Plus en profondeur, ce texte consacre des usages en matière de réhabilitation de l'habitat insalubre qui ont fait leurs preuves. En témoigne, pour l'île de La Réunion, la réduction importante du nombre de logements insalubres liée aux politiques menées dès les années 80 et 90. L'Agence pour l'observation de la Réunion, l'aménagement et l'habitat, l'AGORAH, constate ainsi que le nombre de logements insalubres serait passé en une dizaine d'années de 22 500 à 16 235. C'est un progrès que les outils législatifs offerts par ce texte permettront assurément d'accentuer.
Cette avancée est donc une nécessité : la démographie très dynamique des collectivités d'outre-mer rend cruciaux les problèmes d'infrastructures, qui constituent de véritables défis. Dès maintenant, il nous incombe d'adapter les centres villes à une inéluctable densification, tout en développant dans nos écarts les infrastructures de base qui font souvent défaut, qu'il s'agisse de l'accès à l'eau potable ou à l'assainissement.
Aussi, ce texte, par l'indemnisation des propriétaires et l'aide financière qu'il offre aux occupants de constructions en bois sous tôle, facilitera assurément la mise en oeuvre de nécessaires grandes opérations d'aménagement.
Toutefois, si la compensation financière et la simplification de la procédure de récupération du foncier constituent d'indéniables progrès, on ne peut les dissocier du problème du relogement des familles concernées. En la matière, on ne peut que constater que les carences et les perspectives à très court terme ne sont pas encourageantes. Plus de 25 000 familles réunionnaises sont maintenant en attente d'un logement social, et la construction demeure atone. Entre 1990 et 2000, 21 900 logements furent livrés – ce qui était déjà juste –, mais dans la décennie suivante ce nombre a diminué de moitié.
D'aucuns pointent la responsabilité des collectivités dans la non-mise en oeuvre de programmes ou la non-mise à disposition de foncier que cette loi favorisera. Pour ma part, j'ajouterai le manque de volonté politique de certains.
Le coeur du problème, c'est le choix politique de l'État d'abandonner les politiques d'intervention et d'accompagnement. Depuis quelques années, les dispositifs permettant de conduire les programmes d'aménagement et les politiques sociales du logement ont littéralement fondu. Le FRAFU est devenu, sinon un mythe, du moins une rareté. Les crédits de paiement de la LBU, qui devaient être le coeur du financement du logement social, s'érodent loi de finances après loi de finances.
Le choix politique et idéologique de faire reposer le financement du logement social essentiellement sur la défiscalisation est, à mon sens, un risque. En effet, la défiscalisation est, par nature, un mécanisme fluctuant et instable. Le défiscalisateur ne cherche pas à oeuvrer pour la politique du logement social outre-mer. Ce qu'il souhaite, c'est tout simplement un placement lui permettant de s'exonérer du paiement de l'impôt. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il ira donc vers la solution la plus performante au regard de ses objectifs, et ce ne sera pas nécessairement le logement social outre-mer.
Face aux enjeux, à La Réunion comme ailleurs outre-mer, je ne pense pas que la défiscalisation doive devenir le socle unique du financement du logement social. Au contraire, l'intervention directe de l'État, via une réhabilitation de la LBU, doit être privilégiée.
Madame la ministre, à chaque jour suffit sa peine, mais aussi sa joie, monsieur le rapporteur. Ces choix sur lesquels il est crucial de revenir ne doivent pas nous faire oublier l'avancée importante que le logement social, notamment outre-mer, va vivre avec cette proposition de loi de notre collègue Serge Letchimy, que, pour ma part, je voterai avec espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)