Nous proposons de mettre fin à une inégalité et de protéger tous les couples indifféremment, dans le hasard et la diversité de leur composition et des épreuves qu'ils traversent.
Cela dit, il faut aussi se remémorer le chemin parcouru jusqu'à ce jour. Le 27 juillet 1982, il y a presque trente ans et sous les cris de l'opposition, Robert Badinter proposait à l'Assemblée de mettre un terme à la répression de l'homosexualité en la sortant du code pénal. Depuis, ce sont les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle qui sont entrées dans le code pénal et qui sont désormais condamnées par l'article 225-1. Aujourd'hui comme hier, notre responsabilité, c'est de faire disparaître toutes les discriminations, et, lorsque c'est la loi qui discrimine, notre devoir est donc de modifier la loi.
J'en viens au coeur de notre proposition de loi : le mariage. Le mariage, c'est l'institution républicaine qui protège le couple dans la société et chaque époux à l'intérieur du couple. Dans ces conditions, comment accepter plus longtemps que la République refuse encore cette protection à des citoyens en fonction de leur seule orientation sexuelle. À travers notre texte, nous affirmons que nous accordons autant d'importance à l'amour entre deux femmes, entre deux hommes, qu'à l'amour entre une femme et un homme. Nous disons qu'il est temps de reconnaître à tous les couples le bénéfice des mêmes droits. C'est d'ailleurs à cette fin et pour affirmer que la valeur d'un couple ne se mesure pas à l'aune de son orientation sexuelle que nous sommes nombreux à organiser, certes de manière symbolique, des cérémonies de PACS dans les salles de mariage de nos mairies.
En deuxième lieu, nous n'ignorons pas la vertu pédagogique de notre texte – à écouter certaines interventions, je pense même que c'est une vertu utile. En effet, monsieur le garde des sceaux, vous le savez bien, lorsqu'elles s'ouvrent à tous sans discrimination, les institutions républicaines portent un message : message d'encouragement à ceux qui attendent un signe de la République pour vivre leur vie sans crainte et s'affirmer tels qu'ils sont, message de condamnation de ceux qui, à la maison, à l'école, au travail ou dans la rue se rendent coupables de violence à l'égard de ceux qu'ils jugent inférieurs parce que leur orientation sexuelle est minoritaire. Elles portent aussi un message à nos voisins, belges, hollandais, espagnols ou portugais, évoqués par le rapporteur, dont le mariage n'est aujourd'hui pas reconnu en France parce qu'ils sont deux époux ou qu'elles sont deux épouses. Il est temps de rattraper ce retard qui plonge la France dans le passé. Autrefois à la tête du combat pour les libertés individuelles avec la reconnaissance du PACS, la France est désormais à la traîne.
Et c'est d'ailleurs justement du PACS que je veux maintenant dire un mot. C'est la fierté, justifiée, de notre famille politique et de notre rapporteur que d'avoir créé cette union civile en 1999. Force est de constater son succès, avec plus de 200 000 PACS en 2010, dont 90 % ont été contractés par des couples hétérosexuels. Mais force aussi est de constater que, si cette union civile convient à de nombreux couples, elle n'ouvre pas les mêmes droits que le mariage.
C'est le cas pour ce qui concerne la décision de le dissoudre, la transmission du patrimoine et du nom, l'accès à des informations relevant du secret médical ou encore les questions liées à la retraite et les pensions de réversion.
L'ouverture à tous du mariage civil permettra enfin à chacun d'accéder aux mêmes droits. Finalement – et c'est peut-être là le coeur de notre proposition de loi –, nous proposons de consolider le mariage, pierre angulaire du droit de la famille.
Vous qui doutez, ne croyez pas que notre texte mette la famille en danger. En réalité, le principal danger qui guette le droit de la famille, ce serait de s'enfermer dans des traditions sans lien avec les évolutions de notre société. C'est d'ailleurs un fait qui a été rappelé : la majorité des enfants naissent actuellement hors du mariage, et, dans l'histoire de notre droit, conjugalité et filiation ont toujours suivi des chemins bien différents.
En proposant l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, nous proposons en réalité une réhabilitation de l'institution même du mariage, dans ce qu'elle apporte de reconnaissance, de stabilité et de protection à un couple. Nous renforçons le cadre juridique du mariage en lui permettant de s'ouvrir à tous. Nous le laisserions s'affaiblir si nous le laissions tel qu'il est, ouvert aux uns et fermé aux autres, en contradiction avec les valeurs de la République et l'évolution de notre société.
En 1998, une parlementaire, seule dans son groupe politique, appelait notre assemblée à avancer vers l'égalité des droits. Elle rejetait le dégoût comme la commisération à l'égard de celles et ceux qui portaient la revendication du PACS. Elle disait surtout que nous ne devions reconnaître qu'une seule communauté, la République.
C'est en rappelant ces propos et tous ceux qu'ont tenus les défenseurs du PACS et des autres textes demandant l'ouverture du mariage à tous les couples que nous vous invitons à faire un nouveau pas vers l'égalité des droits. Gardons en tête cette phrase de Condorcet, en réponse à celles et ceux qui renvoient sévèrement et hypocritement des hommes et des femmes vers leurs choix de vie : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté ni justice dans une société si l'égalité n'est pas réelle. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)