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Intervention de Jean-Claude Micaelli

Réunion du 24 mai 2011 à 16h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Claude Micaelli, directeur de la prévention des accidents majeurs de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, IRSN :

La recherche fait partie des missions de l'IRSN ; elle contribue à ses activités d'expertise, ainsi qu'au développement des outils – notamment de simulation numérique – et des compétences. La R&D mobilise, à l'Institut, l'équivalent de 280 personnes à plein-temps, pour un budget annuel de l'ordre de 90 millions d'euros. Mon exposé se limitera aux réacteurs sous pression, secteur auquel nous consacrons l'essentiel de ce budget.

La recherche en matière de sûreté se décline en projets et actions, et s'inscrit dans un plan à moyen et long terme qui intègre l'ensemble des activités de l'Institut. Elle fait l'objet d'évaluations internes et externes, via le Comité de l'orientation de la recherche et le conseil scientifique de l'IRSN ou l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Les recherches nécessaires à nos travaux d'expertise couvrant un spectre relativement large, on conçoit que l'Institut ne puisse les assurer seul : elles s'inscrivent dans une logique de concertation et de complémentarité au niveau international. Reste que l'IRSN effectue lui-même une grande partie de ces travaux, notamment dans le domaine des accidents graves.

Le premier enjeu concerne la prévention des accidents. En ce domaine, les recherches de l'IRSN sont essentiellement consacrées au vieillissement des composants – à travers l'étude de la phénoménologie de la dégradation des matériels –, aux nouvelles technologies – fiabilité des logiciels et des composants électriques « électro-programmés » –, ainsi qu'aux facteurs humains et organisationnels – analyse de la liste des incidents déclarés et recherches ciblées, par exemple, sur l'impact de la sous-traitance.

Second enjeu : vérifier l'aptitude des systèmes de sécurité à maîtriser les conséquences d'un accident et, dans une logique de défense en profondeur, définir les mesures à mettre en oeuvre pour en limiter les conséquences, voire protéger les populations. Nos principaux programmes ont trait aux agressions industrielles et naturelles, au comportement du combustible en situation accidentelle et aux accidents de fusion du coeur.

Les études relatives aux agressions industrielles et naturelles portent sur trois thématiques : les risques de séisme, d'inondation et d'incendie. En ce qui concerne ces derniers, l'IRSN dispose de moyens uniques au monde avec la plateforme Galaxie, initialement construite, dans les années soixante-dix, pour l'étude des feux de sodium : elle comprend des caissons en béton ou en acier de 20 à 400 mètres cube, et une maquette configurable d'installation industrielle.

Ces programmes visent la tenue des équipements importants pour la sûreté et le confinement des radionucléides ; les principales recherches portent sur la caractérisation des agressions. Les résultats expérimentaux permettent de valider deux outils de simulation numérique développés en interne et utilisés par l'expertise. Les principaux programmes font l'objet de larges collaborations internationales, à l'instar des programmes « Prisme » qui, menés sous l'égide de l'OCDE, associent une douzaine de pays.

Les recherches sur le combustible en situation accidentelle se justifient à double titre : en premier lieu, les accidents peuvent entraîner une fuite de produits radioactifs dans l'environnement ; par ailleurs, le combustible étant en perpétuelle évolution – qu'il s'agisse des pastilles, des gainages ou des conditions d'exploitation –, il est nécessaire d'étudier l'impact potentiel sur la sûreté. Les enjeux sont, d'une part, le confinement des radionucléides dans la matrice combustible et son gainage, et, de l'autre, la maîtrise du refroidissement du combustible. Quant aux principaux thèmes de recherche associés, ils concernent les accidents de perte de réfrigérant et les accidents d'excursion de puissance ; en d'autres termes, des accidents à l'origine de conséquences plus graves, comme celles observées à Three Mile Island, Fukushima et Tchernobyl. L'IRSN développe deux grands programmes : le programme Cabri-CIP, sous l'égide de l'OCDE, est consacré aux accidents de réactivité, et le programme Cyclades, aux accidents de perte de réfrigérant.

