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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 10 juin 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Après l'article 4, amendement 1241

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Sur l'assurance-vie, qui a suscité de très nombreux débats, nous sommes parvenus à un constat commun : la fiscalité de la détention ne doit pas être modifiée. Certains ont voulu le faire. Certains ont même imaginé trouver dans cette assiette de quoi financer une suppression totale de l'ISF ; ils y ont renoncé ou y ont été contraints, à raison. Il faut faire attention car, comme l'ont très bien dit le rapporteur général et le ministre, les produits de l'assurance-vie assurent le financement de long terme des entreprises ainsi que le financement de la puissance publique. Il est douteux que ces financements ne soient pas aussi nécessaires dans les temps à venir que jusqu'à présent.

Sanctuariser la fiscalité de la détention me paraît donc sage. Ceux qui ont voulu taxer ce qu'ils appelaient eux-mêmes des « plus-values latentes » faisaient, je crois, courir un risque au financement de long terme des entreprises et au financement de la puissance publique, et ce d'autant plus que les récentes normes Solvency II – notre collègue Jérôme Chartier connaît cela très bien – obligent les compagnies d'assurance à détenir des produits d'État afin de se conformer aux nouveaux ratios.

Nous parlons donc de la fiscalité non pas de la détention mais de la transmission. La détention doit être sanctuarisée mais la transmission, c'est une autre affaire.

En entendant le rapporteur général et le ministre, je me demande de quelle façon pourraient être perçus ces débats par l'écrasante majorité de nos concitoyens. La transmission des fonds placés en contrats d'assurance-vie bénéficie déjà d'un avantage dérogatoire spécifique via un abattement d'un peu plus de 152 000 euros par part. À cet abattement spécifique s'ajoute évidemment l'abattement général de la transmission, qui est d'un peu moins de 160 000 euros. Par part, la somme qu'il faut abattre est donc déjà de plus de 300 000 euros, c'est-à-dire trois fois le patrimoine médian. Certes, l'assurance-vie est compartimentée mais je ne vois pas comment on pourrait prétendre que l'abattement général des successions ne s'applique pas à cet abattement-là ; si tel n'est pas le cas, merci de nous le préciser, monsieur le ministre.

Il me semble que c'est suffisant. Aussi, faire entrer cette fiscalité dans une forme de droit commun, tout en préservant l'abattement spécifique à l'assurance-vie, ne compromettrait en rien l'essentiel, c'est-à-dire la détention des produits d'assurance-vie.

Or il semble que l'on aille encore plus loin et, au moment où il s'agit, à tout le moins, de préserver l'équilibre de nos finances publiques, nous parlons à présent de patrimoines d'au moins 900 000 euros, auxquels s'ajoutent les 152 500 euros ainsi que, je le crains, l'abattement général, tout cela par part ! Expliquez-moi comment, à un moment où des efforts vont être demandés à tous nos concitoyens, on peut sanctuariser, en succession, des patrimoines d'un million d'euros.

Certains envisagent même de déporter vers la consommation un effort, par exemple, pour la famille, aujourd'hui assuré par les entreprises, d'ailleurs sans réelle légitimité : au nom de quoi les entreprises acquittent-elles près de cinq points de cotisations familiales, pour un montant de l'ordre de 35 milliards ? Certains appellent cela la TVA sociale ; d'autres sont totalement hostiles à une telle mesure. Mais enfin on envisage de déporter vers la consommation un effort de plusieurs milliards, et au même moment on sanctuariserait des patrimoines d'au moins un million d'euros – à supposer que l'abattement général ne s'applique pas, il reste les 900 000 euros plus les quelques 152 500 euros –, s'agissant de la transmission ?

Il faut avoir conscience des efforts que l'on s'apprête à demander au pays, les uns et les autres, à brève échéance, et veiller à ne pas donner l'impression que, décidément, certains, comme dans La Ferme des animaux de George Orwell, sont plus égaux que d'autres.

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