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Intervention de Isabelle Lemesle

Réunion du 26 mai 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Isabelle Lemesle, présidente du Centre des monuments nationaux, CMN :

C'est évidemment un sujet qui nous préoccupe. Il s'agit à mes yeux d'une question politique et non d'une question administrative ou institutionnelle. Je me réjouis donc que le Parlement s'en saisisse, après la Cour des comptes qui a beaucoup apporté à la réflexion.

Le sujet doit être appréhendé de manière globale. Quel doit être aujourd'hui le rôle de l'État en matière de sauvegarde du patrimoine national ? De diffusion de la connaissance ? Où sont les compétences et les moyens pour exercer ces missions ? Quel est le meilleur dispositif qui nous permette, dans le temps long qui est celui du patrimoine, de préserver l'intérêt général dans des conditions économiques raisonnables ?

Je souscris pour ma part à l'analyse conduite en 2003 par René Rémond dans son rapport sur la répartition entre l'État et les collectivités territoriales des monuments nationaux affectés au ministère de la Culture : doivent demeurer propriétés de l'État tous les lieux de mémoire nationale, les résidences royales et biens de la couronne représentatifs de la constitution de l'État national, les archétypes architecturaux, les sites archéologiques et grottes ornées constituant des réserves ou dont la fragilité et la complexité exigent la compétence de l'État.

Nous ne sommes plus dans les années 1980. Il ne s'agit plus tant, pour les collectivités territoriales que pour l'État, de se déchirer pour s'approprier un monument que de se demander ce que l'on peut faire de mieux, ensemble, pour ce monument dans l'intérêt général. C'est aujourd'hui la position du CMN. Nous essayons, en lien avec les collectivités concernées, de tirer le meilleur des 96 monuments dont nous avons la charge pour les conserver, mais aussi y attirer le plus de touristes possible. À cet égard, nous sommes un acteur économique à part entière. Pour prendre un exemple, il n'y aurait plus d'activité économique à Azay-le-Rideau sans le château !

J'observe par ailleurs que la péréquation que nous assurons permet aux « petits » monuments de bénéficier d'une force de frappe inespérée : nous sommes présents sur trente salons dans le monde ; nous organisons 76 « éductours » par an ; dans nos brochures, le petit château à 2 000 visiteurs par an est traité comme l'Arc de triomphe.

Il convient enfin de mesurer les conséquences de chaque transfert de monument à une collectivité territoriale. Celui du château du Haut-Koenigsbourg, monument bénéficiaire, au département du Bas-Rhin il y a quelques années s'est soldé par la perte de plusieurs centaines de milliers d'euros de bénéfice pour le CMN, autrement dit par un transfert de charges du visiteur au contribuable, puisque le ministère de la Culture verse à l'établissement une subvention compensant cette perte de bénéfice pour lui permettre de continuer à assurer une péréquation. Est-ce bien ce que nous souhaitons ? C'est une question politique à laquelle il ne m'appartient pas de répondre. On vous dira qu'il se passe beaucoup plus de choses au château depuis ce transfert : bien sûr, puisqu'il ne contribue plus à la redistribution. Mais transférer un monument bénéficiaire, c'est aussi prendre le risque d'en fermer dix qui sont déficitaires ! Gardons donc à l'esprit que le CMN a un rôle d'aménagement du territoire.

Quant aux monuments déficitaires, il faut s'assurer, avant de les transférer, qu'ils bénéficieront des mêmes compétences. Nous avons tout de même un siège expert de 300 personnes qui est au service de chaque monument. Il est peu probable que les petites collectivités puissent assurer la même qualité d'expertise. C'est aussi l'étendue de ses compétences qui fait la force du CMN, que beaucoup d'États – je pense par exemple à l'Italie – nous envient.

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