Nous espérons tous ici que le Contrôleur général pourra exercer sa mission de la manière la plus absolue qui soit. Certes, j'ai lu le compte rendu des débats du Sénat et je sais que le rapporteur va me dire dans un instant que ces restrictions ont un caractère provisoire et qu'il s'agit d'un report de la visite du Contrôleur général, non d'une interdiction. La formulation retenue n'en autorise pas moins, en réalité, les autorités responsables des lieux de détention à choisir le moment de la visite, ce qui est contradictoire avec l'indépendance dont on prétend faire bénéficier le Contrôleur.
On voit mal, comme cela vient d'être dit, quelles raisons liées à la défense ou à la sécurité publique pourraient s'opposer à une simple visite. Quant aux catastrophes naturelles, le fait qu'il s'agisse de cas de force majeure devrait suffire : c'est une question de bon sens. Je tiens, en revanche, à m'arrêter sur la notion de « troubles sérieux » dans le lieu de détention, notion dont la définition n'existe pas et qui est susceptible de nourrir toutes les interrogations.
Le fait que des détenus refusent de remonter en cellule après la promenade, qui est aujourd'hui la réaction la plus badine de leur part, peut parfaitement être qualifié de « troubles sérieux » dans l'établissement visité. Cette notion de « troubles sérieux » est-elle opposable à un préfet qui veut venir visiter un établissement pénitentiaire ? Interdirait-elle à un procureur de la République qui le souhaiterait, en application de l'article D. 178 du code de procédure pénale, de se rendre dans une prison ? Ou à un parlementaire qui, en vertu de l'article 719 du code de procédure pénale, dont les dispositions ont été introduites par la loi du 15 juin 2000, est autorisé à « visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires » ?
Il n'y est pas fait mention de « troubles sérieux ». Ceux-ci ne seraient donc pas opposables à un parlementaire ; on a dès lors du mal à comprendre pourquoi ils le seraient au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
De deux choses l'une : soit la mission du Contrôleur est bien, comme l'affirme notre rapporteur, de prévenir d'éventuels abus qu'un milieu fermé peut favoriser et de lever la suspicion concernant les conditions de traitement des personnes enfermées, et, dès lors, sa liberté de mouvement ne peut être entravée et il convient de supprimer cet alinéa ; soit la vocation du Contrôleur général n'est que d'entretenir un dialogue avec les administrations, et alors nous sommes loin de l'esprit du Protocole facultatif.
De notre point de vue, il est évident que le principe de libre accès doit commander entièrement le texte que nous élaborons. La frilosité qui caractérise ces restrictions n'a pas sa place dans une loi instituant un contrôleur général indépendant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)