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Intervention de Alain Weill

Réunion du 8 juin 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Alain Weill, président-directeur général de Nextradio TV :

Le développement d'une concurrence télévisuelle venue d'internet est déjà une réalité et, personnellement, je n'en ai pas peur car je crois à la puissance de la diffusion hertzienne. Dans le domaine de l'information, je crois au savoir-faire et à l'expérience, à la force d'une chaîne comme BFM TV qui emploie 250 personnes et que regardent près de dix millions de personnes par jour et trente-cinq millions par mois. Cela, seule la télévision hertzienne le permet car aucun site internet d'information n'atteint ces audiences. La diffusion hertzienne reste donc aujourd'hui un support extrêmement performant.

Pour que nous puissions continuer à rivaliser avec les nouveaux acteurs sur internet, il faut donner la possibilité à des groupes indépendants comme le nôtre de se battre avec les mêmes armes. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.

Afin de renforcer les télévisions hertziennes face à la télévision connectée, il faut que le secteur de l'hertzien fasse preuve d'initiative et de dynamisme. Il est ensuite nécessaire de rééquilibrer la réglementation pour éviter les divergences entre les deux modes de diffusion. Au demeurant, la télévision connectée peut être une opportunité pour valoriser les programmes hertziens.

La priorité est donc de dynamiser l'offre hertzienne en enrichissant l'offre de TNT gratuite. Il ne s'agit pas de créer des dizaines de chaînes, ni de lancer des chaînes qui viendraient concurrencer directement et durablement les grands acteurs historiques qui ont un rôle important dans le paysage audiovisuel. Sans remettre en cause l'équilibre de ces grands acteurs, il est important d'envisager de nouvelles chaînes thématiques correspondant à des offres qui ne sont pas présentes sur le marché actuel de la télévision : le sport – nous avons beaucoup d'idées dans ce domaine –, le documentaire, les programmes du patrimoine... C'est en élargissant l'offre qu'il est possible de retarder le succès de la télévision connectée, faute de quoi cette dernière attirera rapidement tous les téléspectateurs qui y ont accès. Or, ce secteur étant totalement dérégulé, je ne suis pas certain qu'il soit dans l'intérêt du public, ni dans l'intérêt général, de privilégier l'essor de la télévision connectée – même s'il ne faut pas l'empêcher – au détriment de la télévision hertzienne.

Une entreprise est condamnée à la croissance. Les acteurs historiques ont pu tout à fait légitimement se développer et compter jusqu'à sept chaînes nationales. Pour ce qui nous concerne, avec une seule chaîne, nous sommes un acteur marginal et qui aura du mal à survivre dans ce contexte. Vouloir limiter les créations de nouvelles chaînes se conçoit sans doute mieux lorsqu'on en dispose déjà de plusieurs… Nous sommes quelques-uns à avoir besoin de croître, sans qu'il faille bien sûr aller jusqu'à une multiplication de chaînes. Si nous pouvons bénéficier demain d'une chaîne sportive avec un point de part d'audience, cela ne déséquilibrera tout de même pas le paysage de la télévision. En revanche, lancer des chaînes généralistes sur le même terrain que les chaînes historiques serait peut-être plus contestable. En tout état de cause, les lancements de chaînes doivent se faire dans un environnement équilibré et régulé.

Nous sommes tous d'accord qu'il est nécessaire, à l'occasion de l'émergence de la télévision connectée, de revoir les règles. Davantage que sur les questions de production qui nous concernent moins puisque nous ne faisons que de l'information, j'insisterai à cet égard sur la réglementation des secteurs interdits de publicité à la télévision. Ces interdictions ont perdu le sens qu'elles ont pu avoir il y a vingt ou trente ans. Aujourd'hui, ce n'est pas bon pour le secteur du cinéma, si important en France, d'être interdit de publicité. Il fallait certes jadis protéger les producteurs nationaux contre les multinationales américaines qui seules pouvaient acheter des espaces publicitaires ; mais, à l'heure actuelle, la situation du marché publicitaire n'est plus la même. De la même façon, le secteur de l'édition littéraire n'a pas accès à la publicité télévisée, mais peut être présent sur la télévision connectée : cela n'a pas de sens. La conséquence en est que les diffuseurs classiques ne bénéficient pas des ressources correspondantes alors qu'un acteur comme Google, lorsqu'il se lancera, attirera bien évidemment la publicité pour le cinéma.

Pour toutes ces raisons, il nous paraît nécessaire d'anticiper l'arrivée de la télévision connectée en la considérant comme une opportunité, surtout si nous pouvons nous développer sur la diffusion hertzienne. Au-delà de la charte signée par l'ensemble des chaînes, nous devons également avoir la garantie que nous pourrons garder le contrôle de notre image. Il n'est pas envisageable que, demain, des acteurs qui distribueront la télévision connectée puissent porter atteinte à l'intégrité de notre image, par exemple en ajoutant des logos de parrainages ou des informations qui leur sont propres aux images dont nous avons la propriété. Nous sommes très attachés à obtenir cette garantie.

S'agissant des aspects concrets de la télévision connectée, si je prends l'exemple de BFM TV, cela signifie que sur l'écran du téléviseur, chacun aura la possibilité de regarder la chaîne en direct, mais aussi des reportages en différé, une synthèse des reportages sur une même thématique ; chacun pourra également choisir le contenu du bandeau d'information défilant en bas de l'écran, ou sélectionner des informations boursières spécifiques. Un ensemble de vignettes entoureront l'écran principal avec les fonctionnalités accessibles.

Internet est donc une chance pour enrichir nos programmes et le nouveau paysage marque l'urgence de renforcer notre offre de télévision hertzienne. Ce secteur de la télévision hertzienne, qui est un secteur moderne, doit être dynamisé : il faut pour cela que le CSA lance l'appel à candidatures envisagé depuis un an. Pour nous, en tant qu'entreprise, c'est une perspective fondamentale ; c'est important également pour le pluralisme de l'information, ainsi que pour le CSA lui-même et la notion de régulation. Il faut éviter que le secteur de la télévision hertzienne devienne un secteur en difficulté marqué par la régression, à l'image de la presse quotidienne nationale. Il est nécessaire au contraire de lui donner une dynamique en levant les carcans et en assouplissant les règles.

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