Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, voici venu le bon moment pour développer une bonne idée à travers un bon texte, dans une bonne perspective pour notre pays.
C'est un bon moment car la fenêtre ouverte, si je puis dire, par le Docteur Vasseur il y a presque dix ans ne s'est toujours pas refermée. Une succession de travaux gouvernementaux et une série de rapports parlementaires, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, ont permis de faire prendre davantage conscience à nos concitoyens que derrière les murs, que nous sommes parfois contents de voir s'ériger entre les criminels et nous, peuvent se passer des choses qui nécessitent qu'on les regarde de plus près.
Sur ces questions, existe une certaine forme d'accord de principe, à défaut d'une unanimité. Si mes collègues de l'opposition me permettent cette remarque, le fait que ni exception d'irrecevabilité ni question préalable n'ait été déposée est significatif à cet égard, même si notre collègue Urvoas défendra tout à l'heure une motion de renvoi en commission.
C'est un bon moment car nous sommes dans une logique d'équilibre. Il est fait reproche à notre majorité d'avoir une trop grande propension à s'occuper des victimes et à charger les coupables ou ceux qui sont soupçonnés de l'être. Avec ce texte, madame la garde des sceaux, vous nous permettez de rétablir un équilibre entre le droit des victimes et l'impératif du respect de la dignité qui s'impose pour toute personne, qu'elle soit ou non privée de liberté.
Enfin, c'est un bon moment car, dans une assemblée parlementaire, c'est toujours le bon moment pour faire droit aux faibles. C'est le sens et la nature mêmes de la loi, si je peux me permettre ce rappel. La loi n'a de sens que si elle consiste à donner au faible des droits sur le fort.
Ce bon moment est conforté par les effets que nous attendons tous de ce texte : rassurer ceux qui oeuvrent pour le respect des droits fondamentaux, protéger la réputation et le métier au quotidien de ceux qui sont chargés des personnes privées de liberté, enfin assurer l'information des citoyens sur ce qui se passe dans ces lieux.
C'est une bonne idée pour quatre raisons.
Premièrement, comme le disait à l'instant le rapporteur, il y a une attente des personnels qui travaillent dans les lieux de privation de liberté parce que, même si les choses ont été fortement améliorées depuis dix ans, il reste un fond de suspicion sur les conditions de traitement des personnes enfermées. Il est notre devoir de protéger les personnels chargés de la surveillance.
Deuxièmement, il est nécessaire d'ouvrir ces lieux vers l'ensemble du corps social. La création du contrôleur général des lieux de privation de liberté y contribue.
Troisièmement, le contrôle est une nécessité et une réalité. Même si les lieux de privation de liberté sont par nature violents, même si les règles qui s'y appliquent ne sont pas toujours d'une force juridique prééminente ou prégnante, il n'en demeure pas moins que la dignité de la personne reste une règle fondamentale. Nous devons nous assurer qu'elle est toujours et partout respectée.
Quatrièmement, le contrôleur général est investi d'une mission d'alerte par l'amendement sur la procédure d'urgence que la commission a adopté et que le rapporteur a évoqué tout à l'heure.
C'est un bon texte parce que les responsabilités du Contrôleur relèvent de missions précises qui sont confiées par le Président de la République, ce qui lui assure une légitimité et une indépendance parfaitement nécessaires. Le fait qu'il soit adoubé par les deux commissions parlementaires, sous une forme qu'il conviendra de préciser soit lors de nos débats, soit ultérieurement, renforce encore son poids démocratique.
Ce texte s'avère très utile pour tous les personnels qui sont en charge des lieux de privation de liberté, qu'il s'agisse des policiers, des gendarmes, des personnels de l'administration pénitentiaire, des hôpitaux psychiatriques ou des centres d'éducation fermés, bref tous les lieux de la République concernés.
Même si ce texte est bon, il n'en demeure pas moins que nombre de sujets, qui ont été évoqués tout à l'heure par le président de la commission et le rapporteur, restent en débat, comme l'injonction, le secret médical, les modalités de nomination et la coordination des différentes autorités de contrôle. Comme beaucoup d'entre nous, je me ferai sur ce dernier point le porte-parole des administrations concernées : il faut parvenir à coordonner les efforts des autorités de contrôle, de sorte que les personnes en charge de ces dossiers ne soient pas submergées par des demandes qui viendraient s'empiler les unes sur les autres et deviendraient ainsi totalement inefficaces. Le rapport Canivet insistait déjà sur cet impératif et des pistes de réflexion ont été ébauchées en commission. Même si je ne suis pas sûr que nous trouverons aujourd'hui la solution, cette volonté d'harmonisation et de cohérence entre les autorités de contrôle doit faire l'objet de toute notre attention et nous devons pouvoir rassurer les différentes administrations et les personnels sur ce sujet.
Si ces sujets font débat, c'est bien parce qu'il s'agit de conforter le Contrôleur général dans sa mission. Les commissions parlementaires se sont attachées à renforcer la portée des interpellations que le Contrôleur général doit prononcer, à préciser sa place dans les institutions de notre pays – cela nous ramène à la question de l'injonction – et à garantir la discrétion de ceux qui sont amenés à rencontrer le Contrôleur général mais aussi les suites qui seront réservées aux interventions du Contrôleur général.
C'est vrai, madame la garde des sceaux, nous sommes nombreux à attendre impatiemment la loi pénitentiaire dont nous débattrons dans quelques semaines. L'examen du présent texte nous permet d'aborder un certain nombre de problèmes en espérant qu'ils trouveront une solution d'ici là. C'est en tout cas le sens de certains des amendements qui vous sont proposés.
Enfin, je remercie le président de la commission des lois de l'hospitalité dont il a fait preuve à l'égard des membres des autres commissions.
Si le député Poisson peut remercier le rapporteur Goujon, ce n'est pas seulement en vertu d'une solidarité aquatique (Sourires)…