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Intervention de Thomas Valentin

Réunion du 8 juin 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Thomas Valentin, vice-président du directoire de M6 :

La question principale à se poser est de savoir qui finance les programmes de télévision en français : ce sont les diffuseurs, comme dans tous les pays du monde, qui financent la production audiovisuelle et, s'agissant spécifiquement de la France, une grande partie de la production cinématographique. Auparavant, deux acteurs intervenaient : les producteurs et les diffuseurs ; aujourd'hui apparaît une nouvelle catégorie d'acteurs mondiaux qui veulent distribuer et faire circuler des oeuvres qu'ils ne financent pas ou peu. Cette question est primordiale car le marché audiovisuel traditionnel était un marché fermé, à dimension nationale, alors qu'internet et l'arrivée des téléviseurs ouverts sur un monde infini permettent de disposer de programmes provenant du monde entier et qui circulent de manière non réglementée.

L'impact de ces évolutions conduit également à souligner que le piratage des oeuvres, maintenant qu'il atteint les grands écrans du salon, moins compliqués à utiliser que les ordinateurs puisqu'il suffit d'une télécommande, va devenir encore plus préoccupant qu'aujourd'hui.

La télévision connectée existe déjà aujourd'hui et concerne 20 % des Français, ceux qui bénéficient de la télévision par l'ADSL. Mais il s'agit d'un environnement encadré, et non d'un environnement totalement ouvert. Dans cet environnement, il existe une valeur ajoutée. En effet, les opérateurs exerçant sur le territoire français financent des services et des programmes, alors que dans l'univers de l'internet, ce sont les dimensions du gratuit et du volume qui l'emportent – sans que la qualité soit nécessairement au rendez-vous – mais pas la valeur. Ainsi, une publicité proposée dans un environnement encadré tel que M6.fr ou M6Replay a une valeur trente fois supérieure à la même publicité sur un site non encadré. Il y a donc une plus value apportée par l'opérateur, laquelle contribue au financement de l'industrie des programmes.

La nouveauté de la télévision connectée, c'est l'« hyperchoix », auquel il faut répondre, mais pas en créant un « hyperchoix » de chaînes, au contraire : il faut faire en sorte que les chaînes de télévision soient fortes, en nombre limité, avec des programmes identifiés et bien financés. Leur nombre doit être limité pour une raison simple : ce n'est pas parce qu'il y a davantage de chaînes qu'il y a davantage de financement. Aujourd'hui, en effet, on ne constate pas d'élasticité à l'offre de l'investissement publicitaire qui est lié à des considérations économiques tout à fait extérieures au secteur de la télévision.

L'ouverture permise par la télévision connectée et la consommation délinéarisée de télévision est une opportunité à plusieurs titres. C'est bien évidemment la modernité et la réponse à la demande du téléspectateur, qui passe plus de trois heures et demie par jour à regarder des programmes de télévision et désire les voir sur tous les écrans ou en décalé. Par ailleurs, un financement complémentaire pour l'industrie de la création devient envisageable. Enfin, de nouveaux services correspondant aux besoins des téléspectateurs peuvent être offerts.

En ce qui concerne le groupe M6, il y a toujours eu une volonté d'innover avec notamment le satellite lors de la création de TPS, la télévision haute définition, le rôle pionnier de l'investissement dans la télévision de rattrapage avec M6Replay. La nouvelle technologie et l'ouverture sur le monde de la télévision connectée nécessitent aujourd'hui une adaptation des règles à cet environnement ouvert dont les acteurs ne sont pas soumis au même encadrement que les télévisions françaises. Je prendrai l'exemple de la consultation lancée récemment sur la possibilité de diffuser des films le samedi soir à la télévision. Plusieurs questions peuvent se poser : quels films, quels horaires, quels volumes, et pourquoi pas d'autres jours comme le vendredi soir, ou le dimanche dans la journée, puisque depuis quarante ans, les chaînes gratuites ne peuvent pas diffuser du cinéma dans ces créneaux. Le patron de MegaUpload, site pirate, et pour autant payant, de vidéo à la demande, doit en rire, lui qui peut proposer des films sans demander l'autorisation à quiconque !

En réalité, si nous voulons continuer à protéger et à financer l'industrie des programmes en France, il faut pouvoir s'adapter pour relever le défi de la télévision connectée. Cela passe également par la protection des droits en faveur des diffuseurs qui offrent un véritable service. Il faut éviter que la circulation des oeuvres permette à ceux qui ne les financent pas de s'accaparer les droits de ceux qui en ont assuré le financement. Enfin, il conviendrait de revenir sur le dogme de la séparation entre les activités de production et de diffusion, ce qui conduit à un émiettement du secteur. En effet, on constate dans le même temps que la plupart des sociétés de production françaises appartiennent à des diffuseurs étrangers et qu'Hollywood résiste aux assauts de Google car les producteurs et les diffuseurs ont des intérêts communs.

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