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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 15 juin 2011 à 21h30
Alternance et sécurisation des parcours professionnels — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Sur environ 7 milliards que coûtait l'apprentissage en 2008, seulement 1,2 milliard provenait de la taxe d'apprentissage.

Deuxième piste : conforter les régions dans leur compétence. L'État veut porter, à l'horizon 2015, le nombre d'apprentis de 430 000 à 600 000. Excellent ! Mais, si l'on se fonde sur le coût moyen d'un apprenti en CFA en 2008, qui est de 5 591 euros, le surcoût s'établirait à 1 milliard d'euros. Or, le Gouvernement prévoit de financer cette dépense grâce à quelques mesurettes relatives au fonctionnement de la taxe d'apprentissage, qui rapporteront 70 millions d'euros, et à des contrats d'objectifs et de moyens, dont les montants restent très aléatoires.

Au final, c'est sur les régions qu'il veut faire porter le développement de l'apprentissage, tout en réduisant, par ailleurs, leurs marges de manoeuvre financières. Or les régions ont été amenées à augmenter de façon importante leur intervention en faveur de l'apprentissage. Elles sont ainsi devenues, depuis plusieurs années déjà, comme le montrent les enquêtes annuelles du Conseil national de la formation tout au long de la vie, les principales fînanceurs des CFA. Depuis le premier contrat d'objectifs et de moyens, si l'augmentation de la participation de l'État a été de 31 %, celle des régions est globalement de 46 % et atteint près de 2 milliards d'euros, sans compter les primes, qui évoluent mécaniquement. Autrement dit, quand l'État ajoute 1 euro, les régions mettent 1,21 euro.

Il est assez stupéfiant que ces dernières, premiers financeurs de l'apprentissage, à l'essor duquel elles ont, depuis la décentralisation, largement contribué, ne soient quasiment jamais mentionnées dans cette proposition de loi. Ainsi, il apparaît nettement que l'État veut se donner le beau rôle à peu de frais, tout en organisant le transfert de la formation initiale professionnelle vers les régions. Je ne doute pas que notre collègue Alain Rousset reviendra sur la nécessité de renforcer la compétence des régions en matière d'apprentissage et de leur en donner les moyens financiers pérennes.

Troisième piste : mettre en oeuvre une organisation qualifiante du travail. L'apprentissage, l'alternance, ce n'est pas seulement une mesure, un contrat spécifique, c'est d'abord et avant tout une pédagogie et une culture d'entreprise. Une culture de la transmission et une pédagogie qui consiste à faire faire pour comprendre plutôt qu'à chercher à comprendre avant de faire. Cela requiert une forme spécifique d'organisation du travail et la mise en place du tutorat. Cette situation, traditionnelle dans l'artisanat, reste à construire dans les grandes entreprises. L'adoption d'un quota de 4 % va contraindre ces dernières à modifier leur organisation du travail, à repérer, à former des tuteurs et à leur donner du temps pour exercer cette mission pédagogique. Sans doute faut-il d'ailleurs réfléchir, comme le suggérait le président Méhaignerie, à la mise en place d'un financement adapté.

La question se pose également de savoir si une obligation de formation des tuteurs, comme le souhaite notamment l'UPA, ne serait pas nécessaire. Elle compenserait la réduction de cinq à trois ans de la condition d'expérience professionnelle décidée par décret. Là aussi, il ne faut pas, pour faire du chiffre, renoncer à la qualité.

Quatrième piste : lutter contre les ruptures de contrat et les abandons. Si le taux d'insertion professionnelle est très bon dans l'apprentissage – de 70 à 85 % –, c'est parce qu'il est calculé par rapport aux fins de parcours et ne tient pas compte des ruptures, qui avoisinent 20 %, voire 40 % dans la restauration. L'expérience que j'ai menée dans le CFA dont je suis président prouve que, si l'on se dote d'un dispositif d'accompagnement renforcé avec les entreprises qui permet d'intervenir dès que surgit un problème, ce taux peut rapidement être réduit de moitié.

Le problème, c'est qu'une telle mesure n'impacte pas les deux critères retenus par le Président de la République : le nombre d'entrées et le taux d'insertion à la sortie. Pourtant, elle permettrait d'éviter un échec supplémentaire à de nombreux jeunes pour un coût relativement modeste, ainsi que l'attestent les expérimentations menées par les missions locales, « les expérimentations Hirsch », qu'il faudrait généraliser.

Cinquième piste : améliorer les conditions matérielles des apprentis.

Les ruptures sont souvent dues à une orientation subie, par l'échec, mais aussi à des problèmes relationnels, à des difficultés de vie, d'organisation, de financement, qu'il s'agisse de l'hébergement ou du transport. L'insertion et la stabilisation d'un jeune dans l'emploi est déjà difficile. Quand cela s'accompagne de la nécessité d'un double, voire d'un triple, hébergement, cela devient très, très difficile pour un jeune de moins de 18 ans, en rupture familiale, en préparation de BEP avec une rémunération de 25 % du SMIC. Et je ne vous parle pas de l'apprentissage saisonnier, qui multiplierait ces problèmes !

C'est pourquoi nous sommes très favorables à ce que les apprentis soient reconnus comme des « étudiants des métiers » mais en bénéficiant d'une véritable carte d'étudiant.

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