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Intervention de François Pupponi

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Lutte contre le décrochage scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir écouté l'intervention du ministre, puis celle de M. Grosperrin, je ne suis pas déçu d'être venu. Je venais défendre la position de notre groupe, mais aussi comprendre la vision du Gouvernement ainsi que du groupe UMP sur le décrochage scolaire – lequel est l'objet de notre proposition, et non l'échec scolaire.

Monsieur le ministre, le groupe SRC vous interpelle depuis quelques semaines lors des questions au Gouvernement. Chacun est dans son rôle : l'opposition vous reproche la suppression de postes, et vous expliquez qu'elle n'est pas grave dans notre contexte économique, et que de maintenir des postes n'est pas forcément la solution pour l'éducation nationale.

Depuis tout à l'heure, vous nous expliquez que vous avez deux solutions au problème du décrochage scolaire. La première consiste à faire rentrer tous les élèves absents de l'école dans les établissements scolaires. C'est sûrement une bonne chose, et il est normal que l'on applique la loi et que les enfants qui ont quitté le système scolaire le réintègrent.

Mais vous parlez des décrocheurs pour désigner des jeunes qui ont plus de 16 ans. Or, je suis président d'une mission locale, et ces structures s'occupent de jeunes de 16 à 25 ans. Ce ne sont plus des décrocheurs scolaires, ce sont des jeunes en situation d'échec scolaire, qui ont quitté le système, et que l'on essaie de réinsérer socialement. Notre proposition de loi ne porte pas du tout sur ces jeunes-là. Il faut bien sûr s'en occuper, mais ce que nous essayons de vous faire entendre est que dès le plus jeune âge, dès la plus tendre enfance, lorsque l'on décèle chez un enfant en maternelle ou en primaire une certaine difficulté à suivre l'enseignement prodigué, il faut aider cet enfant à reprendre le rythme normal de la pédagogie de sa classe.

Nous constatons tous que, pour une foule de raisons, certains enfants ne suivent plus en classe. Mais ils ne quittent pas forcément l'école pour autant. Ils viennent tous les matins à l'école, parce que leurs parents les accompagnent, parce qu'ils considèrent que c'est obligatoire et qu'il faut venir. Mais ils s'assoient sur les bancs de l'école et ils passent leurs journées sans prendre la moindre note. Ils n'y arrivent plus.

Ce que nous proposons, c'est que lorsqu'un tel cas survient dans une classe, on mette en place un dispositif afin de comprendre pourquoi ce jeune enfant est en situation de rupture, et que l'on trouve une solution pour le rattraper.

Le Gouvernement précédent avait mis en place un dispositif appelé le plan de réussite éducatif, le PRE, que certains d'entre nous ont mis en oeuvre dans leurs communes, de façon très réussie. Le principe des PRE, c'est la prise en compte individualisée des difficultés de l'enfant pour l'aider. Nous proposons aujourd'hui d'institutionnaliser cela au sein de l'école, pour que le PRE ne soit pas limité à quelques-uns, mais que l'on mette en oeuvre une véritable politique de suivi individualisé des enfants en difficulté. Comment pourrait-on être contre ?

Si nous mettons cela en oeuvre, nous éviterons l'échec scolaire, nous en sommes intimement convaincus. J'aimerais que le ministre nous réponde sur ce point : « Êtes-vous favorable à un suivi individualisé des enfants en difficulté dans nos écoles ? »

À titre d'exemple, dans l'est du Val d'Oise, cinq cents enfants sont signalés par l'éducation nationale comme ayant un problème de comportement qui requiert un suivi individualisé. À peine la moitié des familles acceptent d'entendre ce que dit l'éducation nationale et prend rendez-vous avec le secteur pédopsychiatrique lorsque le besoin s'en fait sentir. Et comme il n'y a qu'un pédopsychiatre pour un secteur de 400 000 habitants, les rendez-vous sont donnés pour deux ans après. Cela veut dire que la prise en charge n'existe pas.

Notre problème est donc, une fois que l'on décèle un problème chez un enfant, de savoir comment le prendre en charge. Nous proposons donc qu'une équipe pluridisciplinaire diagnostique le problème de l'enfant et lui propose, ainsi qu'à ses parents, une prise en charge. C'est cela qui nous manque, et l'équipe pluridisciplinaire n'a pas d'autre but. Un tuteur qui s'occupera de cinq enfants doit être capable, surtout s'il a la formation adéquate, de déceler le problème de l'enfant, et d'apporter une solution. Je ne vois pas comment quelqu'un pourrait être opposé à cette proposition.

Sur la deuxième proposition, fondamentale, vous n'avez pas donné votre sentiment. Aujourd'hui, le système scolaire exclut des élèves pendant deux, trois, voire dix jours, sans leur offrir une solution de remplacement. Nous proposons que, lorsqu'une mesure d'exclusion est prononcée, l'élève concerné reste au sein de l'établissement scolaire ; pas dans la classe, puisqu'il en a été exclu, souvent pour de bonnes raisons ; mais qu'au moins, l'établissement le prenne en charge pour éviter qu'il ne soit livré à la rue.

Je peux vous citer de nombreux exemples de jeunes exclus qui sont presque contents de l'être. Ils peuvent retourner voir leurs copains dans la rue et continuer leurs exactions, souvent à l'occasion de règlements de comptes entre bandes. Ils se sont fait exclure parce qu'ils se sont battus dans l'enceinte de l'établissement scolaire, et pour les sanctionner, on les met dans la rue où ils retrouvent ceux qui continuent à se battre.

Je connais l'exemple d'un élève exclu à Sarcelles, que l'on a changé de collège trois jours plus tard. Dès son arrivée dans le nouvel établissement, il a frappé le premier adulte qu'il a rencontré. Quand on lui a demandé pourquoi il avait fait ça, il a répondu qu'on l'avait envoyé dans le collège de la bande d'en face. C'est aussi très révélateur de ce que le monde éducatif connaît de ce qui se passe en dehors de l'établissement scolaire. C'est pourquoi, monsieur Grosperrin, il faut que les collectivités locales soient plus étroitement associées à ce qui se passe et dans l'école et en dehors. Vous ne pouvez pas demander à un responsable d'établissement ou un enseignant qui arrive dans une ville de connaître le tissu social et associatif. C'est ensemble que nous devons prendre en compte tout l'environnement pour le bien-être des enfants scolarisés.

Je ne vois donc pas ce qui pourrait gêner dans notre proposition de loi. Faire en sorte qu'un enfant exclu reste au sein de l'établissement, faire en sorte qu'un enfant en difficulté soit pris en charge d'une manière individualisée, pour éviter qu'il ne décroche, quels problèmes soulèveraient ces propositions ? Vous nous parlez des jeunes de plus de seize ans, des moyens que vous accordez aux familles : mais ce n'est pas l'objet de notre proposition de loi. Son objet est de trouver des solutions pragmatiques et précises pour éviter qu'un enfant ne décroche précocement. J'espère que le ministre apportera des réponses très précises et convaincantes à nos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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