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Intervention de Marie-Luce Penchard

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Lutte contre l'habitat indigne en outre-mer — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord vous exprimer toute ma satisfaction de représenter aujourd'hui le Gouvernement pour le deuxième examen, devant vous, de la proposition de loi relative aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer, après son vote en première lecture par votre assemblée le 26 janvier 2011 et par le Sénat le 4 mai dernier.

Nous sommes proches de l'aboutissement de la démarche que le Gouvernement a engagée en avril 2009 avec la mission confiée à M. Serge Letchimy, député de la Martinique.

L'objectif du Gouvernement, partagé avec l'ensemble des élus ultramarins, est de relancer la lutte contre l'habitat insalubre outre-mer et de la doter de nouveaux outils opérationnels. Cet objectif s'inscrit plus globalement dans l'engagement pour le logement outre-mer, conformément aux orientations définies par le Président de la République, pour relancer le logement social outre-mer et la reconstitution des tissus urbains dégradés.

Dans ce cadre, j'ai eu, depuis ma prise de fonction, la volonté d'aider nos bailleurs sociaux, de développer l'offre de logements avec de nouveaux moyens opérationnels et législatifs.

Depuis deux ans, nous avons mis en place une politique de relance du logement social à partir de deux volets complémentaires : une politique volontariste de développement de l'offre nouvelle de logements et une intervention forte sur l'habitat informel, dégradé et insalubre.

Concernant le développement de l'offre nouvelle de logements, nous disposons aujourd'hui des deux instruments fondamentaux que sont la défiscalisation et la ligne budgétaire unique.

Je relève que cette nouvelle ressource nous donne un véritable effet de levier sur la production neuve puisque, grâce à la défiscalisation, la production de logements nouveaux a pu connaître un bond de 15 % entre 2009 et 2010, avec plus de 7 000 logements engagés l'année dernière.

La loi de finances pour 2011 a maintenu la capacité d'engagement de la ligne budgétaire unique, dont les crédits en autorisations d'engagement sont restés à 275 millions d'euros. Par ailleurs, l'article 169 de la loi de finances permet désormais à l'État de céder gratuitement ses terrains dès lors qu'ils sont destinés à accueillir des programmes de logements sociaux ou des équipements collectifs. Il s'agit d'une mesure importante et très attendue qui, souvenez-vous, avait été décidée par le conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009. Je rappelle en outre que le décret du 9 novembre 2010 ouvre la possibilité pour l'État d'intervenir seul dans la compensation de la surcharge foncière dès lors que la situation financière des collectivités ne leur permet pas de le faire. Des mesures sont dédiées à l'habitat social, mais la mobilisation du Gouvernement pour développer l'offre de logements sociaux outre-mer ne doit pas occulter l'autre enjeu fondamental qu'est l'amélioration de l'habitat privé. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient les interventions qui visent à réparer également les tissus urbains dégradés, qu'il s'agisse de la réhabilitation du logement social ou de l'intervention sur le logement privé.

Dans le cadre de cette politique globale, le Gouvernement a souhaité donner un nouveau souffle volontariste à la politique de lutte contre l'habitat indigne et informel. En effet, devant le développement phénoménal de constructions informelles et insalubres qui touchait et continue de toucher les départements d'outre-mer – presque une construction sur deux –, il s'agissait de relancer la lutte contre toutes ces formes d'habitat sur des bases qui devaient être adaptées au contexte institutionnel et social des outre-mer. Il en est résulté un rapport commandé par le Gouvernement, remis en septembre 2009 par le député Serge Letchimy, comportant quatorze recommandations dont la plupart sont contenues dans cette proposition de loi, et d'autres mesures que nous avons mises en application sans attendre. Des pôles départementaux de lutte contre l'habitat insalubre ont été installés. Un soutien a été apporté pour lancer des plans communaux de lutte contre l'habitat indigne. Des formations au bénéfice des agents de l'État ont été organisées en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion. Ces premières actions ont fait l'objet d'instructions très précises transmises aux préfets dès l'année dernière.

Aujourd'hui, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que vous examinez en deuxième lecture est donc l'aboutissement d'une démarche ambitieuse que le Gouvernement continue de soutenir avec le Parlement depuis le début de l'examen de ce texte au mois de janvier. Nous voulons en effet donner à l'État, aux communes, aux aménageurs, les outils nécessaires pour agir efficacement et plus durablement contre l'habitat insalubre et informel. Il s'agit incontestablement d'un phénomène dont le caractère massif est sans comparaison dans l'ensemble national. Ce constat a d'ailleurs conduit le Sénat à réduire le champ d'application de la section 1 aux départements d'outre-mer et à Saint Martin.

