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Intervention de Arnaud Bosom

Réunion du 8 juin 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Arnaud Bosom, directeur général adjoint de TF1 chargé de la stratégie, de l'organisation et du marketing groupe :

Le sujet pour lequel vous nous avez invités concerne et préoccupe en effet l'ensemble des chaînes, et TF1 notamment. L'émergence des nouveaux écrans et la mutation des usages numériques des Français sont une réalité et le groupe TF1 fait partie de ceux qui s'en réjouissent. La télévision demeure le premier média préféré des Français, avec une durée d'écoute record pour 2010. Parallèlement, le temps passé sur internet augmente sensiblement : on atteint aujourd'hui trente-cinq minutes par jour et par Français, au regard d'une consommation de télévision d'une durée de trois heures trente. Dans ce contexte dynamique de consommation des médias, le groupe TF1 a conduit de nombreuses initiatives afin de proposer une véritable offre plurimédias de ses programmes, sur tous les écrans du foyer – télévision, ordinateur – mais aussi désormais en mobilité, sur les téléphones et les tablettes.

L'arrivée de ces nouveaux écrans, de plus en plus connectés, permet aux grands acteurs de l'internet d'étendre leurs offres jusqu'au téléviseur, sans être assujettis au même cadre règlementaire que les groupes audiovisuels hexagonaux, qui sont régulés. Quelles en sont les conséquences ? Premièrement, une distorsion de concurrence au regard des obligations de production. Le groupe TF1 soutient la création audiovisuelle et cinématographique au travers des différentes obligations qui lui incombent. Je rappellerai qu'en 2010, TF1 a contribué pour 229 millions d'euros à la création, dont 188 millions pour la fiction française et 41 millions pour le cinéma. Les acteurs de l'internet, souvent transnationaux, ne sont pas soumis à ces obligations ; ils utilisent les contenus pour capter de l'audience et les revenus publicitaires associés. Le chiffre d'affaires généré par la seule recherche sur les moteurs de recherche internet atteint en France un montant de près d'un milliard d'euros pour 2010. En contrepartie, la contribution à la création est de zéro…

Je soulignerai en deuxième lieu une distorsion d'ordre fiscal. Les géants de l'internet ont optimisé leur fiscalité en bénéficiant astucieusement de leur dimension transnationale, ainsi que le montrent deux exemples bien connus : Apple facture sa musique en ligne via sa filiale luxembourgeoise et bénéficie ainsi d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 6 % alors que la moyenne européenne est de 19,7 % ; Google, qui occupe une position quasi-monopolistique dans le domaine des liens sponsorisés sur internet, n'a déclaré qu'un chiffre d'affaires en France de 52 millions d'euros en 2009 grâce à la consolidation dans sa filiale aux Bermudes de près de 90 % de son activité hors Etats-Unis, via un montage en Irlande et aux Pays-Bas, ce qui lui permet de réduire son taux d'imposition sur les bénéfices.

Il convient par ailleurs d'évoquer le sujet des décrets relatifs aux services de médias audiovisuels à la demande (Smad) publiés en avril 2010. Ces décrets doivent naturellement s'appliquer à tous. C'est le cas pour les éditeurs. Mais les hébergeurs et les acteurs internet basés à l'étranger seraient, selon nous, susceptibles d'y échapper. Au-delà des chaînes de télévision, c'est l'ensemble des acteurs des médias et des activités culturelles qui sont concernés : la presse, le livre, la musique, le cinéma, la vidéo. Je soulignerai une initiative, celle du Syndicat de la presse quotidienne nationale consistant à créer un kiosque numérique commun dénommé E-Presse Premium et lancé en fin d'année 2010 en réaction au pillage des contenus sur la Toile.

Il convient donc de favoriser et de soutenir les initiatives des acteurs des médias. Récemment, la totalité des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) s'est mobilisé pour la publication de la charte des éditeurs concernant la télévision connectée. Cela constitue une première étape. Il s'agit de poursuivre et d'amplifier notre coopération dans cette direction ; nous devons y associer les chaînes du câble et du satellite qui représentent une richesse et un élargissement de l'offre sur d'autres vecteurs de diffusion.

Par ailleurs, le standard, au nom quelque peu barbare de Hbbtv, qui combine la diffusion sur la TNT et les contenus provenant d'internet et a déjà été déployé en 2010 en Allemagne sur certains décodeurs satellite, nécessite d'être amplement promu et intégré par les constructeurs de téléviseurs dans leurs nouveaux modèles – cela est déjà annoncé par certains pour septembre prochain.

L'alliance entre ayants droits et éditeur afin de constituer et d'offrir une véritable alternative aux plates-formes vidéo pirates est incontournable. Malgré les obstacles constatés par nos confrères en Grande-Bretagne – BBC, ITV, Channel 4 – ou en Allemagne – ProsiebenSat1, RTL – c'est une voie que nous devons absolument poursuivre.

Les développements du numérique constituent naturellement de nouvelles opportunités pour les groupes audiovisuels. Il ne s'agit pas de résister mais de se situer dans une posture dynamique et innovante. C'est d'ailleurs ce que notre public, nos téléspectateurs, nos internautes, nos mobinautes réclament. Dans ce nouvel espace concurrentiel où chacun peut s'exprimer, les chaînes doivent totalement maîtriser leurs programmes et leurs flux, en particulier sur les téléviseurs connectés. Le déploiement de standards technologiques européens doit être favorisé. Enfin, les contenus diffusés et les contenus connectés doivent être soumis aux mêmes contraintes de régulation et de taxation afin de garantir une compétition équilibrée, une protection des consommateurs et le financement de l'écosystème de la création.

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