.
Mon approche pragmatique m'a conduit à me rendre à différentes reprises dans plusieurs comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) ; je continuerai à le faire régulièrement pour voir ce dont les acteurs de terrain ont besoin pour être encore plus efficaces. J'y ai rencontré des personnes très compétentes et motivées, avec un sens élevé de la protection sociale ; elles sont convaincues que leur action est totalement légitime. Sans cette motivation, cette compétence et une bonne circulation de l'information entre les acteurs, rien ne se passerait.
Cela dit, la lutte contre la fraude ne repose pas seulement sur les corps de contrôle. Tout agent de liquidation doit, lorsqu'il a un soupçon légitime, avoir le réflexe de leur en faire part. Il ne s'agit naturellement pas de confondre les missions de chacun, qui sont bien définies par ailleurs. Bien souvent, cela peut se faire à l'occasion d'une simple demande d'information. Il faut que chacun ait conscience de ce qu'est la fraude et de la façon dont elle met en péril nos comptes sociaux et notre système de protection sociale.
Je ne suis pas le seul à me mobiliser : l'ensemble du Gouvernement aura à prendre dans les semaines à venir de nouvelles initiatives ; il est encore trop tôt pour en parler car nous devons prochainement nous réunir sur le sujet. Il est important également que cette action puisse être conduite conjointement avec les parlementaires.