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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 25 septembre 2007 à 15h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Nous avons bien compris que l'amendement « d'attente » que M. le rapporteur a déposé, répondait à la volonté de ne pas préjuger la révision constitutionnelle, qui pourrait prévoir une procédure d'association du Parlement à certaines nominations. Mais, outre que le calendrier de cette révision demeure à tout le moins incertain, une modification de la loi serait toujours possible si celle-ci devait survenir après la désignation du premier Contrôleur général. En l'espèce, nous prenons le risque d'une nomination soumise au seul bon vouloir du Président de la République. Or ce point est en flagrante contradiction, une fois de plus, avec le Protocole facultatif, qui, dans son article 18, alinéa 1, engage les États parties à garantir « l'indépendance des mécanismes nationaux de prévention ».

Nous n'en déplorons que plus le rejet de notre amendement en commission, qui prévoyait la nomination du Contrôleur général par décret du Président de la République sur avis conforme, acquis à la majorité des trois cinquièmes de la commission compétente de chaque assemblée. Une telle disposition serait pourtant conforme à l'esprit du Protocole facultatif et contribuerait à amplifier le rôle du Parlement, ce qui est unanimement souhaité.

Ces remarques sur la non-conformité, selon nous, du texte par rapport au Protocole facultatif n'épuisent cependant pas nos critiques et donc nos voeux que notre assemblée puisse améliorer le projet de loi.

Ainsi, nous regrettons que le Contrôleur ne puisse pas disposer du pouvoir d'injonction. Ce souhait n'est pas le fruit d'une volonté de surenchère. Nous nous contentons, en effet, de suggérer l'attribution d'un tel pouvoir à l'autorité uniquement si celle-ci est confrontée à une situation extrême, en cas de violations graves des droits fondamentaux de personnes privées de liberté. Pourquoi d'ailleurs refuser au Contrôleur général le recours à l'injonction, alors que le législateur n'a pas hésité à l'octroyer à des structures oeuvrant dans des domaines voisins et parfois connexes – je pense au Médiateur de la République ou au Défenseur des enfants, par exemple ?

Vous estimez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que l'attribution de ce pouvoir conduirait inéluctablement à des situations de blocage, rendant inopérante l'exercice effectif du contrôle, et que seule la concertation entre les différents acteurs pourrait se révéler efficace. Je me permets, là encore, de citer la conclusion du rapport de 2006 sur les autorités administratives indépendantes, qui affirme que celles-ci ne sont crédibles que si elles disposent du pouvoir de sanctionner – je cite le rapport du sénateur Gélard : « C'est pourquoi le législateur pourrait attribuer systématiquement un tel pouvoir [d'injonction] aux autorités administratives indépendantes. » Je ne crois pas, au demeurant, que le possible recours à l'injonction ait de quelque manière compliqué la tâche du Médiateur de la République. Bien au contraire, il s'en estime satisfait, et n'en use d'ailleurs qu'avec la plus extrême parcimonie.

Certes, l'amendement présenté par M. le rapporteur et adopté par la commission va dans un sens qui est louable, mais sa portée reste limitée par rapport à ce que l'on était en droit d'espérer. La disposition envisagée ne peut nullement, en tout cas, remplacer de manière efficace un éventuel recours à l'injonction. Doter le Contrôleur général des moyens de « constater » s'il a été mis fin à une violation caractérisée des droits fondamentaux d'un détenu est un premier pas, mais, dans un tel cas de figure, la mesure peut légitimement paraître bien anodine et inoffensive eu égard au degré de gravité du manquement constaté.

Nous estimons, enfin, que la remise du rapport annuel d'activité du futur Contrôleur général pourrait revêtir une forme plus solennelle que celle prévue dans le projet de loi. Pourquoi ne pas imaginer – nous déposerons un amendement en ce sens – une présentation, avec débat, devant les deux assemblées ? De même, il serait souhaitable d'envisager une audition régulière du Contrôleur devant les commissions compétentes des deux chambres. Depuis l'an dernier, nos collègues de la commission des lois du Sénat organisent justement, après la présentation du rapport en séance publique, une audition du Médiateur de la République, ouverte à tous les sénateurs. Nous gagnerions sans nul doute, monsieur le président de la commission, à nous inspirer d'un tel exemple.

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