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Intervention de Michel Vaxès

Réunion du 25 septembre 2007 à 15h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vaxès :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, de nombreux rapports et autant d'études dénoncent unanimement et depuis longtemps les révoltantes conditions de détention en France. Leurs conclusions sont toutes sans appel : les prisons françaises sont une honte pour la République !

Un jugement aussi net, aussi sévère, aurait exigé des réponses plus promptes. Elles arrivent enfin, et nous pourrions nous en réjouir sans réserve. Pourtant, je suis contraint d'utiliser ici le conditionnel. La raison en est simple : malgré l'adoption par nos collègues sénateurs d'amendements de portée essentielle, des interrogations demeurent.

Certaines pourraient être levées dans le débat qui s'ouvre et qui permettra, peut-être, d'aboutir à des améliorations décisives. Cela dépendra de l'accueil que Mme la garde des sceaux et sa majorité voudront bien leur réserver. Cela répondra, du même coup, à une question dont la réponse ne peut pas être neutre de conséquence : est-ce la contrainte des obligations internationales de la France ou la volonté politique du Gouvernement qui a pesé le plus dans l'élaboration d'un projet de loi relatif au contrôle des lieux de privation de liberté ?

Madame la ministre, si l'indépendance de l'autorité de contrôle que vous proposez de mettre en place est une exigence, son efficacité dépendra de trois conditions essentielles. Je les rappelle ici sans les hiérarchiser, car elles sont toutes également indispensables pour que les objectifs que s'assigne le projet de loi se traduisent dans la réalité carcérale.

Il va de soi que l'autorité de la personne qui assumera la lourde charge de Contrôleur général sera une condition essentielle à l'exercice de ses missions. Une haute moralité, unanimement reconnue, assortie d'une expérience professionnelle avérée dans le domaine de la justice, du droit pénal, de l'administration pénitentiaire et policière, sera déterminante pour asseoir sa légitimité et son magistère moral. Sur ce point, nous ne saurions nous satisfaire d'engagements oraux ; la commission non plus puisqu'elle a déposé un amendement en ce sens. C'est dans la loi que ces exigences doivent être inscrites, comme elles le sont dans les Conventions internationales.

Mais, sans pouvoir, les compétences ne seront jamais un gage de résultat. J'ai cru comprendre, madame la ministre, que la culture du résultat dans l'action publique serait votre guide. Je ne comprendrais donc pas que vous n'alliez pas au bout de cette logique, par bonheur, suivie par nos collègues sénateurs. Le texte initial, reconnaissons-le, ne donnait pas grande crédibilité au dispositif que vous proposiez. Nous vous invitons donc à faire quelques pas encore dans la voie sur laquelle le Sénat vous a engagée en renonçant à invoquer, pour s'opposer aux visites du contrôleur, les motifs énoncés à l'article 6. Comment croire que la personne qui assumera cette haute fonction, que lui aura confiée le Président de la République, pourrait ne pas mesurer les conséquences de ses décisions, notamment savoir si ses initiatives pourraient mettre en danger quiconque ou si l'accès à toutes les informations qu'il jugerait utiles mettrait en péril l'intérêt supérieur de l'État ? De grâce, ne faites pas injure par anticipation aux capacités de discernement du futur Contrôleur général ! Votre obstination à limiter sa liberté d'action ne cacherait-elle pas des préoccupations que vous n'oseriez révéler à la représentation nationale ?...

Des compétences sans pouvoir ne seraient pas efficaces, mais pire encore serait le cas où les compétences et les pouvoirs resteraient sans moyens. Quels moyens seront donc alloués à cette haute autorité ? C'est la troisième et, à l'évidence, la plus déterminante des conditions.

Madame la garde des sceaux, si la loi de finances pour 2008 devait confirmer ce que vous avez annoncé, c'est-à-dire 2,5 millions d'euros de crédits et dix-huit collaborateurs, vous décrédibiliseriez entièrement la portée de votre projet de loi. Vous nous priveriez alors de la possibilité de soutenir une proposition que nous attendons pourtant depuis des années, et vous nous acculeriez à l'abstention. Cela signifierait également que votre seul objectif aurait été de mettre votre gouvernement à l'abri de la critique des institutions internationales, et votre seule ambition d'afficher, devant l'opinion publique, une intention louable, mais vouée à l'échec, faute de moyens pour la concrétiser.

Madame la ministre, j'apprécierais que vos réponses démentent mon propos en le réduisant, a posteriori, à un injuste procès d'intention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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