Madame la garde des sceaux, le projet de loi que vous nous soumettez a connu quelques vicissitudes. En préparation depuis plusieurs années, il a été précédé de plusieurs étapes : le rapport Canivet, les commissions d'enquête parlementaires, plusieurs projets de lois, dont celui de Mme Lebranchu qui n'a pas pu être examiné en fin de mandature, enfin de nombreuses propositions de lois. Après ce long périple, on peut se réjouir d'avoir aujourd'hui la possibilité d'examiner ce texte.
Mais si nous nous réjouissons qu'il vienne enfin en discussion, nous ne cédons pas pour autant à l'unanimisme. Si les prisons sont aujourd'hui dans une situation difficile, voire catastrophique, en état de faillite si je puis dire, ce n'est pas uniquement en raison d'investissements insuffisants, mais bien à cause d'une politique pénale qui, depuis plusieurs années, a contribué à accroître de façon significative la population carcérale. On ne peut pas, d'un côté, remplir les prisons et, de l'autre, s'étonner des conséquences qui en résultent. Du reste, nous avons eu l'occasion de vous faire part de nos inquiétudes sur l'état des prisons lors de l'examen du projet de loi sur les peines plancher. Je ne suis pas certain que le Contrôleur des prisons, en tout cas à court terme, pourra éviter les difficultés qui naîtront de son application.
Le présent projet de loi a été beaucoup amélioré au Sénat, tant par la majorité que par l'opposition, et nous devons nous en réjouir. À l'origine, il était quelque peu restrictif, tant au niveau des compétences du Contrôleur que sur son mode de nomination, puisqu'un simple décret était prévu. Tout cela a été revu et va plutôt dans le bon sens. J'espère cependant, madame la garde des sceaux, que l'Assemblée nationale aura un jour la primeur d'un texte sur la justice. Ce serait un signe de respect pour notre institution.
Cela dit, un certain nombre de points restent à préciser. M. Urvoas y reviendra largement en défendant la motion de renvoi en commission. L'absence de pouvoir d'injonction du Contrôleur général limitera, qu'on le veuille ou non, son pouvoir. D'ailleurs, on note que les autorités qui disposent d'un tel pouvoir ne l'utilisent pas dans la réalité, mais c'est une pression qui pèse et qui peut s'avérer tout à fait positive. Nous regrettons donc qu'aucune avancée n'ait eu lieu sur ce point, car cela met en cause le rôle de ce contrôleur. Vous comptez sur la publicité qui sera donnée à son rapport. Mais cela suffira-t-il ? On peut en douter.
Je pense qu'il était pertinent d'envisager de confier cette mission au médiateur de la République, au vu de la multiplication des autorités de contrôle de la situation carcérale : l'inspection générale pour ce qui concerne l'administration pénitentiaire, le Contrôleur des prisons, le Médiateur, qui est d'ores et déjà chargé d'une mission de médiation, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la HALDE. On peut se demander si on n'aboutira pas à une certaine confusion, à quelques difficultés pour l'administration carcérale à répondre à toutes ces autorités. Je reviendrai donc sur ce point en présentant un amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)