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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 14 juin 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui devant vous faire état de la négociation d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Télévisions pour la période 2011-2015.

« Objectifs » et « moyens », voilà des mots qui appartiennent autant au vocabulaire de l'art de la guerre que du bon gouvernement. On oscille entre Clausewitz et Machiavel, Sun Zu et Pierre de l'Étoile. Ars belli, ars governandi !

L'élaboration de contrats d'objectifs et de moyens constitue, depuis le début des années 2000, un progrès. Elle offre aux organismes de l'audiovisuel public, en l'espèce à France Télévisions, une visibilité pluriannuelle sur leur stratégie, leur gestion et leur financement. Cette capacité de vision et d'anticipation leur profite aussi bien qu'à l'État, et je n'oublie pas la représentation nationale, dont l'avis est nécessaire avant la conclusion du contrat. Ces contrats, vous le savez, sont le fruit d'une concertation approfondie et je tiens à saluer la qualité du travail mené entre les administrations concernées et, en l'occurrence, France Télévisions.

Le COM en cours de négociation correspond au mandat du nouveau président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin. Il coïncide également avec le passage à la télévision numérique pour tous les Français à la fin de 2011. Il s'adosse enfin au mode de financement retenu à l'issue de vos débats de l'automne dernier sur le projet de loi de finances : la publicité, supprimée en soirée, est conservée en journée pour toute la durée du COM, c'est-à-dire au moins jusqu'en 2016. C'est une solution d'équilibre et de sagesse à laquelle s'est rallié le Gouvernement, dans un contexte budgétaire très contraint, et qui apporte aujourd'hui la visibilité et la stabilité nécessaires pour que France Télévisions puisse élaborer sa stratégie pluriannuelle. Cette solution préserve également l'ambition de qualité et l'éthique de service public qui a animé la réforme de France Télévisions.

Les ultimes arbitrages financiers sur le COM doivent être rendus dans les jours qui viennent. Nous souhaitons que les travaux soient achevés d'ici à la fin du mois de juin, pour pouvoir vous transmettre ce contrat au début du mois de juillet.

Soutenues par l'État, les ambitions de France Télévisions sont claires. France Télévisions doit s'adresser à tous les publics. Il faut offrir à l'ensemble des citoyens de toutes les classes d'âge, de tous les milieux, de toutes les régions, de toutes les origines, une offre télévisuelle de service public riche, variée et diversifiée. Il en va de la légitimité, de la singularité, je dirais même de l'image de la télévision publique, plus que jamais essentielle dans un paysage médiatique proliférant, où l'on est passé en peu d'années d'une logique d'offre de programmes limitée à un foisonnement, gros de défis pour les groupes dits « historiques ». Dans ce contexte, France Télévisions peut s'appuyer sur la palette de ses chaînes pour proposer des programmes qui parlent à tous et ne négligent personne.

France Télévisions doit être forte et bien identifiée dans l'univers de la télévision numérique terrestre, qui se substituera définitivement à l'analogique fin 2011. Cela suppose d'affirmer l'identité de chaque antenne tout en tirant parti de leurs complémentarités. Cela suppose aussi de renforcer l'un des points forts de la télévision publique : sa dimension régionale, tant en métropole qu'en outre-mer, au plus proche des attentes et des besoins de nos concitoyens.

France Télévisions doit également être forte dans l'univers numérique. Le format vidéo y prédomine, qui s'accompagne d'une baisse de la consommation linéaire de la télédiffusion « traditionnelle » au profit d'une consommation à la demande, sur un nombre croissant de supports : téléviseur de salon, ordinateur, tablettes et téléphones mobiles. Dans ce nouveau contexte, les intermédiaires que sont les diffuseurs ont un double devoir.

Premier de ces devoirs : rester des prescripteurs dans l'univers audiovisuel, à même de créer de grands rendez-vous collectifs et de construire un lien solide, puissant entre les Français, qui fassent vivre parmi eux le sentiment de « faire société ensemble ». Je pense ici aux grands rendez-vous sportifs comme le Tour de France, à des programmes emblématiques tels que le Téléthon, mais aussi aux émissions d'information et de débat politique, destinées à éclairer nos concitoyens. Cette mission différencie clairement le service public du reste du paysage audiovisuel. S'impose à lui une exigence de transmission de la culture et du savoir – je pense notamment à l'éducation artistique, à la culture scientifique et technique, à la diffusion du spectacle vivant, au profit du plus grand nombre.

Second devoir : devenir des espaces de création, d'innovation en matière d'usages numériques.

France Télévisions s'appuiera sur ses domaines d'excellence, l'information, le sport, l'ancrage régional, pour s'affirmer dans l'univers numérique. Ses programmes seront mieux partagés, plus accessibles, disponibles sur les réseaux numériques.

