L'incident de Fukushima fera que nous serons encore plus précautionneux dans le choix des technologies que nous emploierons soit pour démanteler des installations anciennes soit pour en construire de nouvelles. La Lituanie a envoyé au Japon des sommes importantes destinées aux victimes de l'incident nucléaire de Fukushima, mais il y a peu d'opposition à l'utilisation de l'énergie atomique dans mon pays. Les Lituaniens, qui utilisent cette source d'énergie de longue date, savent qu'elle est efficace, propre et sûre à condition que les règles de sécurité élémentaires ne soient pas enfreintes.
L'énergie que nous utilisons n'est pas seulement d'origine nucléaire. Notre mix énergétique comprend aussi des énergies renouvelables, nous avons des centrales thermiques et nous avons créé un grand parc d'éoliennes ; elles ne sont pas encore rentables mais elles le seront un jour. Comme je vous l'ai indiqué, nous projetons d'ouvrir un terminal de gaz naturel liquéfié en 2014 et nous avons déjà signé un précontrat avec une société américaine ; on notera que c'est la première fois depuis des décennies que les États-Unis exporteront vers la Lituanie du gaz liquide, une exportation jusqu'à présent interdite.
La présidence lituanienne du Conseil européen, en 2013, aura diverses priorités. Il faudra évidemment travailler avec la Grèce et l'Irlande à ce moment, mais nous comptons aussi mettre l'accent sur le partenariat avec les pays de l'Est de l'Europe, notre expertise pouvant être utile. Nous entendons également approfondir la stratégie de la mer Baltique mise au point sous la présidence suédoise. Tout en regrettant que cette stratégie ne bénéficie pas de fonds supplémentaires, nous nous attacherons à renforcer les synergies des pays concernés pour améliorer la qualité de vie, la sécurité et la compétitivité de la région et surmonter les problèmes d'environnement, la Baltique étant malheureusement l'une des mers les plus polluées du monde.
Vous m'avez interrogé sur la position de la Lituanie quant à l'élargissement ultérieur de l'Union européenne, et notamment à la Turquie. J'ai eu l'occasion de m'entretenir récemment avec mon homologue turc, et j'ai eu le sentiment que les souhaits du gouvernement turc à ce sujet ont quelque peu évolué. La majorité au pouvoir a de grandes chances de se voir reconduite lors des prochaines élections et l'économie de la Turquie étant florissante, le pays est de moins en moins inquiet pour son avenir. De plus, la région connaît de profondes mutations et la Turquie se voit propulsée au rang d'acteur de premier plan. Pour toutes ces raisons, la Turquie insiste moins pour devenir membre de l'Union européenne ; c'est en tout cas l'impression que m'ont laissé mes entretiens à Istanbul.
La Lituanie soutient la candidature de la Turquie à l'adhésion à l'Union européenne, à condition que tous les critères d'admission soient strictement remplis. Or, il y a de profondes différences entre Ankara et Istanbul d'une part, le reste du pays d'autre part. Parvenir à un même niveau économique partout en Turquie, mais aussi à une même compréhension des principes démocratiques dans l'ensemble du pays peut prendre du temps. En outre, au Proche-Orient, l'Egypte est désormais un acteur secondaire alors que la Turquie est passée au premier plan.
L'Allemagne vient de renoncer à l'énergie nucléaire civile, mais cette décision est surtout politique. Elle est censée s'appliquer en 2022 ; d'ici là, de nombreuses élections auront eu lieu et nul ne peut préjuger des forces politiques qui seront au pouvoir. Comment savoir si cette mesure sera réellement appliquée ? Les Allemands y réfléchiront sans doute à deux fois s'ils se rendent compte que l'abandon du nucléaire a pour effet de tripler le prix de l'électricité. On peut donc imaginer que quelques centrales seront effectivement fermées, mais pas toutes, d'autant que l'industrie nucléaire allemande a immédiatement fait savoir qu'elle entendait attaquer la décision consistant à abandonner l'énergie nucléaire tout en maintenant la taxe sur le combustible nucléaire à laquelle les industriels du secteur sont actuellement soumis.
Lors du Conseil européen du 24 juin prochain, la Lituanie souhaite entendre aborder la politique globale de migration mais aussi la gouvernance économique. Nous considérons en effet que chaque pays membre de l'Union doit se contraindre à une réelle discipline financière, condition sine qua non d'une coopération harmonieuse. Il serait aussi souhaitable d'aborder la question de la sécurité nucléaire, un thème dont nous traitons régulièrement avec nos voisins. Comme je vous l'ai dit, nous avons le projet de construire une centrale nucléaire en insistant sur la sûreté de l'installation.
Au cours de sa présidence en exercice de l'OSCE, la Lituanie a en effet souhaité mettre l'accent sur la liberté de la presse. L'Organisation n'a pas de moyens de coercition et toutes les décisions doivent être prises en son sein par consensus. L'OSCE compte 56 pays membres ; dans certains de ces pays, la liberté de la presse n'est pas acquise. Lors de mes visites, j'aborde la question ouvertement et publiquement, tant avec les autorités qu'avec les représentants des médias. Je suis en contact constant avec la représentante de l'OSCE pour la liberté des médias et, en tout pays où je me rends, je cite systématiquement les noms des journalistes opprimés. Si vous consultez le site web de l'Organisation, vous y verrez la liste des pays dans lesquels les journalistes font l'objet de pressions et dans lesquels la liberté de la presse est bafouée. Les autocrates n'aimant pas être désignés pour ce qu'ils sont, l'un des seuls pouvoirs dont dispose l'OSCE est de montrer du doigt les pays qui ligotent la liberté d'expression. En Azerbaïdjan, j'ai évoqué avec les autorités le cas de manifestants pacifiques arrêtés il y a plus de quatre ans et toujours détenus. J'ai eu la satisfaction d'apprendre que ces personnes sont aujourd'hui libérées. Ainsi, grâce à l'OSCE, de petits progrès sont possibles ; ils peuvent parfois paraître millimétriques, mais l'Organisation, je vous l'ai dit, a de faibles moyens d'action.
Les 7 et 8 juin prochains se tiendra à Vilnius une conférence consacrée à la sécurité des journalistes. Je suis heureux qu'y participent des journalistes venus de Tunisie, d'Égypte et d'autres pays arabes, ainsi que des hommes et des femmes politiques, dont des Russes, un pays où la liberté de la presse et la liberté d'expression connaissent aussi quelques problèmes. L'OSCE n'a pas un très grand poids, mais elle se doit de rappeler les gouvernements à leurs devoirs.