Le principal outil expérimental de l'Institut est le réacteur CABRI, exploité par le CEA. Les expérimentations réalisées avec des matériaux réels sont complétées par d'autres, plus analytiques, menées, soit au sein de nos laboratoires de thermomécanique et d'analyse métallurgique, soit, pour les examens en laboratoire chaud, au CEA.

La simulation numérique est un volet important de nos recherches. Le logiciel SCANAIR réalise des simulations d'accidents de réactivité et le logiciel DRACCAR, des simulations d'accidents de perte de réfrigérant.

Quant à la problématique des accidents de fusion de coeur, elle fait l'objet de recherches depuis plus de vingt-cinq ans. Ses enjeux concernent la limitation de la progression de l'accident, le confinement des radionucléides dans l'enceinte et la définition des mesures de protection des populations. Les principaux thèmes de recherche sont le refroidissement d'un coeur dégradé, l'attaque du radier par le coeur fondu et son refroidissement, les sollicitations dynamiques résultant par exemple d'une explosion d'hydrogène et le transfert des radionucléides du combustible à l'environnement.

L'IRSN développe plusieurs grands programmes : le programme PHÉBUS-FP, unique au monde, a commencé en 1993, et les résultats du cinquième et dernier essai ont été publiés fin 2010 ; le programme International source term, dit ISTP, vise à résoudre les problèmes soulevés par les cinq essais du programme PHÉBUS-FP, notamment le comportement de l'iode radioactif dans les circuits et dans l'enceinte de confinement ; le programme Source term and mitigation (STEM), lancé sous l'égide de l'OCDE, a trait à la limitation des rejets lors d'un accident de fusion de coeur – notamment pour les réacteurs de deuxième génération – ; le programme SARNET, enfin, consiste dans la coordination, par l'IRSN, d'un réseau d'excellence rassemblant quarante-deux organismes et plus de deux cents chercheurs.

Les outils expérimentaux sont, d'une part, le réacteur PHÉBUS – ou du moins sa base de données puisque, depuis 2007, il est progressivement démantelé – et, de l'autre, les outils de calcul, tel le logiciel Astec, qui fait l'objet d'une collaboration avec notre homologue allemand Gesellschaft für anlagen und reaktorsicherheit (GRS). Ce logiciel, pour lequel d'importants investissements ont été réalisés, est capable de simuler l'intégralité d'un accident – à l'exception de l'interaction explosive entre le corium et l'eau, qui fait l'objet d'autres études. Plus d'une vingtaine d'organismes étrangers utilisent aujourd'hui ce logiciel, qui est devenu la référence européenne au sein du réseau SARNET.

Les points forts de ces différents programmes ont été relevés par l'AERES lors de l'évaluation de la recherche en sûreté des réacteurs effectuée il y a moins d'un an : une recherche finalisée, renforcée par des travaux en amont avec des laboratoires universitaires – une demi-douzaine ont ainsi été créés, récemment, en partenariat avec le CNRS – et permettant des expertises scientifiquement étayées ; des partenariats internationaux forts et un leadership mondial sur certaines thématiques ; des outils expérimentaux et logiciels pour la plupart uniques et fédérateurs ; enfin, une recherche pluridisciplinaire, attractive, mobilisant des équipes de chercheurs réactives.

La fragilité de cette recherche est son coût, notamment lorsque les expérimentations nécessitent l'utilisation de combustibles irradiés. Le risque est donc l'abandon prématuré de certains sujets de recherche.

Bien que toutes les leçons de l'accident de Fukushima ne soient pas encore tirées, elles confirment le bien-fondé de certaines pistes auxquelles l'IRSN travaillait déjà : consolider les connaissances sur le déroulement des accidents de fusion de coeur et de dénoyage de piscines ; acquérir des connaissances sur les mécanismes et dispositions qui permettraient d'arrêter la progression de l'accident et de limiter les rejets dans l'environnement ; enfin, compléter, dans une logique de défense en profondeur, nos connaissances du comportement du combustible en situation accidentelle. Ce dernier point est d'importance puisqu'il concerne le refroidissement et la maîtrise de la réaction de fission, actions indispensables pour éviter la fusion du coeur.

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