Le nouveau COM doit marquer l'exemplarité du groupe public dans plusieurs domaines. Tout d'abord, la création audiovisuelle, avec un double enjeu. D'une part, offrir au public des oeuvres modernes, créatives, renouvelant notamment la fiction française qui doit retrouver vigueur et énergie, rencontrer de nouveaux publics, être plus en phase avec les modes de vie et les formes de loisir de notre société. D'autre part, concevoir un véritable partenariat avec les producteurs et les créateurs, dans un souci de transparence, de confiance et d'innovation. Les excellentes propositions du rapport que m'a récemment remis Pierre Chevalier sur l'avenir de la fiction française et son développement trouveront ici à s'appliquer. Dans le domaine du cinéma, France Télévisions poursuivra sa politique en faveur de la diversité culturelle.

Le deuxième domaine d'exemplarité, auquel je tiens particulièrement, est celui de la diversité. En tant qu'entreprise, la télévision publique doit être exemplaire à travers ses équipes, leur ouverture à la diversité de la société française du 21ème siècle et à ce qu'Édouard Glissant désignait comme la « mondialité », un monde globalisé, façonné par des identités plurielles, « en réseau ». Il ne s'agit pas seulement de quotas ou de couleur de peau, mais d'état d'esprit et de mentalité. Agir dans le domaine de la diversité, c'est s'ouvrir au monde pour changer nos regards sur le monde ; c'est s'ouvrir aux richesses et aux réussites à l'oeuvre dans les quartiers populaires – que l'on qualifie parfois de « sensibles », cet adjectif qui les stigmatise – et offrir un autre regard sur celles et ceux qui y vivent, sur la France telle qu'est est et non telle que nous voudrions qu'elle soit. En tant que média grand public, la télévision publique doit aussi représenter la société française dans toute sa diversité, ses composantes et sa richesse. Que la France soit un « pays-monde » est une chance et un atout pour asseoir notre influence, notre rayonnement, notre singularité aussi.

France Télévisions doit enfin être exemplaire dans le domaine des programmes culturels, notamment musicaux, en rendant justice à la diversité des musiques, en renouvelant les « grammaires audiovisuelles » pour les émissions consacrées à la musique. J'ai ainsi demandé à France Télévisions de travailler à une meilleure éditorialisation des programmes musicaux, pour accorder toute la place qu'elles méritent aux nouvelles productions, notamment sur les antennes « historiques » du groupe, France 2 et France 3.

Même si le service public excelle souvent en la matière, comme en a encore attesté la couverture du tournoi de Roland-Garros il y a quelques jours, France Télévisions doit aussi être exemplaire pour la diversité des sports proposés à l'antenne et la transmission de certaines valeurs attachées au sport, celles du « vivre ensemble », de la citoyenneté et de l'intégration sociale.

Enfin, France Télévisions conduit actuellement un chantier important, celui de l'achèvement du projet d'entreprise commune. La loi du 5 mars 2009 a fusionné les sociétés nationales de programme France 2, France 3, France 4, France 5 et Réseau France Outre-mer (RFO), absorbées par leur maison-mère. Les chaînes ont été réunies sur le plan juridique pour former depuis 2009, la société nationale de programme France Télévisions.

L'objectif de cette fusion est de conjuguer les forces de chacune de ces chaînes pour répondre aux défis audiovisuels du 21e siècle Mettre en commun des fonctions partagées, mutualiser les moyens, garantir l'accès à certains services pour l'ensemble des acteurs du groupe : tel est l'esprit dans lequel a été engagée cette fusion.

Pour y parvenir, il faut une nouvelle organisation. Une première étape importante a eu lieu début 2010, sous la conduite de l'équipe dirigeante précédente. Le nouveau président a procédé à des ajustements fin 2010 et début 2011, comme il était légitime. Sur le plan éditorial, il entend replacer la responsabilité au niveau des antennes, tandis que les fonctions support – finances, communication, ressources humaines… – ainsi que les fonctions technologiques et de fabrication resteront mutualisées.

La naissance de cette entreprise commune n'est pas encore terminée. Les salariés appartenaient auparavant à des régimes différents, j'oserais même dire à des cultures différentes. L'objectif consiste aujourd'hui, dans le cadre des négociations en cours avec les partenaires sociaux et les institutions représentatives, à construire une culture du travail commune, une culture d'entreprise partagée, forte des valeurs du service public, à même de construire une identité bien marquée pour France Télévisions.

Je ne doute pas que sur la durée du COM, France Télévisions mènera ce chantier à son terme. C'est une priorité qui lui permettra d'améliorer sa gestion mais aussi d'accroître le volume et la qualité de son activité.

Mesdames et messieurs les députés, je ne vous apprendrai rien en rappelant l'extrême contrainte du cadre budgétaire, notamment en 2012. Le plan d'affaires de France Télévisions est en cours de finalisation. L'enjeu est considérable : il s'agit de permettre au service public audiovisuel de continuer à s'adresser à tous les publics et de jouer son rôle singulier dans le nouvel environnement numérique. Soyez assurés que je me bats pour que les missions de France Télévisions bénéficient d'un financement cohérent, à la hauteur de l'enjeu et de nos ambitions pour l'audiovisuel public français en Europe.

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