Ce texte me semble désormais clair et adapté aux objectifs souhaités par les pouvoirs publics. Il présente des avancées fondamentales. Je placerai au premier rang d'entre elles l'institution d'une aide financière compensatoire pour les occupants dont le domicile devra être démoli ou exproprié. Cette aide financière a une finalité importante : faciliter l'intégration de la lutte contre l'habitat insalubre et indigne dans le cadre des opérations d'aménagement. Elle permettra, j'en suis convaincue, de compenser la perte de domicile résultant des démolitions ou des expropriations rendues nécessaires lors du déroulement de ces opérations. Cette mesure permet de tenir compte de la réalité des constructions érigées sur le terrain d'autrui qui caractérisent l'insalubrité outre-mer. La compensation qu'elle institue représente une incitation à la transition des personnes occupantes vers une situation normalisée. Il s'agit d'une disposition équilibrée dans la mesure où les droits du propriétaire foncier sont préservés et où elle est assortie de conditions d'exécution strictes définies dès l'article 1er de la proposition de loi.

Le Parlement a fourni un travail important en première lecture pour apporter des précisions sur les conditions de versement de cette aide et veiller à ce que la loi prévoie sans ambiguïté des modalités adaptées de calcul et de versement. Par ailleurs, l'exclusion des marchands de sommeil du bénéfice de cette aide financière est clairement soulignée dans un parfait accord entre le Gouvernement et tous les parlementaires pour combattre cette pratique inacceptable.

Je précise que, si le Gouvernement a accepté le bénéfice d'une aide financière pour des bailleurs dans l'esprit des dispositions de l'article 3, c'est pour permettre la prise en compte d'une situation réelle dans nombre de quartiers d'habitat informel où une proportion significative d'environ 35 % des occupations locatives ne sont ni précaires, ni abusives, ni indignes. Majoritairement, cette occupation locative se déroule dans un cadre de mutations professionnelles ou familiales. Il s'agit de bailleurs de bonne foi, notion reconnue dans notre droit et soumise à l'appréciation des tribunaux en cas de contestation des conditions de la location.

La deuxième avancée réside dans la flexibilité et la souplesse notables apportées aux conditions d'intervention du préfet et du maire. À cet effet, je relève la définition par arrêté du préfet d'un périmètre insalubre à contenu adapté. Ce périmètre permettra au préfet d'instituer une zone d'insalubrité adaptée à l'état des diverses constructions dans les secteurs d'habitat informel. Ce nouveau dispositif sera moins rigide dans son contenu et ses effets que le périmètre d'insalubrité actuellement en vigueur dans le code de la santé publique, qui s'avère décalé par rapport aux réalités de l'outre-mer. La définition de ce périmètre sera subordonnée à un travail de repérage que nous avons tous souhaité mieux encadrer en termes de délais et de mesures de police administrative. Pour ce faire, l'établissement d'un périmètre d'insalubrité et la prise des arrêtés de même nature par le préfet ainsi que les arrêtés de péril du maire comporteront des règles précises relatives a la procédure, aux droits des occupants, au relogement de ces derniers ou encore à la nature des travaux prescrits dans le cadre du respect des droits de la propriété et du domicile.

Je souhaite également souligner les possibilités ouvertes par l'article 16, qui permet de doter les maires, sur l'ensemble du territoire national, du support législatif nécessaire pour mieux gérer les situations d'abandon manifeste des parcelles. Le problème de l'abandon manifeste, sans être un phénomène propre aux départements d'outre-mer, y est assez massif dans nombre de centres de villes et de bourgs, alors même que le foncier est rare dans ces territoires. Il était donc nécessaire de simplifier la phase administrative de l'expropriation en respectant bien évidemment les principes de base que sont l'information du public sur la destination du bien exproprié et l'indemnisation des propriétaires dans les conditions de droit commun.

Enfin, s'agissant de la possibilité de recourir au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, cela se fera sous certaines conditions, et notamment en direction des occupants sans titre, installés dans les zones exposées à des risques naturels prévisibles menaçant gravement des vies humaines. À cet égard, les montants affectés à ce dispositif seront identifiés au sein du Fonds Barnier. Il faut qu'ils soient inscrits dans le cadre d'une prochaine loi de finances.

Une fois encore, j'affirme l'attachement du Gouvernement à la rénovation des procédures que permet la proposition de loi sur l'habitat indigne en outre-mer. Nous soutenons cette proposition de loi qui est très attendue dans nos territoires et c'est pourquoi, je vous invite à un vote conforme au texte de la Haute assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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