Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout citoyen aspire à accéder à un logement décent. C'est pour moi la colonne vertébrale de la vie en société.
Ce besoin légitime a été reconnu par la loi comme un droit fondamental. Vivre dans un logement précaire peut être un facteur d'humiliation, de frustration, mais aussi de révolte. L'humain peut se détruire. Les rapports entre les humains peuvent s'altérer. La vie en société court le risque de se détériorer.
La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion sont concernées à des degrés divers par ce problème.
Aussi le Gouvernement a-t-il jugé utile et opportun – on ne le dit peut-être pas suffisamment – de donner mission à notre collègue Serge Letchimy de dresser un état des lieux. À la suite à cette mission, les députés ont adopté à l'unanimité, le 26 janvier 2011, la proposition de loi portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer, intitulé qui montre bien que cette mission était expressément circonscrite à ces territoires où plus de 150 000 personnes sont en attente d'un logement social.
À leur tour, le 4 mai 2011, les sénateurs ont voté à l'unanimité le texte présenté, après l'avoir recadré et remanié. Tout ceci en un temps record.
Une fois achevés les travaux de notre commission des affaires économiques, on constate qu'un consensus s'est dégagé pour entériner en l'état le texte issu du Sénat. Qu'à cela ne tienne : ce qui importe ici et maintenant, c'est bel et bien une mise en route concrète, selon le même tempo, des mesures arrêtées d'un commun accord.
Là est le vrai défi. Car quand on sait l'impasse dans laquelle se trouvent les finances de l'État ; quand on sait la quasi-insolvabilité des collectivités communales, dont certaines ne verront leurs dettes apurées que dans trente à quarante ans au moins – dixit la chambre régionale des comptes ; quand on sait que la demande de logements sociaux en Martinique est de 12 000 logements alors que le niveau de production est tombé à environ 300 logements par an ; quand on sait enfin que, en 2010, l'État n'a dépensé outre-mer que 20 des 110 millions d'euros qu'il avait prévus de consacrer au logement social, ce qui représente 80 millions d'investissements en moins ; quand on sait tout cela, il faut avoir l'honnêteté de dire que le contexte est particulièrement contraint.
Cela étant, ce n'est pas avec la proposition de loi que tout commence : de nombreuses opérations de résorption de l'habitat insalubre, informel et indigne ont été menées dans le passé. Cette démarche apparaît plutôt comme un aboutissement, comme un parachèvement, qui permettra de faire plus vite afin de rattraper le temps précieux que l'on a perdu par endroits.
J'en prends à témoin le rapporteur, qui a lui-même déclaré que « certaines opérations de traitement de l'habitat durent depuis vingt-cinq ans et qu'il faut en moyenne une dizaine d'années pour traiter quatre cents logements ». Cela prouve que bien d'autres opérations ont été réalisées, grâce à l'implication de l'État, bien sûr, mais aussi – on oublie souvent de le dire – avec le concours des municipalités, toutes orientations politiques confondues. Leur contribution concernait le plus souvent la prise en charge du foncier et des travaux de voirie et réseaux divers.
Je concède volontiers qu'il existe des cas épineux, des véritables kafé léfan, comme on dit en langue créole. C'est le cas de Trénelle Citron, à Fort-de-France, où vivent agglomérés pas moins de 8 000 habitants. Rendez-vous compte que, dans la seule ville de Fort-de-France, capitale de la Martinique, 20 % de l'habitat est informel, selon le rapporteur lui-même !
De même, l'île de La Réunion avait déjà appliqué le principe du périmètre insalubre à contenu adapté.
Les avancées juridiques retenues aujourd'hui ne sont donc pas apparues ex nihilo, loin s'en faut. L'aide financière était de mise dans toutes les opérations de résorption de l'habitat insalubre. La proposition de loi vient à point nommé pour conforter ces usages ; elle est le reflet d'une pratique pertinente. Mais rappeler ce qui a été accompli n'enlève rien à sa valeur intrinsèque, bien au contraire : le de facto devient de jure.
Pour faire face à l'urgence, pour parer au plus pressé, on a ainsi conclu des accords tacites à profusion, dans l'espoir d'un renvoi d'ascenseur sous forme de votes favorables. Et, pour donner au tout l'apparence de la légalité, les bénéficiaires ont été élevés au rang de contribuables à part entière, redevables de l'impôt, de la taxe d'habitation, de la taxe foncière. Mais, qu'on le veuille ou non, c'était déjà une manière de conférer à ces personnes, considérées comme contrevenant à la loi, un certificat de reconnaissance et un titre de propriété.
De fil en aiguille, la situation est devenue pratiquement ingérable, d'autant que chaque particulier était le plus souvent son propre aménageur, ce qui envenimait parfois les rapports de bon voisinage. On ne pouvait plus tarder davantage à trouver une solution adaptée à ces situations complexes, voire inextricables.
Il est important de signaler, d'abord, que le foncier est une denrée très rare en Martinique, où les prix sont prohibitifs et contribuent à l'exclusion ; ensuite, que certaines zones à réhabiliter sont surexposées aux risques naturels majeurs.
De fait, la Martinique est un concentré de risques, risques auxquels s'ajoute celui de la pollution des terres. Ce dernier élément ne doit pas être négligé, car des personnes indélicates y ont vu une aubaine spéculative pour des opérations de construction.
Ces deux derniers paramètres doivent également être pris en considération, ce qui implique deux obligations supplémentaires auxquelles on ne saurait se soustraire : la construction en hauteur, d'une part ; la construction parasismique et anticyclonique, d'autre part.
En faisant la somme de ces exigences légitimes, on comprend aisément que le montant des fonds alloués doit être élevé si l'on veut rendre l'habitat salubre, mais aussi sécurisé.
En conclusion, la mission a été accomplie : la proposition de loi va être adoptée aujourd'hui même. Mais il reste tout le reste : le marathon de son application, sans prétention excessive. Car, aux risques naturels majeurs que je viens d'évoquer, l'État et les collectivités ne doivent pas ajouter un autre risque majeur : celui d'un financement qui ne serait pas à la mesure des véritables besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)