Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, qu'est ce que le mariage civil aujourd'hui ? En dehors de ces murs, chaque religion peut bien évidemment mettre ce qu'elle veut derrière le mot mariage, mais, pour nous, législateur d'un pays républicain et laïque, quelles sont les valeurs qui donnent son sens à ce mot ?
En France, en 2011, le mariage civil est avant tout une reconnaissance par la société de l'amour que se portent deux personnes. C'est la reconnaissance de leur union, de leur volonté de former un couple portant un projet de vie à deux.
C'est parce que l'amour n'a pas d'âge que même des personnes âgées peuvent se marier. C'est parce qu'ils ne sont pas contraints par la nécessité de la procréation que la société reconnaît également le droit aux couples stériles de s'unir.
La loi actuelle interdit pourtant à toute une partie de la population cette reconnaissance de l'amour, sous le prétexte qu'il s'agit de former un couple avec une personne de même sexe. Ce débat qui vise à élargir le mariage aux couples du même sexe est donc, avant tout, un combat pour l'application réelle du deuxième terme de notre devise républicaine : l'égalité. En créant ce droit nouveau, nous permettons enfin aux personnes qui s'aiment d'acquérir une nouvelle liberté, d'obtenir la reconnaissance par l'État de la légitimité de leur union et de bénéficier des mêmes droits et des mêmes devoirs.
Les parlementaires, élus de la nation tout entière, ont aussi une responsabilité morale. À travers ce texte, nous envoyons un message fort et clair qui honore la République : oui, les couples hétérosexuels et homosexuels, et à travers eux les individus qui les composent, sont égaux, réellement et rigoureusement égaux.
C'est un symbole nécessaire aujourd'hui qui doit participer à l'ouverture des consciences et à l'apaisement des rapports entre les individus, car, même si la reconnaissance et l'acceptation de l'homosexualité progressent dans notre société, l'homophobie, elle, reste prégnante.
L'édition 2011 du rapport sur l'homophobie de l'association SOS Homophobie nous en donne encore une fois la preuve. Ce sont plus de 1 500 témoignages de victimes qui ont été recensés rien qu'en 2010. Si ce rapport ne donne pas une vision exhaustive du phénomène en France, il constitue une esquisse éclairante sur ce que vit au quotidien une partie de nos concitoyens. Il démontre à quel point ce mal insidieux est répandu dans toutes les sphères de notre société. Les cas de violences physiques sont bien sûr les plus graves. On ne compte plus les personnes seules ou les couples agressés, insultés, menacés, frappés, envoyés à l'hôpital juste parce qu'ils sont homosexuels, ou encore les pressions exercées par le voisinage, les collègues de bureau, qui pourrissent la vie au quotidien, et cela, souvent, en toute impunité.
Les discours stigmatisants tenus publiquement encouragent également ces comportements. Certains propos de rappeurs, sportifs ou célébrités quelconques ont émaillé l'actualité ces derniers mois. Ceux-ci font des dégâts auprès de ceux qui apprécient ces personnages publics, notamment les plus jeunes, mais, pour quelques phrases qui font scandale, combien d'insultes sont banalisées, combien d'interventions ouvertement homophobes ne sont même pas relevées ? Les propos de ce genre sont encore plus choquants lorsqu'ils sont prononcés dans les murs même de notre assemblée, mais je vois que ceux qui les tiennent ont, semble-t-il, été interdits d'hémicycle aujourd'hui.