Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il existe dans notre pays 5 500 lieux de privation de liberté, dont 188 prisons. Si les 62 000 détenus de ces prisons méritent toute notre attention, je souhaite m'intéresser aux autres bénéficiaires de ce projet de loi, personnes vulnérables qui, d'une manière ou d'une autre, sont privées de leur liberté. Force est de reconnaître qu'il n'en a pas été souvent question dans nos précédents débats.
Les lieux de privation de liberté font déjà l'objet de nombreux contrôles. J'en ai inventorié plus d'une vingtaine, de la part de corps d'inspection de l'administration, de magistrats, d'élus, d'associations habilitées, et même d'organes internationaux. Dès lors, pourquoi créer une autorité indépendante chargée de cette tâche ? Il ne s'agit pas seulement de respecter nos engagements internationaux : tous ces organes ont leurs limites, qui tiennent à leur sectorisation excessive et à une organisation administrative inadaptée. En revanche, l'autorité administrative indépendante de contrôle portera un regard général, complémentaire, indépendant et, surtout, extérieur sur la cohérence de l'ensemble du système.
Une telle cohérence garantit, à mes yeux, le respect des droits fondamentaux des personnes privées de leur liberté, qui est une exigence première de la démocratie et un critère d'évaluation de l'état d'avancement de notre société. C'est donc un pas extrêmement important qui est aujourd'hui franchi, dans la mesure où ce texte intègre l'ensemble de la notion de privation de liberté.
Sur le plan pénal, la création de l'autorité indépendante relance le débat sur le sens de la peine, dont nous aurons à débattre à l'occasion de la loi pénitentiaire qui nous a été annoncée par Mme la garde des sceaux. Faut-il considérer la privation de liberté exclusivement comme une sanction ou, aussi, comme un moyen de réadapter et de réhabiliter le détenu en vue de sa réinsertion sociale ? Il appartiendra au Parlement d'indiquer sans ambiguïté son choix ; à mes yeux, on ne saurait se limiter à une conception purement répressive.
L'autorité indépendante aura aussi à se préoccuper des personnes retenues dans des lieux où elles sont privées de liberté du fait de leur vulnérabilité. À cet égard, l'extension de son champ de contrôle aux hôpitaux psychiatriques et lieux assimilés constitue une avancée remarquable.
La mission de l'autorité est ambitieuse : contrôler le bon respect des droits fondamentaux en milieu fermé. Selon l'étude de la Commission nationale consultative des droits de l'homme de mars 2004, ces droits sont extrêmement larges, puisqu'ils incluent la protection de l'intégrité physique et psychique, le respect de la vie privée et familiale, le droit à l'enseignement et à la formation, l'application du droit du travail, la reconnaissance des droits collectifs, le respect des principes du droit pénal et le droit au respect et à la dignité. Vouloir dresser la liste exhaustive des droits fondamentaux serait hasardeux, voire impossible. Aussi convient-il de saluer la définition très large de la mission du Contrôleur que donne l'article 1er du projet de loi, car elle lui permettra de s'adapter à un contexte sociétal en constante évolution.
Au moment de la création d'une nouvelle autorité indépendante, se pose bien entendu la question des modalités de son contrôle et des moyens qui lui seront alloués. Indépendance d'action, transparence des recommandations et avis formulés constituent à mes yeux une première garantie d'efficacité. Peut-être ces dispositions seront-elles à affiner et à améliorer dans la pratique, notamment en matière de suivi ; à ce stade néanmoins, la mise en place d'un contrôle indépendant suivant des modalités adaptées à la situation actuelle est déjà un pas extrêmement important. En la matière, le mieux peut être l'ennemi du bien.
Alors, assumons pleinement cette première étape, et faisons confiance à celles et ceux qui seront en charge de cette mission. À ce sujet, je voudrais relever que l'autorité indépendante pourra être saisie, entre autres, par le Parlement – c'est-à-dire nous tous, mes chers collègues. Combien de fois, au cours de nos permanences, avons-nous été informés de dysfonctionnements ou de situations inacceptables ? Avec la possibilité de saisir le Contrôleur général, nous disposerons d'un outil supplémentaire pour faire respecter les droits démocratiques de nos concitoyens. Après avoir créé l'autorité indépendante en votant ce texte, il nous reviendra de contribuer à la faire vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)