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Intervention de Anne Lauvergeon

Réunion du 14 juin 2011 à 18h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Anne Lauvergeon, présidente du directoire d'Areva :

Nous en aurons, même si elles ne sont pas gigantesques. De plus, comme nous avons provisionné de très nombreux aléas, si les projets continuent sur la même voie, elles seront plus importantes. Toutefois, nous faisons très attention.

Je tiens à rappeler que l'étude que je vous ai distribuée a été réalisée non pas par Areva mais par le cabinet PricewaterhouseCoopers Advisory. Elle ne concerne donc pas tous les acteurs de la filière. Quant aux projections, elles reposent sur une étude de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Il s'agissait, de l'aveu même de l'Agence, d'un travail préliminaire, mais notre propre scénario se situe dans les mêmes fourchettes. Du reste, je constate que les scénarios internes d'Areva sont toujours médians entre excès de pessimisme et excès d'optimisme.

Le cabinet PricewaterhouseCoopers Advisory n'a pas étudié l'impact, sur la balance commerciale, de nos propres activités, non plus que de la vente de courant électrique, qui, je le rappelle, va s'amenuisant, puisque les capacités françaises sont constantes mais que notre consommation augmente. Notre exportation d'électricité ne saurait donc que baisser. Il conviendra toutefois de calculer cet impact.

S'agissant de l'entrée d'EDF dans le capital d'Areva, éviter le mélange des genres est une décision claire du Conseil de politique nucléaire. Autant, du reste, nous sommes favorables à un partenariat stratégique, autant il convient de prendre en considération le fait que nos métiers sont très différents. De plus, 75 % de notre chiffre d'affaires étant réalisés avec d'autres électriciens qu'EDF, ces derniers, qui sont ses concurrents, ne souhaitent pas la voir acquérir un droit de regard sur leurs activités avec nous. La présence d'EDF au conseil de surveillance entraînerait donc une perte de valeur à la fois pour Areva et pour EDF si elle investissait.

Areva investit dans le stockage de l'électricité : elle fabrique des piles à combustibles, ou stacks, appelées Hélion, qui ressemblent à de grosses armoires capables d'emmagasiner de l'électricité et de la restituer. Elles sont opérationnelles puisque nous en avons déjà vendu. Toutefois, ces piles reviennent à doubler, voire à tripler le prix de l'électricité : nous n'en sommes donc pas encore à un système compétitif dans le cadre d'une économie ouverte mais nous réalisons de réels progrès, même s'ils demeurent modestes. L'entreprise qui saura mettre au point un système rentable de stockage de l'électricité s'ouvrira un boulevard. C'est un rêve auquel je crois. Sa réalisation changerait toutes les équations !

L'hydrogène a, quant à lui, suscité un immense espoir comme vecteur d'une énergie « sans CO2 », mais cet espoir supposerait d'en produire de grandes quantités précisément sans émettre de CO2. D'aucuns ont alors proposé de recourir à l'éolien pour produire de l'hydrogène : ce n'est pas réaliste, puisqu'une éolienne ne fonctionne que 25 % du temps alors qu'une installation industrielle, pour être rentable, doit fonctionner en permanence. On ne peut donc s'orienter que vers un mixte de nucléaire et d'hydrogène, tout en sachant que, comme l'a montré Fukushima, l'hydrogène est un fluide dangereux à manipuler car il explose au contact de l'air. Il faut continuer de travailler sur le sujet. Des réseaux existent déjà, mais il ne faut pas se raconter d'histoire : c'est à partir du nucléaire que l'hydrogène sera produit. À moins d'être hypocrite, on ne peut donc avancer que l'hydrogène soit la solution allemande à la sortie du nucléaire.

Je n'ai rien contre le solaire photovoltaïque, mais fabriquer des panneaux en quantité considérable n'est pas notre métier. La production de masse est plus du ressort de l'industrie chinoise que d'Areva, dont les produits sont plus sophistiqués sur le plan technologique. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes orientés vers le solaire à concentration thermodynamique, qui correspond d'autant mieux à notre savoir-faire qu'une grande partie de la technologique est commune avec le nucléaire. Nous avons par ailleurs déposé un brevet très innovant qui permettra l'utilisation de panneaux photovoltaïques dans les centrales solaires à concentration, ce qui maximisera leur efficacité.

S'agissant des relations entre le Canada et l'Union européenne, j'ignorais que nous étions d'aussi chauds partisans du libre-échange entre les deux continents ! Il faut savoir que nous subissons une véritable distorsion de concurrence dans l'exploitation de nos mines d'uranium au Canada puisque nous n'avons pas le droit d'en posséder plus de 51 %. C'est ainsi que nous n'avons que 37,5 % de la plus grosse mine du Canada, Cigar Lake, qui ouvrira dans trois ou quatre ans – elle a dix ans de retard –, alors que c'est nous qui l'avons trouvée. Avouez que c'est rageant !

Nous avons également signé avec le Nouveau Brunswick – c'est un retour vers les Acadiens – un projet de parc d'énergies propres comprenant, notamment, un ATMEA et de l'éolien offshore. Pour la première fois, le Nouveau-Brunswick a choisi une technologie non canadienne, mettant ainsi fin à l'exclusivité d'EACL (Énergie atomique du Canada limitée), qui construit des réacteurs CANDU.

Monsieur Cacheux, le Président Obama a clairement confirmé, après Fukushima, que l'énergie nucléaire ferait partie du mixte énergétique du futur américain. C'est d'autant plus étonnant de la part d'un démocrate – on sait que les républicains, en revanche, ont toujours été favorables au nucléaire.

Aujourd'hui, le développement du nouveau nucléaire est freiné, aux États-Unis, par le gaz de schiste, dont la production s'effectue dans des conditions dont ni nos concitoyens ni vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, n'avez voulu, mais qui permettent de l'extraire à un prix avantageux. Autant le nucléaire installé est, aux États-Unis, la source d'électricité la moins chère –2 cents par kilowattheure –, autant le nouveau nucléaire est plus cher que le gaz de schiste. Toutefois, le prix de celui-ci a augmenté de 2 dollars, l'extraction passant progressivement – comme toujours en matière minière – des gisements les plus accessibles à des gisements plus difficiles d'accès, ce qui augmente d'autant les coûts. De plus, les obligations environnementales iront croissantes. Les prix du gaz de schiste et du nouveau nucléaire se rejoindront entre 6,5 et 8 dollars.

Il faut noter que cette question, aux États-Unis, est traitée de manière pragmatique : elle ne suscite aucune émotion. Elle n'est pas d'ordre politique, mais économique.

Quant aux moyens financiers, il avait été décidé, en 2004, par Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances, d'introduire en bourse de 30 % à 40 % d'Areva dans le cadre d'une augmentation de capital. Mais Dominique de Villepin, Premier ministre, a refusé. Après 2007, il a été question d'une fusion avec Alstom, puis de l'entrée d'EDF au capital, avant l'augmentation de capital, en 2010. Nous avons toutefois bien fait de ne pas attendre celle-ci pour poursuivre notre programme d'investissements car il s'agissait, pour nous, de continuer à faire face à la concurrence. D'ailleurs, notre ratio d'endettement, notamment grâce à la contribution exceptionnelle de Siemens, ne cesse de s'améliorer.

Nous publierons bientôt nos indicateurs d'activités 2011-2012 : ils ne réservent aucune mauvaise surprise, bien au contraire.

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