Cet amendement vise à rétablir le seuil de l'ISF initial.
Selon vous, monsieur le ministre, il y aurait un rêve de suppression de l'ISF. À ma connaissance, ce rêve, c'est à droite qu'il existe. Vous n'avez cessé de vouloir supprimer l'ISF, mais comme vous avez peur de prendre cette mesure, vous avez inventé toutes sortes de démantèlements de cet impôt. Ainsi, toutes les mesures Dutreil ont complètement mité une partie de l'ISF, puis le bouclier fiscal a suivi. Aujourd'hui, vous vous engagez dans un parcours qui consiste à réduire de moitié l'ISF.
En supprimant les premières tranches, que faites-vous ? Vous dites compenser la suppression du bouclier fiscal par l'ISF. Dans la première tranche de ce dernier, qui était concerné par le bouclier fiscal ? Un contribuable sur mille. C'est donc un cadeau aux près de 300 000 contribuables de cette première tranche qui, comme le rappelait Michel Sapin, paient en moyenne 1 000 euros d'ISF. Pensez-vous qu'à ce niveau de patrimoine, et dans la situation de nos finances publiques qui demande que tous les Français fassent un effort, il soit justifié de faire ce cadeau ?
Ce n'est pas tout ! Dans les autres tranches, les diminutions sont considérables. Mon collègue Christian Eckert a rappelé que manquait, dans le rapport du rapporteur général, la colonne qui donnait l'effet global de l'ensemble de votre dispositif : une baisse de l'imposition dans toutes les tranches de l'ISF, avec des cadeaux parfois considérables. Ainsi, les 600 contribuables qui ne faisaient pas appel au bouclier fiscal dans la dernière tranche de l'ISF, eux vont toucher un chèque de 175 000 euros.
Dans la situation de nos finances publiques, dans la situation économique de notre pays où un quart des salariés ont connu une baisse de pouvoir d'achat au cours des quatre dernières années, croyez-vous qu'il soit normal de baisser l'imposition ou de faire un chèque de 175 000 euros à des contribuables qui ont plus de 16,5 millions de patrimoine ?
Vous dites prendre une mesure équilibrée ; nous ne cesserons pas d'expliquer à nos concitoyens ce qu'est cette mesure. Ce que vous avez supprimé de l'ISF revient à une quasi-suppression de l'ISF, et cela pose un vrai problème, souligné par notre collègue Daniel Garrigue.
Dans la situation actuelle, notre pays, comme le monde, a besoin de solidarité. Contrairement à tout ce que vous dites dans vos discours, la solidarité est aussi un formidable facteur de compétitivité. Vous alléguez un risque de compétitivité. La question pourrait se poser s'il s'agissait d'un impôt frappant les entreprises, mais, en l'espèce, l'impôt concerne les individus.
Mes chers collègues, qu'est-ce qui fait la compétitivité d'une nation, le développement des économies ? Des entreprises performantes, certes. Mais une entreprise moderne et performante, en ces temps de mondialisation, on peut la recréer partout dans le monde. Pour que cette entreprise fonctionne, que faut-il ? Une formation, un système éducatif, de la recherche, des infrastructures, bref des services publics. Ce n'est pas un hasard si les pays les plus développés du monde, et je vous renvoie aux données de l'ONU, sont ceux qui ont les services publics les plus efficaces et aussi des taux de prélèvements obligatoires relativement élevés.
La réalité de la compétitivité d'une nation, c'est aussi la solidarité. Ce que vous faites en démantelant l'ISF, est à l'image de toutes les mesures que vous avez prises depuis 2007, et même depuis 2002. Les 70 milliards d'allègements fiscaux offerts en grande partie aux Français les plus fortunés sont payés à crédit. Ces 70 milliards, on les retrouve très exactement dans ce que Bercy appelle le déficit structurel, qui sera payé par les générations futures. Toute votre politique, c'est la négation d'un facteur fondamental de la compétitivité : la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)