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Intervention de Olivier Japiot

Réunion du 8 juin 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Olivier Japiot, directeur général du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Cette table ronde permet de poursuivre la réflexion collective qui s'est engagée lors du colloque organisé par le CSA le 28 avril dernier sur un sujet qui n'est pas seulement de demain, mais qui est déjà d'aujourd'hui. Les questions posées appelleront de fait des réponses du CSA comme du législateur.

Je ne saurais intervenir dans le débat sur la création ou non de nouvelles chaînes, gratuites ou payantes, thématiques ou généralistes… En effet, le Premier ministre vient de confier une mission sur ce sujet à M. Michel Boyon, président du CSA, qui vient juste de commencer ses auditions. Par ailleurs, comme cela a été demandé ici même, le CSA espère pouvoir lancer dans les prochains mois un appel à candidatures et, compte tenu des principes d'impartialité et d'égalité de traitement des candidats, que nous devons respecter, je ferais prendre un risque au CSA en exprimant éventuellement des préférences pour telle ou telle catégorie de chaîne.

S'agissant de la position des télévisions privées face à internet, je retiens des représentants des chaînes deux messages. Le premier est celui de l'espoir vis-à-vis de toutes les opportunités qui ont été évoquées en matière de nouveaux services, de vidéo à la demande, de télévision de rattrapage, de données associées. Sur ce point, le CSA se félicite d'avoir encouragé les chaînes à développer des premiers services. On l'a vu notamment à l'occasion du tournoi de Roland-Garros avec la mise en oeuvre de la norme Hbbtv qui a l'avantage de placer la connexion du téléviseur à internet sous le contrôle des chaînes, donc sous un régime de protection du téléspectateur.

J'ai également noté l'accord sur la nécessité de marques et de contenus forts et différenciants face à la concurrence mondiale. Plusieurs députés ont interrogé les chaînes sur la question de leur stratégie, leurs alliances éventuelles dans le nouvel environnement qui se dessine. Pour ce qui le concerne, le CSA passe son temps à appeler les acteurs à essayer de se concerter, ce qui n'est pas toujours facile comme vous avez pu le sentir à travers le débat sur les chaînes hertziennes et vous avez pu mesurer la difficulté de notre tâche au quotidien. Nous avons salué une initiative, la charte de la télévision connectée pour préserver l'intégrité du signal des chaînes.

Le second message est celui des menaces et des craintes, qui se traduit par un appel relativement unanime à une forme de protection, notamment par les pouvoirs publics, contre la concurrence déloyale qui peut s'instaurer du fait de l'internet. De fait, le CSA et le législateur sont confrontés à un double défi. D'abord celui des règles différentes qui s'appliquent à des contenus différents mais tous disponibles sur la télécommande : le contenu très régulé de la télévision classique, le contenu semi-régulé de la vidéo à la demande et de la télévision de rattrapage, et enfin le contenu peu ou pas régulé du tout, celui des contenus internet accessibles avec le bouton de la télécommande, qui fait la nouveauté de la télévision connectée.

Différentes également sont les règles en termes d'obligations de soutien à notre production cinématographique et audiovisuelle. Ce sujet est absolument crucial, mais étant assez largement franco-français, nous avons du mal à y intéresser nos partenaires européens. Le rôle du législateur français et de nos négociateurs au niveau de l'Union européenne est particulièrement important en la matière.

Enfin, la question des règles est déterminante en matière de protection de l'enfance car à n'importe quelle heure, on pourra accéder avec sa télécommande à des contenus sur internet très violents, érotiques ou pornographiques, sans régulation. Plus généralement, la protection du consommateur et du téléspectateur appelle un minimum de règles déontologiques.

Le second défi, encore plus difficile à résoudre pour le CSA et pour le législateur français, tient à la différence des règles selon les pays. Or, les contenus sur internet proviennent souvent de pays dont la tradition de régulation est plus faible qu'en France. Que faire ? La réflexion est ancienne. Le Conseil d'État s'y était penché dès 1998 dans un rapport sur internet et les réseaux numériques pour tente de répondre à la question : « Quel droit de l'internet ? ». Grâce au législateur, le CSA a étendu sa compétence sur les web télés et les web radios, puis, en 2009, sur les services de vidéo à la demande et de télévision de rattrapage. Encore plus récemment à l'occasion du colloque du 28 avril, nous avons fixé un certain nombre de règles sur les services associés interactifs disponibles sur les téléviseurs.

Les pistes de réflexion que l'on peut envisager sont au nombre de quatre. La première porte sur la notion de « co-régulation ». C'est un concept très important, qui n'a pas encore été vraiment consacré dans le droit français et auquel nous croyons beaucoup. Il ne s'agit pas de mettre en place une régulation purement administrative et très étendue comme c'est le cas pour la télévision – je sais qu'un certain nombre d'acteurs de l'internet ne souhaitent pas l'intervention du CSA – mais de s'appuyer sur une responsabilisation et une forme d'autorégulation des acteurs en fixant un cadre général et en prévoyant une autorité administrative, par exemple le CSA compte tenu de son expérience. La deuxième piste consisterait à fixer des règles minimales qui pourraient être consensuelles : protection de l'enfance, lutte contre le racisme et l'antisémitisme, protection du consommateur…, ainsi que l'a évoqué le Président de la République à l'occasion du récent eG8. La troisième piste part du constat qu'il existe un vide juridique dans notre législation, y compris à l'échelon européen : un hébergeur – comme sont ainsi qualifiés Dailymotion ou YouTube – n'est soumis à aucun régime de responsabilité alors qu'il joue un rôle d'agrégateur, de distributeur de contenus qui va, à l'évidence, au-delà de la simple dimension technique. Il conviendrait donc d'avoir une réflexion sur un encadrement minimum, une responsabilisation de ces acteurs. Enfin, la quatrième piste de réflexion appelle à une coordination européenne ou internationale renforcée.

Sur tous ces sujets, le CSA va mettre en place des groupes de travail avec les acteurs concernés pour apporter des éléments aux pouvoirs publics et poursuivre le dialogue avec le Parlement.

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